Maroc : La rue ne décolère pas
Le mouvement GenZ 212 a appelé à de nouvelles manifestations malgré la répression.
Le mouvement de contestation GenZ 212 a annoncé vendredi l’organisation de nouvelles manifestations pacifiques dans plusieurs villes du royaume, dont Rabat, Casablanca, Tanger et Fès ce week-end, malgré l’arrestation de plus de 400 personnes et la condamnation de 17 manifestants d’Agadir à un total de 162 ans de prison. Cette mobilisation s’inscrit dans la continuité d’un mouvement de contestation qui dénonce les défaillances du système de santé et d’éducation publiques, ainsi que les priorités gouvernementales jugées déconnectées des besoins sociaux urgents. Dans un communiqué publié le 23 octobre, le collectif de jeunes Marocains a précisé que cette initiative vise à poursuivre la mobilisation pacifique pour défendre des revendications populaires partagées par de nombreux Marocains, toutes catégories et générations confondues. Le mouvement appelle à une amélioration substantielle des services publics de santé et d’éducation, tout en exigeant la libération immédiate de tous les manifestants emprisonnés. La colère populaire s’est particulièrement intensifiée après le décès tragique de huit femmes lors d’un accouchement dans un hôpital public à Agadir, drame qui a mis en lumière les défaillances criantes du système de santé marocain. Cet événement tragique a servi de catalyseur à une mobilisation qui couvait depuis plusieurs mois, cristallisant les frustrations d’une population confrontée quotidiennement à la dégradation des services publics essentiels. Les manifestants dénoncent vigoureusement la priorité accordée par le gouvernement d’Aziz Akhannouch aux projets d’infrastructures sportives liés à la Coupe d’Afrique des Nations et à la Coupe du monde 2030, au détriment des besoins sociaux urgents. Un symbole de la déconnexion entre les priorités du pouvoir et les préoccupations quotidiennes des citoyens ordinaires qui peinent à accéder à des soins de qualité ou à une éducation décente pour leurs enfants. Le secteur de l’éducation constitue également un point de tension majeur. Les inégalités criantes entre l’enseignement public et privé ont été vivement dénoncées par le mouvement, qui pointe notamment le comportement de certains responsables politiques marocains qui inscrivent leurs enfants dans des établissements privés tout en étant chargés de gérer l’école publique. Cette hypocrisie institutionnalisée alimente le sentiment d’injustice et de mépris ressenti par une large partie de la population.
Malgré les promesses exprimées par le gouvernement marocain en faveur de leurs revendications, le collectif GenZ 212 estime que les avancées demeurent insuffisantes, notamment en raison de l’absence de dispositifs clairs et de mesures concrètes pour combattre la corruption, prévenir les conflits d’intérêts et garantir une réelle reddition des comptes. La répression policière n’a fait qu’exacerber les tensions. Le mouvement exige la libération immédiate des plus de 400 personnes arrêtées dans le cadre des manifestations GenZ 212, dont les 17 manifestants d’Agadir récemment condamnés à des peines cumulées de 162 ans de prison. Ces condamnations, jugées disproportionnées par les observateurs des droits humains, sont une tentative d’intimidation visant à briser la dynamique de mobilisation. La capitale Rabat avait déjà accueilli une manifestation le samedi 18 octobre, marquant la reprise de la mobilisation après une période de calme relatif. Devant le Parlement, des centaines de jeunes se sont réunis pacifiquement pour revendiquer des réformes sociales et économiques profondes, tout en appelant à la démission du gouvernement d’Aziz Akhannouch, tenu pour responsable de la dégradation de la situation sociale. Le mouvement a appelé à élargir la mobilisation à l’ensemble des villes marocaines et à diversifier les formes de pression sur le régime. Au-delà des manifestations de rue, GenZ 212 propose de combiner actions sur le terrain et initiatives symboliques, telles que le boycott des produits des entreprises détenues par les hommes d’affaires proches du Makhzen ou le boycott de matchs de football, afin d’intensifier la pression populaire sur le gouvernement et de frapper le système au cœur de ses intérêts économiques.
Lyes Saïdi

