Règlement de la crise libyenne : Les lignes commencent à bouger
Les pressions de la communauté internationale commencent quelque peu à faire bouger les lignes en Libye, pays dirigé par deux gouvernements rivaux depuis le reversement il y a plus d’une dizaine d’années de Mouammar El Gueddafi par les Occidentaux.
La Chambre des représentants (Parlement établi à Tobrouk) et le Haut conseil d’Etat (Installé à Tripoli) ont procédé, enfin, au 13e amendement de la déclaration constitutionnelle, ce qui permet d’avancer dans l’édification du cadre légal requis pour la tenue simultanée d’élections présidentielles et législatives. L’ensemble de la communauté internationale veut que l’année 2023 soit celle des élections en Libye. Tout le monde affirme la nécessité également de tenir les élections dans les plus brefs délais et sous la supervision d’une autorité exécutive neutre qui donne la priorité aux intérêts suprêmes de l’État libyen. Les élections présidentielle et parlementaires étaient initialement prévues pour décembre 2021 conformément à un plan parrainé par l’ONU. Une énième tentative du seigneur de la guerre Khalifa Haftar de s’emparer du pouvoir par la force a cependant tout remis en cause. Mais depuis, la situation semble avoir évolué dans la bonne direction.
La Chambre des représentants a d’ailleurs vite fait de publier le 13e amendement de la déclaration constitutionnelle au journal officiel. Comprenant 34 articles, l’amendement définit les contours du nouveau système politique libyen ainsi que les tâches du président et du premier ministre. Le nouvel amendement fixe également les pouvoirs et les tâches de l’autorité législative. Il reste maintenant au Haut conseil d’Etat d’adopter le texte amendé. L’institution qui fonctionne comme un sénat devait l’examiner et procéder à son adoption dimanche. La séance n’a cependant pas eu lieu faute de quorum. Donc rien n’est encore réellement acquis puisque 54 membres du conseil qui compte 200 sièges ont publié une déclaration commune rejetant l’amendement constitutionnel. Samedi, le président du HCE, Khaled Mechri, a déclaré que l’amendement constitutionnel « est le résultat de longues consultations » avec la Chambre des représentants, une manière sans doute de signifier aux sénateurs réfractaires qu’il n’est pas possible d’obtenir mieux ou plus.
En janvier, rappelle-t-on, le président de la Chambre des représentants libyenne Aguila Saleh et le président du Conseil supérieur d’État Khaled Al-Mishri ont eu des entretiens au Caire, où ils ont convenu d’établir une feuille de route « claire et précise » afin d’organiser les élections. Au cours de la réunion, les dirigeants libyens ont publié une déclaration commune dans laquelle ils se sont mis d’accord sur l’élaboration d’une feuille de route qui assure la réalisation de toutes les mesures requises pour mener à bien le processus électoral, y compris celles liées aux bases, aux lois, aux mesures exécutives et à l’unification des institutions.
La rencontre entre les deux responsables n’a été rendue possible que grâce aux pressions internationales et en particulier celles des Etats-Unis qui se sont davantage intéressés au dossier libyen ces derniers mois. Le directeur de la principale agence de renseignement américaine (CIA), William Burns, s’y est d’ailleurs déplacé dernièrement pour convaincre les protagonistes de la crise de hâter la sortie de crise. Washington a surtout mis la pression sur Khalifa Haftar qui est accusé de faire obstruction à la tenue d’élections et d’employer des mercenaires dans ses milices armées, en particulier des éléments de la société militaire privée russe Wagner. C’est grâce aux mercenaires dont beaucoup sont originaires du Soudan, du Tchad et du Niger que Khalifa Haftar contrôle l’Est et une partie du sud de la Libye. Son effort de guerre est financé par des pays comme l’Egypte et les Emirats Arabes Unis. La question maintenant est de savoir s’il s’emploiera encore une fois, avec l’aide de ses alliés, à faire dérailler le processus en cours comme il a eu à le faire à de nombreuses reprises. Difficile à dire. Quoiqu’il en soit, il semble bel et bien dans le collimateur des Etats-Unis.
A ce propos, le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, a rappelé samedi qu’il était important que le peuple libyen ait la possibilité d’exprimer ses opinions et d’agir sur ses aspirations par le biais des urnes. Il a révélé sur un ton ferme que les Etats-Unis travaillaient en étroite collaboration avec les autorités libyennes, le représentant spécial du secrétaire général de l’ONU et leurs alliés et partenaires internationaux, pour soutenir cela de toutes les manières possibles. Concernant le rôle de Wagner dans la région, Price a déclaré que l’enracinement de son influence a rendu les pays de la région plus faibles, plus pauvres, plus précaires et moins indépendants, ajoutant que les États-Unis d’Amérique cherchaient à limiter leur influence. Sans nul, la sortie médiatique de Ned Price a valeur d’avertissement. Difficile d’être plus clair.
Khider Larbi