La nouvelle grille indiciaire des salaires de la Fonction publique publiée : Une nouvelle hausse, mais…
Chose promise, chose due. La nouvelle grille indiciaire des salaires de la Fonction publique vient d’être publiée et est applicable depuis le 1er mars dernier. Une grille qui permettra une hausse de l’ensemble des salaires de la fonction publique, conformément aux engagements du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, qui a assuré que la question devait être tranchée avant la fin du premier trimestre 2022.
En effet, pas moins de quatre décrets présidentiels complétant et modifiant les dispositions relatives à la grille indiciaire des salaires des fonctionnaires, de la rémunération des agents contractuels, des titulaires des postes supérieurs dans l’administration publique et enfin des travailleurs exerçant des fonctions supérieures de l’État, ont été publiés dans la dernière livraison du Journal officiel. Des textes qui actent la hausse de la base indiciaire de la grille des salaires de 50 points pour l’ensemble des fonctionnaires, en sus de points supplémentaires, selon les échelons et les catégories. Des hausses qui doivent acter la revalorisation des salaires dans la fonction publique et sur laquelle le président de la République s’était engagé. En termes concrets, la révision de la grille indiciaire devrait se traduire par des hausses des salaires variant de 2.250 DA à 6.000 DA, nous explique une responsable en charge des ressources humaines dans l’administration publique.
Une hausse qui s’ajoute d’ailleurs aux multiples mesures prises par les pouvoirs publics dans l’objectif d’augmenter le pouvoir d’achat. Car la révision de la grille indiciaire est la quatrième d’une batterie de mesures prises depuis 2020 et qui comprend une hausse du salaire minimum garanti (SNMG) qui passe de 18.000 à 20.000 DA, l’exonération d’IRG des salaires inférieurs ou égaux à 30.000 DA, ainsi que la baisse de l’IRG entrée en vigueur au mois de janvier dernier et qui s’est traduite par une hausse des revenus des salariés de 2.400 à 8.500 DA.
Cependant, et malgré les efforts consentis par les pouvoirs publics afin d’augmenter le pouvoir d’achat des ménages, l’annonce de la nouvelle grille des salaires a suscité une certaine confusion, voire de la « déception », dans les milieux syndicaux et ce, au regard du niveau des attentes exprimées à ce sujet. Il est utile de rappeler dans ce contexte qu’une grande partie, pour ne pas dire l’ensemble des syndicats de la Fonction publique revendique une revalorisation du point indiciaire qu’ils souhaitent porter de 45 DA à 90 DA pour certains syndicats. Aussi, furent-ils surpris de constater que la revalorisation annoncée s’est axée sur une révision globale de la grille, sans toucher le point indiciaire. Les syndicats regrettent d’ailleurs l’absence de dialogue avec les partenaires sur cette question et mettent également en avant une inflation galopante qui érode le pouvoir d’achat des ménages.
C’est dans ce contexte que le président du Syndicat national des praticiens de la santé publique (SNPSP), Dr. Lyes Merabet a qualifié la révision de la grille indiciaire de «montagne qui a accouché d’une souris ». Il a souligné le fait que les fonctionnaires s’attendaient à ce que « le gouvernement ramène cette hausse au moins au niveau de l’inflation ». Dr. Lyes Merabet dira que « cette augmentation ne répond aucunement aux aspirations ». Aussi, annonce-t-il, que « les choses s’organisent pour agir et amener le gouvernement à retirer sa décision », déplorant au passage que ce dernier ait agi dans « une démarche unilatérale absolue au lieu d’intégrer les syndicats dans la réflexion ».
Un retour vers la protesta ?
Même son de cloche du côté du Conseil national autonome du personnel enseignant du secteur ternaire de l’éducation (Cnapeste). Selon son porte-parole, Messaoud Boudiba, la déception est grande. Celui-ci n’a pas manqué d’avertir quant désenchantement parmi les fonctionnaires et explique que « cette augmentation sans aucune incidence sur la vie quotidienne des familles ». Il n’a non plus pas omis d’estimer que « la classe moyenne n’existe plus à cause des hausses des prix qui ont fini par laminer les revenus des Algériens ». Le porte-parole du CNAPEST avertit d’ailleurs que cette décision « met en danger la paix sociale ».
Pour sa part, le Secrétaire général du Syndicat autonome des travailleurs de l’éducation et de la formation (SATEF), Boualem Amoura s’est dit « surpris et choqués » mais aussi déçu par « l’augmentation maigre et insignifiante » des salaires. Il a également regretté le fait que « les syndicats ne soient pas associés dans la prise de décision malgré leur disposition à trouver un terrain d’entente ». Pour M. Amoura, « ces maigres augmentations seront vite absorbées par l’inflation ». Cependant, notre interlocuteur n’a pas manqué de faire savoir que « tous les syndicats composant la Confédération des syndicats autonomes qui compte notamment les représentants syndicaux des travailleurs de Poste, des impôts ainsi que des vétérinaires se réunissent demain pour décider de la réaction face à cette augmentation qui a déçu tous les fonctionnaires ». Le premier responsable du SATEF a appelé les syndicats à une « alliance conjoncturelle » pour de prochaines actions. Lui aussi avertit contre la colère que suscite ce genre de décisions, considérées comme une « menace pour la paix sociale ». M. Amoura a estimé que « le gouvernement assumera tout seul les conséquences ».
Plus modéré le Syndicat national autonome des travailleurs des collectivités locales a indiqué, dans communiqué rendu public hier, a souligné le fait que la révision de la grille indiciaire des salaires de la fonction publique « va à l’encontre des ambitions et attentes » exprimées par les fonctionnaires. Aussi, indique la même source, cette révision contribuera quelque peu à augmenter les salaires, mais cela reste « totalement insuffisant, et ne répond pas aux besoins du secteur des collectivités locales, considéré comme le secteur le plus bas sur l’échelle des salaires ». C’est dans ce contexte que le syndicat a appelé à la révision rapide des statuts particuliers des travailleurs du secteur.
L’effort concédé pour augmenter les revenus des ménages ne fait aucun doute, mais cela n’a pas permis de répondre aux attentes du front social, dans la mesure où la question n’a pas l’objet d’un débat et d’un dialogue permettant de rapprocher les vues et de répondre aux attentes dans la limite des capacités financières de l’État, dans la mesure ou toute hausse des salaires aura un impact financier. Il est utile de noter dans ce contexte que près de 60% des 6.300 milliards de DA de budget de fonctionnement sont consacrés aux salaires des fonctionnaires.
Kamel Nait Ameur