Tournée africaine d’Emmanuel Macron : Le symptôme du déclin inexorable de la Françafrique
Le président français Emmanuel Macron a entamé lundi soir une tournée en Afrique où il doit rencontrer ses homologues camerounais, béninois et guinéen.
Les objectifs de ce voyage sont clairement affichés par la presse française. Il s’agit avant tout pour le locataire de l’Elysée de faire en sorte que ce qui reste du « pré-carré français » en Afrique centrale et en Afrique de l’Ouest ne bascule pas entre les mains d’autres puissances. Il n’est donc pas faux de dire que c’est sous le sceau de l’urgence qu’Emmanuel Macron a rallié lundi soir le Cameroun.
Ces 20 dernières années, la France a perdu beaucoup de terrain sur le continent. La Centrafrique est sans doute l’exemple qui illustre le plus la perte d’influence politique, économique, commerciale et militaire de la France en Afrique. Les Français ont fait la pluie et le beau temps pendant des dizaines d’années dans ce pays riche en matières premières et particulièrement en diamants. Ils ont fini pourtant par en être évincés par la Russie. La France ne pèse pratiquement plus rien en République du Congo (Congo Brazzaville) dont le président Sassou-Nguesso a d’ailleurs reçu en grandes pompes le chef de la diplomatie Russe, Sergueï Lavrov. La République du Congo a tissé également un partenariat solide avec la Chine, l’autre grand concurrent de la France sur le continent.
Il n’y a pas qu’en Centrafrique que la France a perdu pieds. Elle a également été éjectée il y a peu du Mali, un pays avec lequel Paris se targuait pourtant d’avoir une relation privilégiée. Et c’est la Russie aussi qui l’en a délogé. L’entrée en scène de la Russie sur le théâtre malien a d’ailleurs obligé la France à faire déménager sa force Bakhane à Niamey.
A l’exception sans doute du Maroc, du Niger, du Sénégal et de la Côte-d’Ivoire, la France est talonnée de près par des puissances concurrentes partout sur le territoire de ce qui fut son ancien empire. Le constat est valable aussi pour le Tchad qui a entrepris sous Idriss Deby Itno, ancien fidèle allié de Paris, de se rapprocher des monarchies du Golfe et de la Chine. Preuve en est c’est Doha qui accueille actuellement le dialogue national tchadien. Un chiffre illustre de façon implacable la régression de la France en Afrique : Les entreprises françaises ne pèsent plus qu’environ 10% de l’économie contre 40% dans les années 1990.
Emmanuel Macron est arrivé lundi soir à Yaoundé avec l’intention claire d’essayer de relancer les relations politiques et économiques entre les deux pays, en nette régression également. Outre la Chine et de la Russie dont l’intérêt pour l’Afrique ne fait plus l’ombre d’un doute, la France doit faire face à la concurrence de ses propres alliés comme les États-Unis, l’Allemagne et la Grande-Bretagne. A la recherche de relais de croissance, la Turquie et l’Inde ont commencé aussi à s’intéresser à l’Afrique francophone où leurs produits sont très compétitifs.
La perte d’influence de la France en Afrique ne s’explique pas uniquement par le fait que le continent est fortement disputé au niveau global en raison de ses abondantes matières premières et de l’importance de son marché. De l’avis de nombreux spécialistes, la France paye aussi son approche néocolonialiste. Après les indépendances durant les années 60, Paris a tout fait pour garder ses anciennes colonies dans un rapport de servitude et de dépendance. Un rapport mis en place en partie grâce à la désignation de gouvernements fantoches qui ont travaillé contre les intérêts de leurs propres populations. Le symbole de cette dépendance est le Franc CFA. C’est ce qui explique aujourd’hui le très fort ressentiment exprimé par les sociétés civiles africaines à l’égard de l’Etat français. Cette hostilité est régulièrement nourrie par le côté donneur de leçons et le discours paternaliste et moralisateur de l’ancien colonisateur à l’égard des Africains. A l’inverse, les autres acteurs étrangers en Afrique ont mis en place des partenariats plus équilibrés et s’ingèrent le moins possible dans les affaires internes des États.
Khider Larbi