Dessalement : Des stations mobiles pour les eaux souterraines du Sud
Des conteneurs mobiles de dessalement vont être déployés dans les wilayas du Sud pour traiter les importantes réserves d’eaux souterraines salines, une innovation technologique qui complète l’ambitieux programme national de dessalement d’eau de mer.
L’Algerian Desalination Company (ex-AEC) franchit un nouveau cap dans sa stratégie de sécurité hydrique en développant des solutions innovantes spécifiquement adaptées aux régions sahariennes. Mouloud Hachlaf, assistant du PDG de la société, a annoncé mardi lors d’une intervention sur les ondes de la Radio nationale le déploiement prochain de stations mobiles de type conteneurs destinées au dessalement des eaux souterraines dans le Sud, une première pour l’Algérie qui possède d’importantes réserves aquifères salines inexploitées. « Nous œuvrons à développer plusieurs projets, tels que des conteneurs mobiles destinés au dessalement de l’eau de mer et des eaux souterraines, pouvant être déployés dans différentes régions du pays », a déclaré Mouloud Hachlaf, précisant que « ces conteneurs constituent des solutions pratiques, notamment dans les wilayas du Sud telles qu’El Oued, El Meghaier et Biskra ». Cette technologie mobile et modulaire représente une rupture avec les grandes infrastructures fixes déployées sur le littoral, offrant une flexibilité inédite pour répondre aux besoins spécifiques des populations sahariennes confrontées à la salinité excessive des nappes phréatiques. Un programme qui accompagne les plans de développement économique et sociale des wilayas du Grand Sud, assis notamment sur le développement d’importantes infrastructures, le développement des cultures stratégiques en milieu saharien ainsi que la valorisation des ressources minières dont regorgent ces régions.
Un investissement de 2,8 milliards de dollars
Cette innovation s’inscrit dans un contexte d’accélération sans précédent de la politique nationale de dessalement. Le deuxième programme complémentaire prévoit la construction de six grandes stations sur le littoral, dans les wilayas de Skikda, Jijel, Tizi Ouzou, Chlef, Mostaganem et Tlemcen, chacune d’une capacité de 300.000 mètres cubes par jour. « Ce programme permettra de produire 1,8 million de mètres cubes supplémentaires par jour, portant le taux de couverture des besoins en eau potable à 60% », a souligné le responsable, annonçant un investissement colossal de 2,8 milliards de dollars pour ces infrastructures conformes aux instructions du président Abdelmadjid Tebboune. Contrairement au premier programme qui ciblait prioritairement les zones côtières densément peuplées, cette nouvelle génération de stations intègre une dimension territoriale élargie. « Les études ont été effectivement lancées par les cadres algériens, et nous avons sélectionné les sites des trois premières stations à Chlef, Mostaganem et Tlemcen, des zones qui souffrent d’une grande pénurie de précipitations », a expliqué Hachlaf. L’eau produite sera acheminée vers les régions de l’intérieur sur des distances allant de 150 à 200 kilomètres, « dans une vision prospective et globale visant à garantir l’équité dans la distribution de l’eau, particulièrement face aux prévisions d’une baisse de 20% des précipitations d’ici 2050 dans les pays d’Afrique du Nord », a-t-il ajouté, évoquant une aggravation de la sécheresse plus rapide que ne le prévoyaient les estimations climatiques. Le premier programme complémentaire, lancé en 2021, a déjà démontré l’efficacité de cette stratégie avec la mise en service de cinq grandes stations à El Tarf, Oran, Béjaïa, Tipaza et Boumerdès. Ces installations, d’une capacité unitaire de 300.000 mètres cubes par jour, fonctionnent désormais à pleine capacité opérationnelle et ont produit jusqu’en octobre des volumes considérables : 29,5 millions de mètres cubes à El Tarf, 37 millions à Oran, 11,5 millions à Béjaïa, 39 millions à Tipaza et 31,7 millions à Boumerdès. « Ces quantités d’eau de mer dessalée sont arrivées à un moment critique, alors que le pays souffre d’une sécheresse persistante depuis plus d’une décennie, entraînant une baisse du niveau d’eau dans les barrages et les puits », a rappelé le responsable. Cette montée en puissance du secteur s’accompagne d’une maîtrise technologique nationale acquise après 25 ans de partenariat avec des opérateurs étrangers. « La Société algérienne de dessalement des eaux de mer, qui était auparavant une branche du groupe Sonatrach, est devenue aujourd’hui une entité nationale indépendante spécialisée », a souligné Hachlaf, saluant cette transformation stratégique qui reflète « le degré de contrôle de l’Algérie sur l’une des technologies les plus vitales liées à la sécurité hydrique ». Les études, la réalisation et la gestion sont désormais entièrement assurées par des ingénieurs, développeurs et cadres algériens. Le virage écologique constitue l’autre dimension majeure de cette nouvelle génération d’infrastructures. L’ADC prévoit d’intégrer entre 30 et 35% d’énergies renouvelables, notamment l’énergie solaire, dans le fonctionnement des nouvelles stations, avec une perspective d’atteindre 100% à l’avenir. « L’énergie représente 30% du coût des stations de dessalement, ce qui fait du choix des énergies renouvelables un élément stratégique pour réduire les coûts et les émissions de carbone, et renforcer la transition énergétique de l’Algérie », a expliqué le responsable. L’impact socio-économique de ces programmes dépasse largement la question hydrique. Les cinq premières stations ont créé une dynamique économique importante, mobilisant des centaines d’entreprises de sous-traitance et générant près de 10.000 emplois directs et indirects. Elles ont également stimulé le développement des infrastructures locales, des réseaux routiers et électriques à l’accès internet, tout en bénéficiant aux secteurs de l’enseignement supérieur, de la formation et de la recherche scientifique. La société ambitionne désormais de porter le taux d’intégration nationale, actuellement de 30%, à un niveau supérieur « à travers l’encouragement des sous-traitants, des startups et des innovateurs, ainsi que le développement de projets de fabrication locale des équipements essentiels destinés aux stations de dessalement », a précisé Hachlaf.
Samir Benisid