Relations algéro-françaises : Une chance de sortie de crise ?
Le changement de ministre de l’Intérieur en France pourrait permettre un changement dans les relations entre Paris et Alger. C’est du moins ce que pense Karim Zéribi, fondateur du Conseil mondial de la diaspora algérienne, pour qui le départ de Bruno Retailleau et la nomination de Laurent Nuñez ouvrent la voie à une diplomatie plus constructive, après des mois de tensions exacerbées par une politique hostile envers l’Algérie et sa diaspora. Invité lundi sur la chaîne 3 de la Radio algérienne, Karim Zéribi n’a pas caché sa satisfaction face à ce remaniement ministériel. Le fondateur du CMDA impute directement à Bruno Retailleau la responsabilité d’avoir dégradé des relations déjà fragiles entre les deux pays. Zéribi dénonce une politique qu’il juge délibérément conflictuelle. « Retailleau a volontairement tendu les relations. Il a politisé les dossiers migratoires et bloqué de nombreuses coopérations, notamment économiques », a-t-il affirmé. Il rappelle que plus de cinq millions de personnes d’origine algérienne vivent en France et participent activement à l’économie et aux services publics français. « C’est scandaleux d’avoir sanctionné les Algériens qui travaillent en France. Ce sont eux qui font tourner cette économie », s’insurge-t-il. L’arrivée de Laurent Nuñez à la tête du ministère de l’Intérieur est perçue comme une opportunité de redresser la barre. Ancien chef des renseignements français, le nouveau ministre connaîtrait bien le dossier algérien et aurait d’emblée donné un signal positif en affichant sa volonté d’établir une relation normale, fondée sur le respect mutuel. « Il ne cherche pas à l’instrumentaliser politiquement. C’est un pas dans la bonne direction », souligne Zéribi, qui salue notamment la position de Nuñez sur l’accord franco-algérien de 1968 relatif à la circulation et au séjour des ressortissants algériens. Contrairement à certains discours politiques qui réclament sa suppression, le ministre a clairement indiqué que sa remise en cause n’était pas à l’ordre du jour. « Ce qu’on ne dit jamais, c’est ce que les Algériens rapportent à l’économie française. On parle toujours de ce que l’immigration coûte, jamais de ce qu’elle apporte », regrette-t-il, pointant également les malentendus autour de l’aide au développement dont l’Algérie ne bénéficie pas directement, ces fonds servant essentiellement à financer les institutions françaises installées sur le territoire algérien. Au-delà des questions migratoires, la dégradation des relations bilatérales a eu des conséquences économiques tangibles. Zéribi rappelle que les exportations françaises de blé vers l’Algérie représentent près d’un milliard d’euros par an et que quelque 450 entreprises françaises sont implantées dans le pays. La coopération sécuritaire et les enjeux stratégiques régionaux rendent d’autant plus préjudiciable une politique de confrontation.
Dans cette crise, Karim Zéribi n’épargne pas Emmanuel Macron, dont il souligne l’affaiblissement politique. Sans majorité parlementaire et confronté à une économie en difficulté, le président français n’a pas su imposer une ligne apaisée face aux débordements de son ministre de l’Intérieur. L’intervenant insiste également sur la nécessité d’un travail mémoriel, saluant les commémorations du 17 octobre 1961. « Les Français d’aujourd’hui ne doivent pas porter seuls le fardeau de l’histoire. Mais il faut la reconnaître, la regarder en face », plaide-t-il. Avec Laurent Nuñez, Zéribi voit une chance de relancer une diplomatie fondée sur le dialogue plutôt que sur la confrontation. « Avec Nuñez, tout est possible. La diplomatie, ce n’est pas la vengeance ou le mépris. C’est le dialogue et la reconnaissance des intérêts communs », conclut-il, ajoutant que Bruno Retailleau, dont le comportement est jugé inacceptable, ne constitue pas un candidat crédible pour la présidentielle française.
Chokri Hafed