Il entame, aujourd’hui, une visite de trois jours en Algérie : Ce qui est attendu de Macron
Faut-il attendre quelque chose de la visite aujourd’hui à Alger du président français Emmanuel Macron ? Difficile à dire. Quoi qu’il en soit, la balle est dans le camp français. Tout dépendra de ce qu’aura à offrir le locataire de l’Elysée. Dans le cas des relations algéro-françaises, il y a d’innombrables dossiers qui font l’objet de profonds litiges.
De l’avis de tous, le blocage n’est pas imputable aux autorités algériennes. Les présidents qui se sont succédés à l’Elysée durant ces dernières décennies n’ont pas eu le courage, par exemple, d’avancer sur la question de la mémoire, préférant plutôt opter pour la politique des petits pas. Le prétexte qui est souvent avancé pour justifier une telle attitude se fonde sur le fait que la société française, ou du moins une partie, n’est pas encore prête à assumer son passé coloniale.
Vu d’Alger, c’est un argument qui ne tient pas puisque d’autres pays occidentaux ayant eu un passé colonial n’ont pas hésité à entreprendre des démarches allant dans le sens de la reconnaissance des crimes qu’ils ont commis en Afrique ou ailleurs. Il est possible de citer le travail qu’accomplit l’Allemagne avec les Namibiens et les Belges avec la République démocratique du Congo (RDC). A contrario, dans le cas de la France, on observe même une sorte de rétropédalage. En somme, les responsables français avancent d’un pas et reculent de deux sur la question de l’histoire et de leur passé colonial.
L’exemple le plus frappant est celui d’Emmanuel Macron him self. Il y a une grande différence, en effet, entre ce qu’il s’était engagé à entreprendre dans ce domaine lorsqu’il était candidat pour son premier mandat et ce qu’il a réellement accompli. Candidat à la présidentielle, il avait carrément condamné le système colonial. Macron avait même asséné cette condamnation lors d’un entretien accordé à une chaîne de télévision algérienne.
Près de 6 ans après, la situation est toujours au même point. A l’exception de la reconnaissance par l’Etat français des assassinats de Ali Boumendjel et de Maurice Audin, peu de choses ont été faites. Le constat est analogue concernant la question de l’indemnisation des victimes algériennes des nombreux essais nucléaires français dans le désert algérien. La France, ne serait-ce par humanisme, n’a pas pris l’initiative de donner aux autorités algériennes la carte de sites où sont enfouis les déchets radioactifs afin d’épargner aux Algériens de nouveaux drames. C’est ce double langage et ces attitudes franchement inamicales qui ont horripilé les autorités algériennes et les ont convaincu qu’il n’y avait rien à attendre de Paris.
Les atermoiements des différents présidents sur la question de la mémoire sont à l’origine de la crise de confiance qui caractérise les relations algéro-françaises. Depuis Abdelaziz Bouteflika, les Algériens se sont pourtant régulièrement dits prêts à fonder une relation d’exception avec Paris, à la condition que les Français abandonnent leur habit colonial. Par manque de courage politique ou pour d’autres raisons, cela ne s’est pas fait. Le constat a amené les Algériens à s’interroger sur la relation avec la France et surtout sur son utilité. Nombreuses ont été les voix à suggérer que l’Algérie prospecte de nouveaux horizons et ne perde plus son temps à attendre que la France se décide à se libérer de ses complexes.
Les tergiversations des responsables français ont bien sûr fait les affaires de l’extrême droite française et des lobbies anti-algériens. Ces derniers sont d’ailleurs à l’œuvre pour faire capoter la visite de Macron à Alger. Le projet est d’éloigner durablement la France de l’Algérie. Libre à eux de faire ce qu’ils veulent. Mais de ce côté de la Méditerranée, on estime que la France et les Français sont sur le point de commettre une erreur coûteuse, surtout dans le contexte géopolitique actuel. La roue est effectivement en train de tourner. L’Algérie n’attend plus grand-chose de la France. La France peut-elle en dire autant ? Quoiqu’il en soit, il s’offre encore à Emmanuel Macron une chance de revoir sa copie et de tenir davantage en ligne de compte l’équilibre des intérêts. Autrement, la fenêtre de tir risque vite de se refermer.
Khider Larbi