Trafic de drogue, cybercriminalité, et corruption : « Une guerre est menée contre notre société »
« Il y a une guerre qui se mène contre notre société à travers le fléau de la drogue », a alerté le ministre de la Justice, garde des Sceaux, Lotfi Boujemaa, lors de son passage ce lundi au Forum de la Chaîne Une de la Radio nationale.
Une formule choc qui résume la ligne de défense d’une justice en pleine mutation, mobilisée pour « protéger la sécurité de la société et l’ordre public » face à des menaces multiformes – narcotrafic, criminalité organisée, cybercriminalité, corruption – que le ministre place désormais au cœur de la politique pénale du pays. Selon Lotfi Boujemaa, cette approche globale « s’inscrit dans l’esprit du Constitution de 2020, qui illustre la volonté d’adapter la législation aux mutations sociales et économiques ». Il rappelle que la justice repose sur plusieurs axes structurants : rapprocher le citoyen de la justice, améliorer la qualité du service judiciaire, garantir un fonctionnement sûr et transparent des tribunaux, mais aussi assurer la protection de la société dans le strict respect des droits et libertés.
La drogue, menace sociétale majeure
Le ministre a insisté sur la gravité de la situation : « La lutte contre ce fléau est passée par plusieurs étapes, dont la plus récente reflète la fermeté du président de la République, qui a décidé d’élever le niveau de riposte. » Cette orientation s’est traduite par l’adoption du nouveau texte modifiant la loi 04-18, relatif à la prévention et à la lutte contre les stupéfiants, y compris les psychotropes. Mais la répression ne suffit pas, avertit Boujemaa : « La prise en charge de ce phénomène repose d’abord sur la prévention, qui mobilise l’ensemble des ministères, des associations, des familles et des milieux scolaires. » Une stratégie nationale coordonnée a été adoptée, avec des campagnes de sensibilisation ciblant notamment les établissements éducatifs, où la vigilance parentale est jugée cruciale.
Évoquant ensuite la recrudescence des accidents de la route, le ministre a présenté le nouveau Code de la route comme une véritable « feuille de route du président de la République ». Face à « un fléau qui endeuille quotidiennement les familles et coûte cher à la collectivité », le texte introduit une responsabilisation accrue des acteurs : « Les écoles de conduite, les organismes de contrôle technique et les gestionnaires d’infrastructures sont désormais légalement tenus de répondre de leurs manquements », précise-t-il. Pour Boujemaa, cette approche vise à rompre avec « la culture de l’impunité routière » et à replacer la sécurité au centre de la mobilité urbaine.
Des lois contre les bandes de quartiers
Autre sujet de préoccupation : les bandes de quartiers, que le ministre considère comme « une atteinte directe à la cohésion sociale ». Il rappelle que l’Algérie fut l’un des premiers pays de la région à légiférer dès 2020 sur ce phénomène. « Nous saluons le sens civique des citoyens qui signalent ces agissements. La protection du lanceur d’alerte est pleinement garantie par le Code de procédure pénale », a-t-il assuré, en soulignant l’importance de « la vigilance citoyenne comme premier maillon de la sécurité publique ». Lotfi Boujemaa a également évoqué la montée des crimes numériques, du blanchiment d’argent et de la corruption, des délits « à la fois nationaux et internationaux ». Le législateur algérien, dit-il, « a anticipé ces évolutions en créant des pôles judiciaires spécialisés et en activant le système des pôles compétents ». À Alger, un pôle national de lutte contre la cybercriminalité traite désormais les affaires complexes, tandis que des magistrats et officiers de police judiciaire « spécialement formés » opèrent dans tout le pays. Concernant la corruption, le ministre parle d’une « bataille judiciaire et institutionnelle de long terme ». Il rappelle la création du pôle économique et financier national et des pôles régionaux à Oran, Constantine, Ouargla et Alger, chargés de « traiter les affaires sensibles impliquant des hauts responsables et des montants importants ».
La récupération des fonds détournés : “Une priorité nationale”
La récupération des avoirs détournés, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, reste un dossier phare. « Le recouvrement interne a atteint 100 %, les biens confisqués ayant été restitués au profit de la collectivité », a affirmé Boujemaa. À l’international, il souligne « des avancées concrètes grâce à la coopération judiciaire et diplomatique », tout en reconnaissant que « certaines procédures dépendent des systèmes juridiques étrangers ».
« Nous n’abandonnerons aucune piste. Sous l’autorité du président de la République, la diplomatie judiciaire œuvre main dans la main avec la diplomatie d’État », assure-t-il.
Le ministre met en avant les avancées du nouveau Code de procédure pénale, qui marque selon lui « une véritable rupture culturelle ». Celui-ci renforce la protection du gestionnaire public et du fonctionnaire : « Aucune poursuite ne peut être engagée sans plainte préalable de l’autorité concernée », explique-t-il, rappelant aussi que « les lettres anonymes ne sont plus recevables ». L’objectif est clair : « éviter la criminalisation de l’acte de gestion et préserver l’initiative économique ». La loi introduit aussi « l’ajournement des poursuites contre les entreprises », permettant, en cas d’erreur non intentionnelle, de « réparer le préjudice et poursuivre l’activité sans compromettre les emplois ».
Enfin, Lotfi Boujemaa confirme que la modernisation et la numérisation du système judiciaire constituent un chantier prioritaire. « Le président de la République a ordonné l’adoption du statut des magistrats pour renforcer l’indépendance du pouvoir judiciaire. Nous travaillons à la digitalisation complète du service public de la justice, vers un modèle de justice électronique transparente et accessible. »
Chokri Hafed

