Réformes des subventions : Benabderrahmane met les points sur les « i »
Le Premier ministre et ministre de Finances, AïmeneBenabderrahmane, a défendu hier à l’Assemblée populaire nationale le projet de réforme des subventions. Une question qui fait polémique ces derniers jours. Le chef de l’Exécutif a, en ce sens, été clair. Cette réforme ne remet rien en cause le caractère social de l’État, bien au contraire car il s’agit d’orienter l’aide de l’État à ceux qui ont en besoin. Pour Benabderrahmane, il n’est plus question que les transferts sociaux, qui représentent pas moins de 17 milliards de dollars, bénéficient à ceux qui ne le méritent pas et qu’ils alimentent des niches d’enrichissement illicite.
C’est lors d’une séance plénière consacrée aux réponses du Gouvernement aux préoccupations des députés dans le cadre des débats sur le projet de loi de finances pour 2022, qu’Aïmene Benabderrahmane a mis l’accent sur la volonté de l’Etat à demeurer aux côtés des classes défavorisées et à maintenir son rôle social sans toutefois exclure la nécessité de réorienter cet accompagnement en ciblant les véritables ménages vulnérables.
À ce sujet justement, le Premier ministre a estimé qu’ « il y a eu incompréhension de la part des députés qui s’étaient interrogés sur une éventuelle existence d’une volonté d’abandonner ces aides. Cette loi de finance ont été mal interprétée, a-t-il en effet expliqué tout en assurant que « l’Etat algérien maintient sa philosophie d’Etat social ». « L’Etat ne permettra plus à des personnes de profiter de ces aides alors qu’elles ne sont pas réellement dans le besoin ainsi qu’à des intermédiaires de siphonner ces transferts estimés d’ailleurs à quelques 17 milliards de dollars », a-t-il affirmé.
Cette réorientation de l’approche permettra, explique M. Benabderrahmane, de récupérer une bonne partie de ces transferts qui pourront ainsi être injectés dans des secteurs tels que la santé, l’éducation et surtout l’amélioration des salaires. « Les mécanismes d’application de l’article 187 qui seront mis sur pied dans l’optique de la création du fond national d’aide aux familles nécessiteuses, explique-t-il, seront discutés et enrichis après consultation de toutes les parties concernées dans le cadre d’une commission qui aura pour mission de discuter et de préparer les procédés de transfert de ces fonds massivement à des transferts ciblés touchant uniquement les vraies catégories nécessiteuses ».
Un travail qui a déjà commencé depuis plusieurs années impliquant de nombreux départements ministériels directement concernés par le travail dont notamment le ministère de l’Intérieur et des Collectivités locales, le ministère des Finances et l’Office national des statistiques ainsi que le ministère de la Solidarité nationale. Ce groupe de travail créé déjà en 2006 a été élargi, ajoute le Premier Ministre et ministre des Finances, pour impliquer le Conseil de la nation, les experts et autres spécialistes ainsi que les députés de l’Assemblée nationalepopulaire.
Aïmene Benabderrahmane a d’ailleurs précisé dans ce contexte que les fonds mobilisés pour soutenir les catégories nécessiteusessont estimés à quelque 1.942 milliards de dinars. Un montant qui représente, fait-il observer, 8,4% du Produit Intérieur Brut (PIB) avec toutefois une baisse de 17% de l’enveloppe consacrée à ce chapitre dans la précédente loi de finance 2021.
Il faut dire que cette réforme de la politique de soutien des prix entre dans le cadre d’une démarche plus globale visant à revoir la structure de l’ensemble des subventions afin de mettre fin aux comportements déviants, assainir le marché et promouvoir la production nationale au détriment de l’importation. Elle entre également dans le cadre de la rationalisation des dépenses publique, la finalité étant de rétablir les équilibres budgétaires internes ainsi que les équilibres externes.
Plus de soutien aux agriculteurs
Et c’est justement dans ce contexte que le chef de l’Exécutif a souligné la nécessité d’orienter les fonds alloués par l’Etat pour l’importation des céréales, à la subvention aux agriculteurs en vue de soutenir la production locale des céréales et atteindre la sécurité alimentaire.Benabderrahmane qui a revêtit pour l’occasion sa casquette de premier argentier a ainsi expliqué que le prix actuel adopté pour l’acquisition des céréales auprès des agriculteurs comparativement aux fonds dépensés par l’Etat pour l’importation des céréales est « injuste ». « Sur instruction du président de la République, le Gouvernement a mené une étude sur la révision des prix des céréales appliqués actuellement. Les résultats de cette étude seront soumis au Président pour décider sur cette question », a-t-il fait savoir. »Nous importons du blé auprès d’un Etat dont la superficie ne dépasse pas 1% de celle de notre pays (Lituanie) », a-t-il regretté.Pour M. Benabderrahmane, la cause est due à plusieurs facteurs, dont » la perte de la valeur du travail », « le trafic et la corruption dans les terres agricoles ».Il a affirmé, à ce propos, que le défi que le gouvernement relève, conformément au programme du président de la République et en concrétisation de la sécurité alimentaire et sanitaire, est « d’œuvrer pour une approche globale dans le domaine agricole, en vue de donner la terre à celui qui la cultive seulement ».Le Premier ministre prévoit que la bonne exploitation des terres agricoles permettra d’atteindre l’autosuffisance (alimentaire) vers fin 2022.Pour y arriver, M. Benabderrahmane demande à » l’agriculteur de passer à des niveaux de production différents des niveaux existant actuellement ».
M. Benabderrahmane a également défendu la mesure qui assujettit les opérations de vente de sucre (blanc et brut) à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et l’annulation de l’exonération en vigueur. Il a ainsi expliqué la mesure qui concerne l’application du taux réduit de 9% de TVA sur les ventes de sucre, visait la réduction de facture de consommation de ce produit et la préservation de la santé du consommateur. Et d’ajouter que cette mesure a été prise à plus d’un titre, d’abord eu égard au volume de la facture d’importation de cette matière qui pèse sur le budget de l’Etat et les réserves de change, a-t-il précisé, en ce sens que l’Algérie « importe environ 2 millions de tonnes/an de sucre, et est classée parmi les plus grands importateurs de sucre, en occupant la 7eplace dans les destinations qui consomment cette matière avec un taux en-dessus de leurs besoins, l’excédent relève, donc, du gaspillage ».La surconsommation du sucre, poursuit le Premier ministre, influe négativement sur la santé du consommateur, et constitue un fardeau de plus pour le secteur de la santé et le système de la sécurité sociale, notamment avec la propagation terrible du diabète, l’hypertension, le cancer et les maladies du cœur », indiquant que le nombre de diabétiques, qui risque d’augmenter, dépasse à présent les 5 millions de malades.
Rationalisation des dépenses publiques
Le Premier ministre et ministre des Finances, a également insisté sur la rationalisation des dépenses publiques et la nécessité de mettre fin à certaines formes de gabegie et de gaspillage qui s’illustrent notamment par la programmation de nouveaux projets d’équipements publics alors que certaines structures ne sont pas mises en exploitation. il a ainsi souligné l’impératif d’exploiter les structures existantes non-exploitées dans les différents secteurs avant de demander l’inscription de nouveaux. »Arrêtons d’inscrire de nouveaux projets alors que nous n’avons pas encore exploité toutes nos réalisations », a-t-il dit.Le Premier ministre a cité dans ce cadre le secteur de l’Enseignement supérieur « qui demande chaque année l’inscription de nouveaux projets de réalisation d’universités et de cités universitaires alors que des dizaines de milliers de lits et de postes pédagogiques ne sont pas encore exploités », des structures qui coûtent « des dépenses à l’Etat pour leur gardiennage ».Il a également cité « le secteur de la Santé qui n’exploitent pas ces capacités comme il se doit alors qu’il bénéficie d’un important budget ».M. Benabderrahmane a évoqué le prochain recensement économique qui « permettra de cerner les capacités nationales pour qu’on puisse inscrire des programmes au profit des secteurs qui enregistrent un déficit », a-t-il précisé.
Kamel Nait Ameur