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Un nouveau modèle de consommation énergétique en gestation

Le ministre de l’Énergie et des Énergies renouvelables, Mourad Adjal, a présidé lundi une réunion d’évaluation consacrée à l’avancement du projet de « nouveau modèle de consommation énergétique », qui concernera l’électricité et le gaz pour l’ensemble des catégories de la société, dans un contexte de forte croissance de la demande et de pics de consommation estivaux de plus en plus marqués.

Le projet vise à « mettre en place une méthodologie scientifique basée sur des données de terrain précises, permettant d’orienter les investissements énergétiques de l’État de manière objective à travers toutes les régions du pays, garantissant ainsi un service public de haute qualité », selon le communiqué du ministère. Cette initiative intervient alors que la consommation énergétique du pays a plus que doublé entre 2020 et 2024, passant de 30 millions de tonnes équivalent pétrole à 73 millions de TEP, avec un taux de croissance annuel moyen de 4% depuis une décennie. Lors de la réunion avec les responsables du ministère, Mourad Adjal a souligné que ce service constitue l’une des priorités stratégiques du secteur. Le ministre a également abordé la question de l’accès aux marchés extérieurs à travers l’exportation d’énergie, d’équipements électriques et gaziers ainsi que du savoir-faire, l’Algérie étant devenue « un opérateur fiable et respecté dans le domaine de l’énergie et des énergies renouvelables dans le monde », selon ses propos.

Khalil Hedna, directeur de l’information et de la communication au ministère, a expliqué que le modèle de consommation énergétique en cours d’élaboration repose sur « l’étude de la consommation des citoyens de toutes catégories, consommateurs ordinaires, industriels, investisseurs ou agriculteurs, depuis l’indépendance, puis l’analyse de cette consommation et de ses conditions ». À partir de ces études et analyses, « des programmes d’investissements énergétiques efficaces seront mis en place », a-t-il ajouté, précisant que cette opération s’accompagne d’une campagne de sensibilisation pour rationaliser la consommation d’électricité et de gaz. Le responsable a relevé un défi majeur : la consommation d’électricité connaît des pics à des périodes précises de l’année, alors qu’elle reste très limitée pendant le reste des mois, ce qui rend nécessaire la mise en place d’un modèle pour valoriser l’énergie électrique non exploitée et l’exporter, d’autant que la quasi-totalité de l’électricité produite provient de la consommation de gaz naturel. « Lors de l’été 2025 par exemple, la consommation a augmenté de 1200 mégawatts en quelques jours, soit l’équivalent de la capacité d’une centrale de production d’électricité, alors que durant le reste de l’année, la consommation ne dépasse pas le tiers de la capacité électrique estimée à 27 000 mégawatts » annuellement, a précisé Hedna.

Cette problématique des pics de consommation s’est manifestée de façon spectaculaire le 24 juillet 2025, lorsque la pointe a atteint un record historique de 20 628 mégawatts, dépassant le précédent pic de l’été 2024 fixé à 19 000 mégawatts. Cette hausse brutale, largement attribuée aux vagues de chaleur et à l’humidité élevée, illustre les défis auxquels fait face le réseau national pour maintenir un approvisionnement stable tout en assurant les exportations. Ce nouveau modèle doit donc permettre de mieux cerner les besoins afin de mieux orienter les investissements dans un contexte marqué par de nombreux défis : celui de répondre à une consommation nationale en hausse constante, tout en maintenant et en consolidant les capacités d’exportation d’électricité et de gaz d’un côté alors que l’Algérie est l’un des plus gros fournisseurs de gaz de l’Europe, mais aussi relever le défi de la transition énergétique. 

Rappelons dans ce sens que la production d’électricité en Algérie repose à près de 99% sur le gaz naturel, avec 95 térawattheures générés sur un total de 96,3 térawattheures en 2023. Le pays dispose d’importantes réserves estimées à 4 500 milliards de mètres cubes et d’une capacité installée de 27 330 mégawatts. Toutefois, l’Algérie a amorcé une stratégie de diversification avec de grands projets d’énergies renouvelables, notamment le programme Solar 1000 et la réalisation de 2 000 mégawatts de centrales solaires réparties dans 12 wilayas.

L’augmentation de la demande s’explique notamment par l’élargissement de l’accès aux réseaux, avec plus de 162 000 nouveaux foyers raccordés à l’électricité et 550 000 au gaz depuis 2020, ainsi que par le développement de l’activité économique, le secteur industriel représentant 23,7% de l’énergie disponible. À fin septembre 2024, la consommation nationale a augmenté de 5% par rapport à 2023, atteignant 55 millions de TEP, confirmant la tendance de croissance soutenue observée depuis une décennie.

Pour soutenir cette transition, l’Algérie a alloué 1,5 milliard de dollars à la construction de 880 kilomètres de lignes de transport reliant le Nord au Grand Sud, et déploie 20 centrales solaires d’une capacité totale de 3 gigawatts. Le groupe Sonelgaz a également amélioré l’efficacité du réseau en réduisant les pertes d’énergie de près de 15% en 2016 à 8% actuellement. L’ambition d’exporter vers l’Europe se concrétise avec la signature d’un mémorandum d’entente entre Sonelgaz, Sonatrach et l’italien ENI pour une étude de faisabilité d’interconnexion électrique entre l’Algérie et l’Italie, projet susceptible de transformer le pays en hub énergétique régional, alors que  Sonelgaz a enregistré l’exportation de 2663 GWh d’électricité vers la Tunisie et la Libye.

Samira Ghrib

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