Traite des êtres-humains : L’Algérie muscle son arsenal juridique
Le ministère de la Justice a lancé dimanche à Alger des rencontres d’étude consacrées au cadre juridique de lutte contre la traite humaine et à la protection des victimes, réunissant magistrats, officiers de police judiciaire et experts pour trois jours de travaux visant à renforcer l’efficacité de la réponse judiciaire face à ce crime transnational en pleine expansion.
Dans un contexte où l’Algérie fait face à des défis migratoires croissants, comme pays de transit pour les migrants africains en route vers l’Europe, ces assises prennent une dimension particulièrement stratégique. L’Algérie concentre ses efforts sur la prévention d’un phénomène qui, bien que ne constituant pas encore une véritable épidémie sur son territoire, menace directement les populations vulnérables en quête d’asile et d’opportunités migratoires. Ces dernières années, les autorités algériennes ont considérablement intensifié leur mobilisation, créant d’abord une Commission nationale de prévention et de lutte contre la traite des personnes rattachée au ministère des Affaires étrangères, regroupant plusieurs départements ministériels et services de sécurité, avant d’adopter un cadre législatif spécifique. Présidant l’ouverture des travaux organisés en collaboration avec le Centre de recherches juridiques et judiciaires à la résidence des magistrats, Mohamed Haddoud, directeur général des affaires judiciaires au ministère de la Justice, a souligné que « l’État a œuvré à l’instauration d’un système juridique et institutionnel intégré afin de lutter contre le crime de la traite humaine à travers la promulgation de la loi 23-04 du 7 mai 2023 ». Cette législation, a-t-il précisé, « a consacré des mesures strictes pour la détection et la lutte contre ce crime, ainsi qu’une coordination entre les différentes parties concernées », tout en visant à « renforcer les capacités des acteurs dans les domaines de la détection précoce, de la protection des victimes et de la garantie de poursuites judiciaires dissuasives contre les auteurs ».
La distinction entre trafic de migrants et traite des êtres humains constitue l’un des enjeux majeurs de ces rencontres. Selon les critères établis par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ces deux crimes diffèrent radicalement dans leurs modalités, leur temporalité et leurs éléments constitutifs, même s’ils peuvent partager une même catégorie de victimes. Alors que le trafic de migrants se limite généralement à une transaction ponctuelle facilitant le franchissement illégal de frontières, la traite humaine s’inscrit dans la durée avec l’établissement d’une relation de domination et de contrôle sur la victime, prolongée bien au-delà du passage initial. Les trafiquants utilisent chantage, intimidation et torture pour maintenir leur emprise, rendant cette criminalité infiniment plus grave et nécessitant une approche judiciaire spécialisée.
Ces rencontres, qui réunissent une centaine de participants dont des juges, des membres de la Commission nationale et des chercheurs du Centre de recherches juridiques et judiciaires, constituent selon Mohamed Haddoud « un espace d’échange d’expertises et d’idées, et d’approfondissement du débat sur les problématiques concrètes soulevées lors du traitement des affaires de traite des êtres humains à toutes les étapes, depuis la détection du crime et la collecte des preuves jusqu’à la poursuite et la qualification juridique, en passant par le traitement judiciaire et la prise en charge des victimes ». L’objectif affiché consiste à renforcer l’efficacité des interventions sur le terrain et améliorer la coordination entre les différents acteurs impliqués dans la chaîne de détection et de répression.
Boualem Ferhaoui, directeur général du Centre de recherches juridiques et judiciaires, a rappelé que ces assises s’inscrivent dans la mise en œuvre du plan d’action élaboré par la Commission nationale, avec pour ambition de « renforcer les capacités des magistrats et de mener des recherches dans le domaine de la traite des êtres humains ». L’Algérie a également ratifié la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée, dite Convention de Palerme, ainsi que son protocole additionnel, témoignant de son engagement dans la coopération internationale contre ce fléau qui ne connaît pas de frontières.
Salim Amokrane

