Opéra d’Alger : Yanis Taleb offre une fusion musicale entre Orient et Occident
Le pianiste et compositeur algérien Yanis Taleb a donné samedi soir à l’Opéra d’Alger Boualem-Bessaih un récital intitulé « Lettre pour l’Algérie », proposant durant une heure et quart une sélection d’œuvres originales et de pièces du répertoire algérien devant un public conquis par cette rencontre inédite entre sonorités classiques occidentales et orientales. Diplômé du Conservatoire de musique classique de Vichy en France, Yanis Taleb s’est imposé ces dernières années comme l’une des voix les plus prometteuses de la scène musicale algérienne. Sa consécration en 2024 par le Prix du président de la République pour les jeunes créateurs « Ali Maachi », dans la catégorie des œuvres musicales, témoigne de la reconnaissance institutionnelle dont bénéficie désormais son travail de création et d’interprétation. La première partie du récital a permis au pianiste de dévoiler une dizaine de ses compositions personnelles, fruits d’une démarche artistique singulière nourrie par des influences multiples. Formé dans la tradition classique européenne, Taleb revendique l’héritage des grands maîtres comme Wolfgang Amadeus Mozart, génie du XVIIIe siècle, et Frédéric Chopin, le poète du piano romantique. Mais son univers musical puise également dans les richesses du patrimoine algérien, notamment à travers l’influence de Mustapha Skandrani, figure tutélaire du piano oriental algérien disparu en 2005. Cette double filiation se traduit dans des compositions aux sonorités contemporaines qui ne renient ni leurs racines occidentales ni leur ancrage dans la sensibilité musicale maghrébine.
C’est en deuxième partie que l’émotion a atteint son paroxysme. Yanis Taleb a interprété une sélection de pièces emblématiques du répertoire algérien, revisitant au piano des chants profondément ancrés dans la mémoire collective. Les reprises de « Min djibalina » et « Djazairouna Ya bilada El Djoudoud » ont résonné avec une intensité particulière dans l’enceinte de l’Opéra, tandis que « Chehlet laâyani », cette célèbre pièce du patrimoine musical algérien, a bénéficié d’un traitement pianistique qui en a révélé toute la profondeur mélodique.
Le moment le plus poignant de la soirée est survenu avec l’interprétation de l’hymne national « Qassamen ». Sous les doigts du pianiste, l’œuvre du poète Moufdi Zakaria, emblème de la résistance algérienne, a pris une dimension nouvelle. Le public, debout, a spontanément repris en chœur les paroles immortelles du poète disparu en 1977, créant un instant de communion collective où la musique est devenue le vecteur d’un sentiment de fierté nationale partagé. Cette soirée s’inscrit dans le parcours d’un artiste qui multiplie les prestations en Algérie et à l’international, contribuant à faire rayonner la création musicale algérienne au-delà des frontières. Par sa capacité à dialoguer avec différentes traditions musicales tout en affirmant une identité artistique propre, Yanis Taleb incarne une génération de musiciens qui refuse les cloisonnements et fait de la rencontre des cultures un espace de création fertile.
M.S.

