Toufik Hasni, consultant en énergie : « Un baril à 100 dollars en 2022 est une lubie »
Les cours du brut vont de sommet en sommet. Hier les prix du Brent ont passé un nouveau seuil, celui des 89 dollars. Cependant de l’avis de Toufik Hasni, consultant en énergie cela ne traduit pas pour autant une tendance lourde qui doit mener les prix à passer le cap des 100 dollars comme le prévoit la banque d’affaires américaine Goldman Sachs.
La soudaine hausse du prix du brut dont le baril flirt, désormais, à plus de 90 dollars, « traduit une simple volatilité aux conséquences imprévisibles ». C’est ce que pense le consultant en énergie Toufik Hasni. Dans un entretien à La Sentinelle, l’expert a rejeté l’hypothèse de toute embellie durable, avec à la clé des prix pouvant allègrement atteindre les 100 dollars. « Croire en ce scénario est une pure lubie », indique Toufik Hasni qui rappelle que « ces soubresauts du baril sont la conséquence d’une crise latente ». Une crise antérieure à celle actuelle de la Covid-19 laquelle aura fini par exaspérer les tensions, ajoute-il. A la faveur de ces évènements qui voient le baril de pétrole prendre des ailes, le consultant en énergie ajoute que « dans ce brouhaha ambiant ce sont les Etats Unis qui tentent de tirer leur épingle du jeu, en tentant de maintenir vaille que vaille, la valeur de la monnaie US, le sacro-saint Dollar ». Toufik Hasni reconnait donc le facteur subjectif et psychologique dans la surenchère du prix de l’or noir et rappelle l’épisode de l’année dernière, où, un simple tweet de l’ancien locataire de la Maison Blanche, avait un impact certain sur les cours du pétrole. « L’envolée des prix du brut permet également de valoriser les hydrocarbures non conventionnels, notamment le gaz de schiste dont l’exploitation est entreprise à bras le corps par les Etats Unis », poursuit Toufik Hasni surtout que l’on se rappelle que pendant la pandémie, le plongeon des cours du brut avait fait basculer dans l’insolvabilité des entreprises de forage de pétrole de schiste, dont le coût de production est bien plus élevé que le pétrole léger foré par exemple en Arabie saoudite. Hasni qui évoque l’ascendant qu’exercent les puissances actuelles comme les Etats-Unis et la Chine sur le cours du brut n’écarte pas l’avènement d’un crash financier majeur et son corollaire de guerres par belligérants interposés dont un avant- goût nous est déjà donné par les conflits récurrents au proche et Moyen orient. Quoiqu’il en soit, le prix du brut est monté et a atteint des niveaux records, avec en sous bassement l’interaction de nombreux facteurs, dont celui de l’offre et de la demande. D’aucun estime que les pays de l’Opep + devront s’adonner à un véritable exercice d’ascèse afin de maintenir les prix actuels du brut.
Nonobstant la vision pessimiste de l’expert algérien Toufik Hasni, de nombreux analystes s’attendent désormais à voir les prix du brut dépasser les 90 dollars le baril, voire la barre des 100 dollars, ce qui semblait encore impossible à envisager il y a quelques mois. Les analystes de Goldman Sachs voient par exemple le Brent atteindre 96 dollars cette année, puis 105 dollars en 2023, selon une note récemment publiée.
Sur les marchés, les cours du pétrole continuaient leur envolée hier,pour franchir un nouveau seuil. Vers 11H00 GMT, le prix du baril de Brent de la mer du Nord pour échéance en mars grimpait de 1,25% à 88,60 dollars. Plus tôt dans la séance, le Brent a atteint 89,05 dollars le baril, un nouveau record depuis octobre 2014. À New York, le baril de West Texas Intermediate (WTI) pour livraison en février gagnait 1,49% à 86,09 dollars. Il a grimpé jusqu’à 87,08 dollars en séance, également son plus haut depuis octobre 2014. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) a revu à la hausse mercredi ses prévisions pour la demande de pétrole cette année et prévenu que le marché pourrait vivre une « nouvelle année de volatilité » si l’offre s’avérait décevante. La demande totale devrait ainsi atteindre 99,7 millions de barils par jour pour cette année, note l’AIE. L’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) avait mardi laissé inchangées ses propres prévisions de hausse de la demande mondiale d’or noir en 2022, continuant de considérer l’impact du variant Omicron du Covid-19 comme léger et de courte durée. L’OPEP « fait preuve d’une grande prudence en ce qui concerne les perspectives de la demande », car Omicron pourrait tout de même avoir un impact sur la croissance dans les prochains mois, relève Stephen Brennock de PVM Energy. Mais le risque géopolitique a fait resurgir le spectre de perturbations de l’approvisionnement, avec notamment l’attaque de drones menée lundi par les rebelles yéménites Houthis dans les Émirats arabes unis, ravivant les tensions dans la région. Mardi, une explosion avait endommagé un oléoduc qui relie Kirkouk (Irak) à Ceyhan (Turquie) et par lequel transitent quelque 450.000 barils de brut par jour, coupant ainsi l’acheminement en provenance d’Irak. Cette nouvelle avait dopé les cours, leur faisant atteindre de nouveau records.
Salim Benalia