SNTF : Un plan d’urgence pour sortir le réseau de la saturation
67% du trafic ferroviaire national concentré sur seulement 5% du réseau : le chiffre résume à lui seul l’asphyxie du réseau algérois et les défis auxquels fait face la SNTF pour améliorer la qualité de service.
Suite à la réunion du ministre de l’Intérieur, des Collectivités locales et des Transports avec les cadres de son département dimanche dernier, une feuille de route ambitieuse a été tracée pour redresser la Société nationale de transport ferroviaire. Sofiane Aibèche, directeur de contrôle de gestion des participations à la SNTF, a détaillé ce mardi sur les ondes de la Chaîne 3 de la Radio Algérienne les contours de ce plan d’action élaboré « sur la base d’un diagnostic » pointant les dysfonctionnements structurels du réseau. Le cœur du problème se situe dans la région d’Alger. « Ce réseau qui s’étale sur 206 kilomètres reliant Alger, Blida, Boumerdès et Tizi Ouzou ne représente que 5% du réseau global de la SNTF, qui est de 4 708 km, mais il concentre pratiquement 67% du trafic », a expliqué M. Aibèche. Cette concentration excessive engendre « des difficultés d’exploitation et la saturation de l’infrastructure occasionnant des dysfonctionnements et désagréments pour les usagers ».
À cela s’ajoute l’obsolescence criante des équipements. « Nous travaillons avec un système d’exploitation qui date des années 1980 », a reconnu le responsable, soulignant « la difficulté à trouver de la pièce de rechange ». Malgré tout, « nos équipes travaillent jour et nuit pour maintenir ce système et garantir la sécurité des usagers qui constitue la première priorité de notre entreprise ». Conformément aux directives ministérielles axées sur « la ponctualité et la régularité des trains voyageurs, le renforcement de la maintenance du matériel roulant et de l’infrastructure ferroviaire », la SNTF a lancé des actions immédiates qui s’étaleront sur trois semaines. Quelque 150 techniciens et agents ont été rapatriés des régions d’Oran, Constantine et Annaba pour renforcer les équipes d’intervention sur les infrastructures et les systèmes de signalisation.
L’objectif prioritaire : éliminer une vingtaine de zones de ralentissement qui limitent la vitesse à 20 ou 30 km/h au lieu des 100 km/h réglementaires. « Hier, les équipes de Constantine ont pu supprimer cinq ralentissements sur la ligne Thénia-Tizi Ouzou », s’est félicité M. Aibèche, précisant que « cela nous a permis de récupérer la vitesse de la voie ».
Un dispositif de sécurité sera également déployé dans les gares pour lutter contre « le phénomène de la rétention des portières », pratique qui retarde considérablement les départs des trains.
Le défi du matériel roulant
Sur le volet matériel, la situation des trains Coradia illustre les difficultés de la SNTF. Sur les 16 rames acquises en 2018, seules 4 étaient disponibles en début d’année. Grâce à un effort de maintenance intensif à l’atelier de Mecheria, « on a pu atteindre une disponibilité de 11 à la fin du mois de mai », permettant de renforcer l’offre estivale et de remettre en service le train Alger-Constantine « après plusieurs années d’arrêt ». Cinq rames restent toutefois immobilisées. « Le diagnostic a été fait, la liste de la pièce de rechange nécessaire a été arrêtée, les cahiers des charges sont prêts. Maintenant on attend la disponibilité financière », a indiqué le responsable, mettant en lumière les contraintes budgétaires pesant sur cette entreprise de service public. La SNTF fait face aussi à un autre fléau : le vandalisme. « Quotidiennement, nous enregistrons des jets de pierres, des actes de vol, des agressions contre le personnel et contre les usagers », a déploré M. Aibèche. Le coût financier est vertigineux : « Le vitre frontal des trains automotrices coûte pratiquement 18 000 euros », soit 3 millions de dinars, auxquels s’ajoutent les pertes d’exploitation. Au total, « les dégâts dépassent parfois le 1 milliard de dinars annuellement ». Pour y faire face, la SNTF déploie plus de 900 agents sur le réseau algérois et a lancé en 2024 un programme de construction de 13 brigades de gendarmerie au niveau des gares. La sécurité aux 1 175 passages à niveau, dont seulement 335 sont gardés, reste également une priorité absolue, d’autant que « des passages à niveau illicites » continuent d’être créés illégalement. Au-delà du transport de voyageurs qui mobilise quotidiennement entre 150 000 et 180 000 usagers, la SNTF mise sur le développement du fret pour « équilibrer nos finances et réduire notre dépendance aux transferts financiers liés au service public ». L’entreprise transporte désormais 5,7 millions de tonnes de marchandises stratégiques : carburant, céréales, phosphate, minerai de fer et engrais. Parmi les projets en cours, l’exportation de clinker via une base logistique à Djendjen avec une capacité de stockage qui passera de 52 000 à 100 000 tonnes en 2026. La future ligne Béchar-Gara Djebilet-Tindouf permettra également le transport du minerai de fer vers le complexe de transformation de Béchar, tout en offrant un service voyageurs aux habitants de Tindouf. Enfin, la SNTF travaille à généraliser la réservation en ligne, actuellement testée sur un train pilote, à l’ensemble des grandes lignes pour faciliter l’accès au service ferroviaire.
Samir Benisid

