Accord d’association avec l’UE, Zlecaf et Gzale : Vers la levée des droits additionnels à l’import !
L’avant-projet de loi de finances 2023 comporte une disposition qui réjouira certainement les pays de l’Union européenne. Mais pas que.
Le texte, qui devrait être débattu, dans les prochains jours au Parlement, comporte une disposition qui supprime notamment les droits additionnels provisoires de sauvegardesur les marchandises provenant de pays ou d’ensembles économiques avec lesquelles l’Algérie a signé des accords de libre-échange. Ces barrières tarifaires avaient été instituées, rappelle-t-on, par le biais de la loi de finances complémentaire 2018 pour freiner les importations massives. La décision avait été prise dans un contexte où les prix du pétrole avaient connu un effondrement, ce qui avait considérablement impacté les revenus en devises du pays. Le but recherché était donc d’éviter une saignée des réserves de changes et la protection de la production nationale.
Dans leur exposé des motifs, les rédacteurs du contenu de l’article 55 du texte, dont nous détenons une copie, expliquent ainsi que le démantèlement de ces barrières tarifaires provisoires (DAPS) se justifie par le souci de l’Algérie de se conformer aux accords signés avec l’Union européenne, la Zone arabe de libre échange (GZALE) et la Zone africaine de libre échange (ZLECAF). Cela surtout que les mesures de protection adoptées par les précédents gouvernements ont soulevé des réserves de la part des partenaires de l’Algérie. Certains, ajoutent les rédacteurs du projet de loi de finances 2023, ont même menacé d’instituer des mesures de réciprocité et de recourir à l’arbitrage international afin d’obtenir l’annulation de la décision algérienne. Cette situation, ajoute-t-on, a mis l’Algérie dans une posture inconfortable avec ses partenaires. C’est donc pour toutes ces raisons que l’Etat a décidé de revenir sur sa décision comme celle qui consiste aujourd’hui à libérer à nouveau les importations. Il est vrai que les DAPS peuvent se trouver en contradiction avec certains axes de la nouvelle politique commerciale algérienne et ses engagements avec ses partenaires. C’est le cas de la Zlecaf dont la finalité première est de libérer et renforcer le commerce intra-africain et sur laquelle l’Algérie compter pour asseoir son redéploiement économique et commercial sur le continent africain.
Le constat est surtout valable dans le cas de l’Union européenne avec laquelle l’Algérie est liée par un accord d’association qui devait déboucher en 2020 sur l’instauration d’une zone de libre échange entre les deux parties. Il est à rappeler, à ce propos, que la Commission européenne a tiré la sonnette d’alarme de nombreuses fois dans des rapports sur la «menace» sur son commerce extérieur avec la hausse du nombre des barrières commerciales à travers le monde. Ces rapports ont souvent cité le cas de l’Algérie parmi d’autres marchés qui mettent des obstacles à l’écoulement des marchandises européennes. Bruxelles a notamment reproché en 2019 aux autorités algériennes d’avoir imposé une interdiction d’importer à près de 900 produits et introduit, qui plus est, des licences d’importation. Ce qui, pour les européens, est contraire aux engagements pris.
Côté algérien, les contre-arguments n’ont également pas manqué. Le projet de mise en place d’une ZLE est régulièrement la cible de critiques quasi unanimes des dirigeants politiques, des patrons et des économistes algériens qui dénoncent une balance commerciale largement en défaveur de l’Algérie. Les autorités algériennes parlent d’ailleurs, à ce jour, d’un accord déséquilibré qu’il est urgent de revoir. De nombreux spécialistes ne cessent de rappeler à ce propos que « le partenariat Algérie-UE n’a pas tenu ses promesses ». Selon eux, « la seule ouverture du marché algérien aux produits de consommation étrangers ne saurait bâtir une économie moins rentière, ni plus productive, ni par conséquent générer de la croissance ». Pour eux l’enjeu consiste à passer à un système valorisant par la production les ressources variées négligées jusqu’à présent.
Convaincu par la nécessité impérieuse de bâtir une économie pour sortir de la dépendance, le président Tebboune fait aussi, dès son investiture, de la révision de l’accord d’association Algérie-UE l’une de ses principales priorités. Le chef de l’Etat a d’ailleurs saisi à chaque fois l’opportunité des ses rencontres avec les responsables européens pour mettre sur le tapis cette question. Son forcing devrait être payant puisque Bruxelles s’est récemment dite ouverte à la discussion. Une disposition clairement affichée par le président du Parlement européen, Charles Michel, lors de sa visite au mois de septembre dernier en Algérie. Il faut dire que l’Europe (qui est actuellement touchée par une grave crise énergétique) n’a plus trop le choix surtout qu’elle a désormais besoin de l’Algérie pour se ravitailler en gaz. La question qui se pose maintenant est de savoir si la décision de l’Algérie de supprimer les DAPS s’inscrit justement dans un grand deal incluant à la fois l’énergie, la coopération dans tous les domaines et la question de la révision de l’accord d’association Algérie-UE.
Khider Larbi