Proposition de loi sur la déchéance de nationalité : Ce qu’il faut savoir
La commission des affaires juridiques et administratives et des libertés de l’Assemblée populaire nationale a examiné mercredi une proposition de loi modifiant l’ordonnance 70-86 du 15 décembre 1970 portant code de la nationalité algérienne. Ce texte, porté par le député Hichem Sifer et examiné en présence du ministre de la Justice Lotfi Boudjemaâ, s’inscrit dans un effort d’adaptation du cadre juridique aux mutations et défis contemporains, tout en préservant les droits fondamentaux des citoyens.
Le président de la commission, Abdelkader Toumi, a souligné que la proposition d’amendement s’inscrit dans « un contexte national et constitutionnel qui prend compte des mutations et des défis actuels, et vise à immuniser le système juridique et à protéger l’un des piliers de l’État et de sa souveraineté ». Présentant le texte devant les députés, le ministre de la Justice a tenu à préciser le caractère exceptionnel de cette mesure. « La révision des dispositions relatives à l’acquisition, à la perte ou à la déchéance de la nationalité est une mesure très exceptionnelle, appliquée uniquement dans des cas précis incluant le préjudice aux intérêts suprêmes de la patrie, la haute trahison, l’intelligence avec un État étranger, ou l’atteinte à l’unité de la société algérienne », a déclaré Lotfi Boudjemaâ, insistant particulièrement sur « les personnes qui exploitent leur double nationalité pour nuire à la nationalité algérienne d’origine ». Le ministre a réaffirmé que le texte proposé « est limité et exceptionnel et ne s’applique qu’aux cas très graves liés à la sécurité de l’État et à son unité nationale ».
Une mesure strictement encadrée
Le député Hichem Sifer, auteur de la proposition, a présenté un exposé détaillé sur les objectifs du texte, soulignant qu’il vise à « adapter le cadre juridique régissant la nationalité aux dispositions de la Constitution et aux engagements internationaux pertinents, notamment en ce qui a trait aux cas de la déchéance de la nationalité ». Dans sa présentation, il a mis l’accent sur la dimension patriotique de cette initiative : « Le véritable patriotisme repose sur une loyauté sincère envers la patrie et la protection de sa souveraineté et de son unité », relevant que « la nationalité n’est pas seulement une qualité juridique, mais un lien d’appartenance et de responsabilité ».
Le parlementaire a insisté sur le fait que « la déchéance de la nationalité algérienne, qu’elle soit d’origine ou acquise, ne constitue pas une règle générale, mais une mesure juridique exceptionnelle, à laquelle il n’est recouru que dans des cas rares et avérés liés à une atteinte délibérée aux intérêts suprêmes de la Nation ou à un reniement manifeste du devoir de loyauté ». Il a également précisé que la proposition « ne vise pas le principe de la double nationalité, mais s’attaque aux cas de son utilisation abusive pour échapper aux responsabilités ou porter atteinte à la sécurité de l’État ».
L’auteur de l’initiative explique que l’amendement propose des dispositions légales « strictes et efficaces » pour lutter contre « les attaques flagrantes et manifestes contre les symboles et les fondements de l’État », perpétrées par des personnes de nationalité algérienne « qui s’estiment hors de portée de la loi en raison de la protection dont elles bénéficient auprès de pays connus pour leurs politiques hostiles à l’Algérie ». Dans son argumentaire, il a ajouté : « Le peuple algérien n’acceptera jamais que ceux qui menacent sa sécurité, sa stabilité et son unité partagent avec lui ce même lien, qui n’est plus seulement une attache juridique et politique, mais un sentiment spirituel de fierté et d’honneur d’appartenance et de loyauté envers la patrie ».
Des garanties procédurales
La proposition définit avec précision les actes graves pouvant entraîner la déchéance de la nationalité, notamment « l’atteinte à la sécurité et à l’unité de l’État, la loyauté envers un État étranger au détriment de la loyauté envers l’Algérie, la collaboration avec des parties hostiles, ou l’adhésion à des groupes terroristes ou subversifs, leur financement ou la propagande en leur faveur, au détriment des intérêts de l’État ». Le texte prévoit également des garanties procédurales importantes pour protéger les droits des personnes concernées.
S’agissant du processus de déchéance, le député a précisé qu’elle se fait par « décret présidentiel après une mise en demeure n’excédant pas 60 jours, avec notification de la personne concernée par tous les moyens légaux et la possibilité de présenter ses observations, ainsi que la possibilité de recouvrer la nationalité d’origine selon des conditions déterminées ». Cette procédure garantit le respect des droits de la défense et offre une voie de recours aux personnes concernées.
Le député Sifer a souligné que sa proposition est conforme aux dispositions de la Constitution et aux mécanismes internationaux en vigueur, citant « la Commission du droit international » qui, lors de sa session de 1985, « a affirmé que la privation de nationalité pouvait être utilisée à titre exceptionnel, même si elle pouvait entraîner une situation d’apatridie, en cas de commission de crimes graves contre la sécurité et la stabilité des pays ».
Hocine Fadheli

