Culture

« Story of the Fall » projeté au 12e AIFF: Un regard sur la solitude et la stigmatisation au cœur de la société égyptienne

Le long métrage égyptien « Story of the Fall » (Histoire de l’automne) de Karim Makram a été projeté lundi soir en compétition du 12e Festival international du film d’Alger. Ce premier film de fiction du réalisateur explore l’isolement et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH à travers les destins croisés de personnages issus de différentes classes sociales, offrant une plongée sensible dans les fragilités des relations humaines.Dans la salle Ibn Zeydoun, dédiée aux projections des longs métrages en compétition du 12e Festival international du film d’Alger (AIFF), le public a découvert lundi soir une œuvre intime et engagée qui porte à l’écran les blessures invisibles d’une société égyptienne aux prises avec ses tabous. « Story of the Fall » marque l’entrée remarquée du réalisateur Karim Makram dans l’univers du long métrage de fiction, après plusieurs courts métrages et documentaires dont « La Brigade 39 » et « Journal d’un cireur de chaussures ». Diplômé de l’Académie égyptienne des arts et techniques cinématographiques, le cinéaste signe ici une œuvre qui refuse les facilités du pathos pour privilégier une approche humaniste et nuancée de réalités sociales douloureuses. Durant 76 minutes, le film tisse les histoires croisées de personnages que tout semble séparer mais que la maladie et la solitude réunissent dans une même quête de dignité. Selim traverse une crise d’inspiration mais trouve un soutien précieux auprès de son éditrice Malak. Une serveuse expulsée de son logement tente de reconstruire sa vie dans la précarité. Abdallah cherche désespérément un équilibre émotionnel et professionnel tandis que Hamed aspire simplement à une présence, à une compagnie qui briserait l’isolement. Tous vivent avec le VIH, tous affrontent les regards obliques d’une société prompte à juger et à exclure. Tous tentent de construire une existence digne malgré les épreuves du quotidien et la violence symbolique d’un regard social accusateur.

C’est précisément cette dimension collective de la solitude que Karim Makram met en lumière avec subtilité. Loin de cantonner ses personnages dans le registre victimaire, le réalisateur leur offre une complexité psychologique qui transcende leur condition de malades. Ils sont écrivain, travailleuse, chercheur d’équilibre, être en quête de lien : avant d’être définis par la maladie, ils sont des individus aux aspirations multiples, confrontés à la fragilité universelle des relations humaines. Cette approche permet au film d’échapper au misérabilisme pour toucher à quelque chose de plus profond : la question du regard social, de la stigmatisation et de ce que signifie vivre ensemble dans une société fracturée par les préjugés. Le casting, composé d’une pléiade de comédiens égyptiens reconnus pour leurs rôles au cinéma et à la télévision locale, porte cette vision avec une justesse saluée par le public, bien que peu nombreux à la projection. Youssef Osmane, Ashraf Mahdi, Imad Ismail, Hiba Gnaoui et Christine Magdy ont brillé par leur jeu délicat, évitant l’écueil de la surenchère émotionnelle pour privilégier une vérité intérieure qui rend leurs personnages profondément attachants. Cette qualité d’interprétation constitue l’un des atouts majeurs du film, permettant au spectateur de s’identifier à ces destins brisés qui tentent de se recomposer. Présent à la projection, Karim Makram a livré les coulisses d’une production difficile qui témoigne de l’engagement nécessaire au cinéma indépendant. « Story of the Fall est un film autofinancé qui a nécessité cinq années pour sa réalisation en raison de difficultés de financement », a-t-il confié, soulignant ainsi les obstacles auxquels se heurtent les créateurs qui choisissent de traiter de sujets sociaux sensibles. Le réalisateur a tenu à saluer « la détermination des comédiens et techniciens à soutenir le cinéma indépendant » à travers leur participation bénévole ou à bas coût à des projets abordant des problématiques sociales profondes avec une vision artistique novatrice. Cette solidarité créative apparaît comme une nécessité dans un contexte où les financements se font rares pour des films qui dérangent les conformismes.

Mohand Seghir

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