Elle décide de maintenir ses quotas de production inchangés : L’Opep opte pour le « wait and see »
Les membres de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole et leurs alliés ont finalement opté pour le « Wait and see ». Lors de de leur réunion mensuelle, les ministres de l’Opep+ ont décidé de maintenir la baisse de la production de deux millions de barils /jour décidée le 5 octobre dernier, le temps de voir plus clair dans un marché marqué par de plus en plus d’incertitudes.
Garder le cap est sans doute le plus sage dans un contexte d’incertitudes grandissantes. C’est ce que semble d’ailleurs penser les pays de l’Opep et leurs alliés signataires de la Déclaration de coopération. Entre craintes de récession, une situation des plus complexes qui se profile en Chine, plus gros importateur de pétrole et les sanctions qui visent la Russie et son pétrole, membre majeur de l’alliance Opep+, le marché peine à s’orienter vers une direction, même si les perspectives ne prêtent certainement pas à l’optimisme. C’est d’ailleurs cette incertitude aggravée par l’annonce de l’entrée en vigueur dès aujourd’hui d’un plafonnement du prix pétrole russe à 60 dollars par le G7 et ses alliés, qui aura certainement poussé l’Opep+ à marquer une halte afin de mieux cerner les fondamentaux du marché. C’est ainsi que les discussions au cours de la 34e réunion ministérielle Opep –Non Opep, qui regroupe 23 pays (13 pays de l’Opep et 10 pays non-OPEP) signataires de la Déclaration de coopérationont abouti à un maintien du statu quo, confirmant ainsi que qu’avait rapporté l’agence Reuters auprès de sources de l’Opep et qui avaient contredit les rumeurs qui avaient circulé la semaine dernière à propos d’une nouvelle coupe de la production de pétrole. Une décision qui semble surtout conforter l’argumentaire de l’Opep quant à son souci de préserver l’équilibre du marché au-delà de toute autre considération et conforter ses positions et sa posture en ne cédant pas, encore une fois, aux pressionsUS.
D’ailleurs l’issue de la réunion, le ministre de l’Énergie et des Mines, Mohamed Arkab, qui a rappelé les travaux de la conférence de l’Opep tenue la veille, a souligné que celle-ci a permis d’examiner « les aspects liés aux moyens d’assurer la stabilité du marché pétrolier international à court, moyen et long termes ». Selon un communiqué de son département ministériel, Mohamed Akab a également indiqué qu’au de la réunion ministérielle de l’Opep+, « il nous est apparu que depuis plusieurs semaines, une accumulation de facteurs baissiers agissent négativement sur la volatilité des prix et la stabilité du marché pétrolier international. Les craintes liées à une récession économique mondiale, le ralentissement de l’économie chinoise, l’inflation élevée et un dollar fort pèsent sur les perspectives de croissance de la demande mondiale de pétrole alors que le marché est suffisamment approvisionné. », ajoute le ministre. Au terme des discussions, « nous avons décidé de poursuivre nos efforts communs au sein de l’OPEP+ pour assurer la stabilité et l’équilibre du marché pétrolier international, conformément à l’accord que nous avons conclu le 05 octobre dernier à Vienne ». « Nous restons extrêmement vigilants à l’évolution des fondamentaux du marché pétrolier international», ajoute-il.
En termes plus clairs, l’alliance a décidé d’attendre de voir de quelle manière l’ensemble des facteurs va affecter l’offre et la demande de pétrole. Les analystes marché estiment que l’évolution de la situation en Chine est la clé des développements futurs. Il est vrai que la politique zéro-covid et les confinements successifs qu’elle a suscité affecte la croissance dans ce pays et donc sur sa demande de pétrole. Une situation qui aggrave d’ailleurs les craintes concernant la récession de l’économie mondiale, d’autant plus que lors des crises précédentes la Chine a toujours joué le rôle de locomotive de la reprise. Un maintien ou une levée de la politique zéro-covid pèsera assurément sur les perspectives de demande. L’autre facteur qui risque de peser sur les fondamentaux du marché, c’est bien entendu le plafonnement par le G7 des prix du pétrole russe à 60 dollars. Ce plafond ne risque pas d’affecter de manière significative lescapacités financières russes qui bénéficient de coûts à la production de pétrole assez bas, avec une moyenne de 20 dollars le baril, ce qui laisse espérer que ce plafond n’induira pas de baisse de l’offre russe de pétrole. Mais, la grande inconnue demeure la manière dont la Russie réagira à ce plafonnement. Celle-ci a annoncé qu’elle ne vendrait pas son pétrole à ceux qui pratiquent ce plafonnement. Selon Bloomberg, Moscou a commencé à réorienter ses ventes de pétrole vers le marché asiatique, notamment vers la Chine et l’Inde qui bénéficient de tarifs préférentiels (-40% sur le prix du marché). Mais la Russie a également annoncé qu’elle était prête à réduire sa production pour contrer le plafonnement. Il s’agit d’agir sur l’offre, pousser les prix vers le haut pour compenser les volumes exclus du marché, par les gains sur les prix en neutralisant ainsi l’effet des sanctions. Une perspective qui inquiète et qui a induit une accélération des achats de pétrole, la semaine dernière, dans un contexte de prix orientés alors à la baisse.
Reste à voir enfin comment ces évolutions seront perçus dans le cadre de la coordination mis en place par la Déclaration de coopération. Les médias occidentaux estiment que cette coordination est assise sur un objectif du prix du baril à 90 dollars. Au sein de l’Opep+, il est consenti que c’est la stabilité du marché qui fédère les efforts, un objectif assis sur l’intérêt commun des producteurs de pétrole. Un objectif qui prend, pour l’heure, le pas sur les considérations politiques et géopolitiques conjoncturelles.
Samira Ghrib