Tahar Tazerout expose à la galerie Aïcha-Haddad d’Alger : Faire du verre une matière vivante
À travers dix œuvres, le plasticien développe un univers onirique où chaque fragment de verre porte sa propre charge émotionnelle, évoquant l’écume qui affleure à la surface d’une mer intérieure.
L’artiste plasticien Tahar Tazerout poursuit jusqu’au 18 décembre son exposition « Ecumes de verre » à la galerie Aïcha-Haddad d’Alger, où il explore une technique encore méconnue en Algérie en faisant dialoguer le verre brisé avec la lumière. L’exposition qui rassemble une série de dix toiles inédites, organisée sous l’égide du ministère de la Culture et des Arts, prolonge une démarche singulière amorcée en 2023 et confirme l’émergence d’un langage plastique original dans le paysage artistique algérien. Après avoir exploré le clair-obscur sur verre brisé lors de sa précédente exposition « Eclosion de verre » en 2023, Tahar Tazerout franchit une nouvelle étape dans sa recherche artistique. Le verre n’est plus un simple support mais devient le protagoniste central de ses créations, une matière vivante qui respire et s’anime sous l’effet de la lumière. À travers ces dix œuvres, le plasticien développe un univers onirique où chaque fragment de verre porte sa propre charge émotionnelle, évoquant l’écume qui affleure à la surface d’une mer intérieure.
La singularité de cette exposition réside dans le rapport philosophique que l’artiste entretient avec sa matière. La lumière ne se contente plus d’effleurer les fragments de verre, elle les sculpte, les transfigure et les anime. Tahar Tazerout confie son ambition : « Je souhaite que le verre parle de lui-même, qu’il devienne le souffle de l’œuvre, sa tension et sa fragile puissance ». Cette approche transforme radicalement la perception traditionnelle du matériau, lui conférant une dimension poétique et contemplative inédite.
Le processus créatif de l’artiste relève d’un savoir-faire méticuleux où les petits marteaux remplacent les pinceaux. Chaque éclat est façonné avec patience pour créer des contrastes saisissants entre ombre et lumière, opacité et transparence, fracture et douceur. Ces tensions visuelles génèrent une dynamique intime qui invite le spectateur à une lecture sensible de la matière. Le clair-obscur, emprunté à la peinture classique mais transposé à ce matériau indomptable, ouvre un espace émotionnel puissant, à la limite du méditatif.
Dans les créations exposées, des silhouettes, des regards et des tensions lumineuses racontent des fragments de mémoire tout en offrant au spectateur un espace de projection pour son propre récit. L’artiste affirme que « chaque éclat porte sa propre émotion », créant ainsi une œuvre qui oscille entre l’universel et l’intime. Les portraits humains et animaliers sculptés à même le verre révèlent une profondeur émotionnelle remarquable à travers l’opposition du noir et du blanc argenté.
Autodidacte et designer de formation, Tahar Tazerout s’impose comme un expérimentateur passionné d’une technique encore peu explorée en Algérie. Son travail marque une étape importante dans le paysage artistique national, offrant à cette pratique une place nouvelle et une légitimité esthétique. Sa première exposition « Eclosion de verre » avait déjà permis de découvrir différentes œuvres aux thématiques emblématiques, véritable matrice de son approche actuelle. Cette nouvelle série témoigne d’une évolution significative dans le parcours du plasticien. Les gestes s’élargissent, la matière semble trouver sa propre respiration, et la recherche gagne en liberté et en organicité. Le verre apparaît tour à tour fluide ou heurté, révélant une richesse hautement esthétique qui confirme la signature d’un artiste capable de sonder les profondeurs de l’être à travers le dialogue entre lumière et matière. Ouverte depuis le 8 décembre, l’exposition « Ecumes de verre » s’inscrit dans une démarche où l’artiste combine découverte, inspiration et plaisir des sens, invitant les visiteurs à un voyage introspectif dans un univers où le verre transcende sa nature pour devenir poésie visuelle.
Mohand Seghir

