49e conférence de Eucoco : La France au banc des accusés
La 49e conférence de la Coordination européenne pour le soutien et la solidarité avec le peuple sahraoui (Eucoco) s’est achevée samedi à Paris par l’adoption d’une déclaration finale appelant la France à assumer ses responsabilités en faveur du droit à l’autodétermination du peuple sahraoui et à cesser de cautionner l’occupation marocaine du Sahara occidental. Les travaux de cette conférence, qui a réuni des délégations de toute l’Europe, ont débouché sur un appel solennel adressé à Paris pour qu’elle change radicalement de position sur le dossier sahraoui. La déclaration finale, lue par le président de l’Eucoco Pierre Galand, ne laisse aucune ambiguïté sur les attentes du mouvement de solidarité européen envers la France. « La France se doit de défendre haut et fort au sein des institutions européennes, du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale de l’ONU, les règles du droit international et les droits fondamentaux du peuple sahraoui », précise le document. Le texte adopté va plus loin en appelant la France à jouer un rôle moteur aux côtés de l’Espagne pour mettre fin à l’impasse actuelle. « Avec l’Espagne, elle peut amener le Maroc à mettre fin à son occupation coloniale du Sahara occidental et contribuer ainsi à la relance du Maghreb comme un ensemble de peuples ayant une destinée commune de coexistence pacifique et de développement », souligne la déclaration, qui y voit également l’opportunité de « construire un partenariat exemplaire tant avec l’Europe qu’avec l’Afrique ». La conférence s’est également penchée sur la résolution 2797 du Conseil de sécurité adoptée le 31 octobre dernier, dénonçant « l’interprétation tapageuse qu’en a fait le Maroc ». Contrairement aux affirmations de Rabat qui a prétendu y voir une victoire diplomatique, la déclaration rappelle que « cette résolution confirme le mandat de la MINURSO, reconnaît le Front Polisario (comme) seul représentant du peuple du Sahara occidental et dit clairement que l’ONU se doit de parvenir à une solution politique juste, durable et mutuellement acceptable, permettant l’autodétermination du peuple du Sahara occidental conformément aux principes et objectifs de la Charte des Nations unies ». L’Union européenne n’est pas épargnée par les critiques. La déclaration dénonce « les manœuvres dilatoires de la Commission européenne qui tente d’imposer un accord de partenariat avec le Maroc, contraire à l’arrêt de la Cour européenne de justice (CJUE) » qui a pourtant clairement établi que le Sahara occidental et le Maroc sont deux territoires séparés et distincts. Dans ce contexte, l’Eucoco affirme qu’elle « se tient aux côtés des syndicats paysans qui ont mené campagne pour dénoncer ces manœuvres de la Commission (européenne) qui sont d’ailleurs contraires aux intérêts de ses citoyens et repose sur un modèle commercial néolibéral dépassé et destructeur de l’environnement ». Sur le plan humanitaire, la conférence a exprimé sa profonde préoccupation face à la persistance des violations des droits humains dans les territoires occupés. Elle exige « la libération immédiate de tous les prisonniers politiques sahraouis et l’accès des observateurs et organisations internationales aux territoires occupés ». Cette demande intervient dans un contexte où le Maroc maintient un blackout médiatique et répressif sur les zones qu’il contrôle au Sahara occidental.
Ces appels trouvent un écho dans une tribune publiée par l’écrivaine et journaliste espagnole Victoria Garcia Corera sur la plateforme « N’oubliez pas le Sahara occidental ». Pour cette dernière, le conflit au Sahara occidental est « une question de droit international, de stabilité régionale, mais aussi de cohérence politique pour la France ». Elle s’interroge sur la contradiction française : « Comment la France prétend défendre les droits humains tout en ignorant les violations systématiques commises contre les Sahraouis ? Comment promouvoir la coopération euro-africaine tout en soutenant une occupation coloniale qui compromet l’avenir du Maghreb ? ». Rappelant que les Sahraouis luttent depuis un demi-siècle pour leur liberté, la journaliste estime que « le minimum que la France puisse faire, en 2025, est de cesser d’être un obstacle » à l’organisation du référendum d’autodétermination prévu par les Nations unies depuis 1991 mais jamais organisé. Elle accuse Paris de jouer « un rôle déterminant et troublant dans le maintien du statu quo » par son soutien constant à Rabat au Conseil de sécurité, son refus d’exiger clairement l’organisation du référendum et la protection diplomatique qu’elle offre à la monarchie marocaine. Victoria Garcia Corera dénonce également le fait que la France « s’oppose à toute évolution du mandat de la MINURSO qui permettrait de surveiller les violations des droits humains », « protège la lecture marocaine de la résolution 2797, pourtant contredite par le texte lui-même » et « cautionne une politique régionale marquée par la répression, le pillage économique et une militarisation inquiétante ». Pour elle, « rien ne justifie, aujourd’hui, que la France continue de s’aligner sur une occupation condamnée par la Cour internationale de Justice, par les résolutions onusiennes et par le mouvement international de solidarité ». Du côté de l’Union européenne, la journaliste pointe l’incohérence entre les principes affichés et la pratique. Elle cite notamment la proposition récente de la Commission européenne de modifier les règles d’étiquetage pour remplacer la notion de « pays d’origine » par celle de « région d’origine » pour les marchandises issues du Sahara occidental, une manœuvre rejetée par le Parlement européen. « L’Europe doit se montrer capable de faire respecter sa propre jurisprudence », plaide-t-elle.
La 49e conférence de l’Eucoco s’inscrit dans une dynamique de long terme. Comme le souligne Victoria Garcia Corera, cette édition parisienne « ouvre un nouveau cycle de mobilisation qui culminera en 2026, à Madrid, pour la 50e édition ». Un rendez-vous symbolique puisqu’il marquera un demi-siècle d’occupation. « Cinquante ans de colonisation, cinquante ans de violations du droit international, cinquante ans d’un peuple contraint à l’exil dans les camps de réfugiés. Cette date ne sera pas seulement un anniversaire : ce sera un examen de conscience collectif », conclut-elle.
La déclaration finale appelle ainsi à « une large mobilisation publique en Europe pour les 50 ans de l’occupation, ainsi qu’au renforcement des alliances, notamment avec les luttes des peuples colonisés ».
L.S.

