La nature du régime du Makhzen mise à nu : Une répression brutale du mouvement GenZ 212
Plus de 2100 arrestations, trois morts et des centaines de condamnations à de lourdes peines de prison : la réponse brutale du régime marocain aux manifestations pacifiques de la jeunesse GenZ 212 depuis fin septembre expose la fausseté de façade démocratique d’un système qui n’a jamais rompu avec les méthodes autoritaires des « années de plomb ».
Depuis la fin du mois de septembre, le Maroc connaît une vague de contestation sociale inédite portée par le mouvement GenZ 212. Des milliers de jeunes sont descendus dans les rues à travers le pays avec des revendications simples mais fondamentales : une éducation de qualité, des soins de santé accessibles et la fin de la corruption endémique qui gangrène les institutions. Leur slogan, « Nous voulons des hôpitaux, pas des stades », résume la frustration d’une génération face aux priorités d’un régime qui multiplie les projets de prestige pendant que les services publics se délabrent. La réaction du Makhzen, ce système de pouvoir traditionnellement centré autour du palais royal, a été aussi rapide que brutale. Selon l’Association marocaine des droits humains, plus de 2100 personnes ont été arrêtées depuis le début des manifestations, dont 330 mineurs. Environ 1400 manifestants font l’objet de poursuites judiciaires, avec un millier actuellement en détention et 500 sous contrôle judiciaire. Les tribunaux ont prononcé au moins 240 condamnations à des peines de prison ferme, certaines atteignant quinze ans d’emprisonnement. À Agadir, des dizaines de jeunes originaires de Kelaa, Tiznit et Taroudant ont été condamnés à des peines allant de cinq à quinze ans. Des étudiants, des mineurs et même des blogueurs sur les réseaux sociaux figurent parmi les personnes poursuivies. L’arbitraire de cette répression révèle la nature profondément autoritaire du régime du Makhzen. Des jeunes ont été arrêtés pour avoir simplement porté des t-shirts avec l’inscription « L’éducation et la santé d’abord » ou « Liberté pour la Palestine ». Un mineur de 17 ans a été interpellé dans un café pour avoir gravé la lettre « Z » dans sa coupe de cheveux. Les chefs d’accusation invoqués par les autorités, « organisation de manifestations non autorisées », « usage d’armes blanches », « dégradation de biens publics » ou « outrage à la police », sont suffisamment vagues pour permettre de criminaliser toute forme de contestation sociale.
Torture
Les organisations de défense des droits humains documentent un usage excessif de la force par les services de sécurité. Trois jeunes ont perdu la vie, écrasés par des véhicules de police à Oujda et Kelaa, dont un étudiant en cinéma venu documenter les rassemblements. Des témoignages font état de tortures physiques et psychologiques dans les centres de détention, de harcèlement sexuel dans les commissariats de Rabat, de détention de mineurs sans présence de leurs tuteurs légaux, d’extraction d’aveux sous la contrainte et de refus d’enregistrer les traces de violences dans les procès-verbaux. Ces pratiques rappellent de manière glaçante les méthodes des « années de plomb » sous le règne de Hassan II, période durant laquelle plus de 800 personnes ont été victimes de disparitions forcées selon les organisations des droits humains. Face à la pression populaire croissante, le roi Mohammed VI a prononcé un discours le 10 octobre promettant d’accélérer les réformes sociales et d’augmenter de treize milliards d’euros le budget de la santé et de l’éducation pour 2026. Le mouvement GenZ 212 a immédiatement qualifié ces annonces de « poudre aux yeux », soulignant l’absence de mesures concrètes pour lutter contre la corruption, les conflits d’intérêts et garantir la reddition des comptes. Le collectif réitère sa demande de libération de tous les prisonniers d’opinion et insiste sur la nature pacifique de son mouvement.
Le timing est particulièrement révélateur. Alors que la répression bat son plein, une organisation de suivi des recommandations de la conférence nationale sur les violations graves des droits humains organise une veillée symbolique le 29 octobre à Rabat pour commémorer le soixantième anniversaire de l’enlèvement de Mehdi Ben Barka et le 53e anniversaire de l’enlèvement de Hussein Manouzi. L’organisation rappelle que la répétition des arrestations arbitraires aujourd’hui prouve que « l’État ne s’est pas encore débarrassé des pratiques du passé ». Malgré la répression, le mouvement appelle à poursuivre les manifestations pacifiques et affirme sa détermination à obtenir des changements structurels.
Lyes Saïdi

