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Soudan : L’ONU et l’UA alertent sur des atrocités à El-Fasher

Le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme et le président de la Commission de l’Union africaine ont condamné lundi les atrocités signalées à El-Facher, dans l’ouest du Soudan, après l’annonce dimanche par les Forces de soutien rapide de la prise de la ville. Les forces alliées de l’armée soudanaise accusent les FSR d’avoir exécuté plus de 2.000 civils non armés les 26 et 27 octobre, accusations documentées par un rapport de l’Université Yale.

Le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a averti lundi que la ville d’El-Facher, dans l’ouest du Soudan en guerre, était dans une situation extrêmement précaire, avec un risque croissant d’atrocités motivées par des considérations ethniques.  Le risque de violations des droits et d’atrocités à grande échelle motivées par des considérations ethniques à El-Facher augmente chaque jour, a mis en garde dans un communiqué M. Türk, appelant à une action urgente et concrète pour y garantir la protection des civils et un passage sûr pour ceux qui tentent de rejoindre un lieu relativement sûr. Le Haut-Commissaire a déclaré que son bureau avait reçu des informations faisant état d’exécutions sommaires de civils essayant de fuir et que des éléments faisaient penser à des mobiles à caractère ethnique. Il a décrit le contenu de plusieurs vidéos dans lesquelles on pouvait voir des dizaines d’hommes non armés abattus ou étendus morts, entourés des FSR les accusant de se battre pour l’armée soudanaise. M. Türk a également cité des informations selon lesquelles des centaines de personnes avaient été arrêtées alors qu’elles cherchaient à fuir, notamment un journaliste. Compte tenu des réalités passées dans le nord du Darfour, le risque de violences sexuelles, en particulier contre les femmes et les filles, est extrêmement élevé, a mis en garde le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme. Il a également souligné que de nombreux civils parmi lesquels des humanitaires bénévoles locaux avaient péri à la suite de tirs à l’artillerie lourde du 22 au 26 octobre.

2.000 civils exécutés

Les forces alliées de l’armée ont accusé mardi les paramilitaires d’avoir commis des crimes atroces contre des civils innocents dans la ville d’El-Facher, où plus de 2.000 citoyens désarmés ont été exécutés et tués les 26 et 27 octobre, la plupart étant des femmes, des enfants et des personnes âgées, affirme un communiqué publié sur la page Facebook officielle de cette coalition. Un rapport du Humanitarian Research Lab de l’Université Yale, étayé par des vidéos en open source et des images satellites, fait état d’exécutions massives après la prise de la ville par les FSR. El-Facher semble être dans un processus systématique et intentionnel de nettoyage ethnique des communautés indigènes non arabes Fur, Zaghawa et Bartis, avec des déplacements forcés et des exécutions massives, indique le HRL qui a documenté les 18 mois de siège de la ville. Les images satellites confirment aussi d’importants mouvements de population. Denise Brown, coordinatrice résidente et humanitaire de l’ONU au Soudan, a tiré la sonnette d’alarme lundi au sujet d’une crise humanitaire effroyable qui s’aggrave à El-Facher, capitale du Darfour-Nord, où des civils en fuite sont confrontés à la famine et à des demandes de rançon. Les civils qui fuient El-Facher sont souvent retenus contre des rançons le long de la route, dont certaines portions sont contrôlées par des milices, a-t-elle déclaré lors d’un point de presse en ligne. Elle a ajouté que des adultes comme des enfants sont déshydratés, malnutris, parfois blessés, et tous profondément traumatisés. La ville est assiégée depuis plus de 500 jours, empêchant l’acheminement de l’aide humanitaire vers les civils piégés à l’intérieur. Le blocage de l’aide militaire et alimentaire équivaut à utiliser la famine comme une arme de guerre, a-t-elle pointé. Brown a également rappelé l’appel renouvelé des Nations unies aux Forces de soutien rapide afin de garantir un passage sûr aux civils au milieu des combats qui s’intensifient. Plus de 128 travailleurs humanitaires ont été tués depuis le début du conflit en avril 2023. Elle a estimé qu’entre 120.000 et 400.000 personnes restent piégées à El-Facher, tandis qu’environ 600.000 civils déplacés ont fui vers Tawila. La responsable onusienne a indiqué que 42 camions remplis de produits humanitaires essentiels, nourriture, médicaments, kits d’hygiène et abris sont prêts à partir depuis juillet, mais que leur accès reste bloqué. Depuis dimanche, plus de 26.000 personnes ont fui les combats, majoritairement vers le périphérie de la ville et vers Tawila, à 70 km à l’ouest d’El-Facher. Le président de la Commission de l’Union africaine, Mahmoud Ali Youssouf, a condamné avec la plus grande fermeté l’escalade de la violence et les atrocités signalées à El-Facher, réaffirmant le soutien et la solidarité de l’UA avec le peuple soudanais. Dans un communiqué de presse publié lundi suite à la prise de contrôle de la ville par les Forces de soutien rapide, le président de la Commission africaine a exprimé sa profonde préoccupation face aux graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire, notamment les assassinats à caractère ethnique de civils. Il a rappelé à toutes les parties leurs obligations, en vertu du droit international, de protéger les civils et prévient que les auteurs de tels actes odieux devront rendre des comptes. M. Ali Youssouf a appelé à une cessation immédiate des hostilités et à l’ouverture de couloirs humanitaires pour permettre à l’aide vitale d’atteindre les populations touchées, soulignant qu’il ne peut y avoir de solution militaire à la crise soudanaise. Il a exhorté tous les acteurs à engager le dialogue et à s’engager dans un processus politique pacifique et inclusif, réaffirmant la solidarité de l’Union africaine avec le peuple soudanais et son soutien indéfectible à ses aspirations à la paix, à l’unité et à la démocratie.

Lyes Saïdi

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