Sommet de la Ligue arabe d’Alger : Distinguer l’essentiel de l’accessoire
Sur les recommandations de ses médecins qui lui ont déconseillé de voyager, le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) ne participera finalement pas au Sommet de la Ligue des Etats arabes dont les travaux sont prévus le 1er et 2 novembre prochain à Alger.
Assurément, l’absence d’un responsable politique de la stature de MBS à ce rendez-vous sera regrettée d’autant que l’Arabie Saoudite reste l’un des principaux poids lourds du Monde arabe. C’est un fait. Néanmoins, sa défection, dûment motivée du reste, n’est pas réellement de nature à bouleverser l’ordre des choses et ni à diminuer en importance le sommet d’Alger. L’Arabie saoudite sera dans tous les cas représentée et les décisions qui seront prises lors de cette rencontre recevront toutes l’onction des pays arabes.
Dans l’absolu, un sommet réussi se juge surtout par l’importance des décisions qu’il prend et non pas par la qualité de ses participants. A quoi sert-il en effet de faire le plein de personnalités et de chefs d’Etat si c’est pour conclure sur des banalités, comme ce fut observé lors de nombreux sommets de la Ligue arabe. Il ne faut pas passer à côté de l’essentiel. Ni l’absence de MBS et encore moins celle de MBZ, l’émir des Emirats arabes unis, ne doivent faire oublier l’enjeu principal du sommet d’Alger. Contrairement à ce que tentent de faire croire certains, cet enjeu ne renvoie pas à une lutte de leadership dans le Monde arabe mais consiste avant tout à permettre au Monde arabe de parler d’une seule voix sur d’innombrables questions d’importance comme la cause palestinienne.
Le Monde arabe n’a jamais été aussi déchiré et fragmenté. Cela ne s’est pas observé même au lendemain des principales guerres perdues contre l’entité sioniste. Si les dirigeants de la Ligue arabe ne s’emploient rapidement à stopper ce dangereux processus de décomposition, il n’est pas à exclure que le Monde arabe soit phagocyté dans un proche avenir par des ensembles ou des puissances plus dynamiques. Et ce ne sont pas les ennemis qui manquent. Le risque le plus grand est de voir les pays arabes se faire aspirer par des logiques qui non seulement ne travaillent pas leurs intérêts vitaux mais les conduiraient à s’inscrire dans des luttes qui ne sont pas les leurs.
Les Arabes payent déjà tribut des immenses retards accumulés dans les domaines de l’économie, de l’agriculture, des nouvelles technologies, de l’armement, …, etc. La liste est encore longue. Le Monde arabe est la région la moins intégrée dans le monde. Les échanges commerciaux ou économiques interarabes d’une faiblesse affligeante. En ce début du XXIe siècle, la région arabe est encore endeuillée par la misère ou secouée par des conflits absurdes comme ceux qui ravagent actuellement la Libye ou le Yémen. Une situation inadmissible lorsque l’on sait que les pays arabes réunis ont suffisamment de ressources pour prospérer et faire vivre au moins le triple de leur population actuelle.
L’intérêt du Sommet arabe d’Alger réside justement dans le fait qu’il offre un cadre idéal à tous les pays arabes pour repenser de fond en comble le Monde arabe et de forger de nouveaux instruments avec pour objectif de reprendre leur destinée en main et de se remettre dans le sens de l’histoire. Ce n’est pas tout. Pour peser sur le cours des événements, il faut certes avoir des objectifs et les moyens de les réaliser. En plus de cela, il convient surtout d’aborder ce nouveau millénaire en rangs serrés.
En décidant d’accueillir ce sommet de la Ligue arabe, les autorités algériennes avaient à l’idée de contribuer à forger un nouveau consensus arabe autour des questions primordiales, comme le dossier palestinien. Ce n’est pas par hasard que la cause palestinienne a été mise, cette fois, au centre des débats. Qu’on ne s’y trompe pas. Le Monde arabe ne commencera véritablement à être pris au sérieux que lorsqu’il se décidera à parler à l’unisson sur la Palestine et défendra bec et ongles les droits des Palestiniens, des droits qui sont aussi les siens. L’histoire nous l’enseigne, les reniements et la politique de l’autruche conduisent toujours à l’échec. Or, aujourd’hui, l’échec n’est plus permis. Surtout pas en ces moments de grands bouleversements géopolitiques.
Khider Larbi