La Banque d’Algérie renforce le dispositif de surveillance des risques financiers : L’étau se resserre sur le cash !
La Banque d’Algérie vient de resserrer son dispositif de lutte contre les risques financiers en imposant aux établissements bancaires des restrictions drastiques sur les dépôts en espèces dans les comptes commerciaux.
Dans une note datée du 22 décembre 2025, l’Autorité monétaire exige que l’alimentation de ces comptes s’effectue désormais exclusivement par virements et chèques, ne tolérant les versements en liquide qu’à titre exceptionnel et dûment justifié, dans le cadre du renforcement du dispositif anti-blanchiment et de lutte contre le financement du terrorisme. Cette instruction, portant le numéro 02/DGIG/2025 et émanant de la Direction générale de l’inspection générale de la Banque d’Algérie, renforce la politique monétaire en faveur de la traçabilité des transactions commerciales. Le document stipule sans ambiguïté que les moyens de paiement scripturaux deviennent la norme impérative pour toute opération d’approvisionnement des comptes professionnels. Cette décision intervient dans un contexte où les autorités monétaires algériennes intensifient leurs efforts pour moderniser le système bancaire et l’aligner sur les standards internationaux en matière de prévention des risques financiers. La note de la Banque d’Algérie est explicite sur les motivations de cette mesure. « Compte tenu du niveau de risque élevé associé aux dépôts en espèces, l’alimentation des comptes commerciaux doit s’opérer par les moyens de paiement scripturaux ; les versements d’espèces ne devant être autorisés que pour des cas exceptionnels dûment justifiés », peut-on lire dans le texte officiel. Cette formulation laisse peu de marge de manœuvre aux établissements bancaires, qui devront désormais soumettre toute demande de dépôt en liquide sur un compte commercial à une procédure de justification rigoureuse. Le régulateur établit ainsi une présomption de risque élevé pour toute transaction en espèces dans le cadre commercial, inversant le paradigme jusqu’alors en vigueur où les dépôts en liquide demeuraient une pratique courante dans le tissu économique algérien.
Au-delà de la restriction sur les espèces, la Banque d’Algérie impose également aux banques une surveillance accrue de la cohérence des opérations avec le profil de leurs clients. « Les opérations de la clientèle doivent être en adéquation avec le profil du client et cohérentes avec les informations que la banque détient à son sujet », précise l’instruction. Cette exigence implique que les établissements bancaires devront désormais procéder à une analyse systématique de chaque transaction au regard de l’historique et des caractéristiques de l’activité déclarée par le titulaire du compte. Toute anomalie ou incohérence devra faire l’objet d’une vigilance renforcée, voire d’une déclaration de soupçon aux autorités compétentes si des indices de blanchiment ou de financement d’activités illicites sont détectés.
Un arsenal réglementaire renforcé
Pour encadrer cette nouvelle politique de lutte contre les flux financiers opaques, la Banque d’Algérie s’appuie sur un arsenal juridique substantiellement étoffé ces dernières années. L’instruction fait référence à plusieurs textes réglementaires fondamentaux dont l’application rigoureuse est désormais exigée. En premier lieu figure le règlement numéro 24-03 du 24 juillet 2024, modifié et complété, relatif à la prévention et à la lutte contre le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et le financement de la prolifération des armes de destruction massive. Ce texte constitue la pierre angulaire du dispositif algérien de lutte contre la criminalité financière et transpose dans le droit national les recommandations du Groupe d’action financière international.
La note cite également l’instruction numéro 03-24 du 24 novembre 2024 relative au devoir de vigilance, qui détaille les obligations concrètes pesant sur les établissements bancaires en matière d’identification et de connaissance de leur clientèle. S’y ajoutent les lignes directrices de la Commission bancaire numéro 02-2025 du 26 mai 2025, qui précisent les modalités pratiques d’application du devoir de vigilance et définissent les critères d’évaluation des risques clients. L’instruction rappelle aux banques « la nécessité de veiller à l’application rigoureuse des dispositions réglementaires inhérentes au devoir de vigilance et des mesures d’atténuation des risques » prescrites par ces différents textes, ne laissant aucune latitude quant à leur mise en œuvre effective.
La Banque d’Algérie justifie ces mesures contraignantes par l’adoption d’une « approche basée sur les risques », méthodologie internationalement reconnue qui consiste à moduler l’intensité des contrôles en fonction du niveau de risque présenté par chaque client et chaque opération. « Conformément aux prescriptions législatives et réglementaires en vigueur, les mesures de vigilance à l’égard de la clientèle doivent être observées selon l’approche basée sur les risques, ce qui implique la mise en œuvre de diligences renforcées concernant les clients et les opérations présentant des risques plus élevés », explique le document. Cette approche différenciée permet théoriquement de concentrer les ressources de surveillance sur les transactions et les profils les plus susceptibles de dissimuler des activités illicites.
Consciente toutefois des risques d’exclusion financière que pourrait engendrer un durcissement excessif des conditions d’accès aux services bancaires, la Banque d’Algérie assortit son instruction d’une mise en garde importante. « Les mesures de vigilance prises dans ce cadre ne doivent pas constituer un écueil pour l’inclusion financière des clients présentant des risques plus faibles », souligne la note dans sa conclusion. Cette précision vise à éviter que les établissements bancaires, par excès de prudence ou par commodité, ne ferment massivement des comptes ou ne refusent l’accès aux services bancaires à des catégories entières de clients jugés trop contraignants à surveiller, notamment les petites entreprises, les commerçants indépendants ou les professions libérales qui constituent pourtant une part significative du tissu économique algérien.
Les commerçants et entrepreneurs devront désormais adapter leurs pratiques en privilégiant systématiquement les virements bancaires et les chèques pour approvisionner leurs comptes professionnels, ce qui suppose une transformation culturelle et organisationnelle majeure pour de nombreux acteurs économiques habitués à fonctionner largement en espèces. Les établissements bancaires, de leur côté, sont invités à mettre en œuvre ces dispositions sans délai.
Amar Malki

