Règlement de la crise libyenne : Nouvelle initiative de l’ONU pour organiser des élections
Les Nations Unies ne sont pas satisfaites du rythme d’avancement du chantier des élections qui doivent permettre à la Libye de sortir de la crise. Pire encore, l’ONU semble avoir quelque peu perdu confiance dans le personnel politique en place.
Le représentant des Nations unies en Libye, Abdoulaye Bathily, vient de parler de la situation en Libye avec des mots extrêmement durs devant les membres du Conseil de sécurité. « Douze ans après sa révolution, les tensions politiques en Libye restent vives et ses dirigeants sont confrontés à une crise de légitimité majeure dans un contexte de frustration généralisée », a-t-il déclaré, annonçant son intention de créer un nouveau mécanisme pour tenir des élections en Libye. « Le processus politique reste long et en deçà des aspirations des Libyens, qui cherchent à élire leurs dirigeants et à revigorer leurs institutions politiques », a soutenu encore le représentant spécial pour la Libye et chef de la mission politique de l’ONU(UNSMIL). « Bref, les Libyens sont impatients », a-t-il souligné, notant qu’ils remettent largement en cause la volonté et le désir des acteurs politiques de tenir des élections inclusives et transparentes en 2023, comme prévu.
Pour M. Bathily, la plupart des institutions de l’État ont perdu leur autorité aux yeux des Libyens ordinaires depuis des années. Et eu égard à l’absence de progrès sur les élections comme un obstacle majeur au progrès, il a annoncé sa décision de lancer une nouvelle initiative visant à permettre l’organisation et la tenue d’élections présidentielles et législatives en 2023. Il a préconisé la mise en place d’un « groupe de pilotage de haut niveau ». Cette nouvelle structure se propose de réunir toutes les parties prenantes libyennes concernées pour faciliter l’adoption d’un cadre juridique, ainsi qu’une feuille de route assortie d’un calendrier pour la tenue d’élections cette année. Il est attendu qu’elle fournisse également une plate-forme pour faire progresser le consensus sur des questions connexes, telles que la sécurité des élections et l’adoption d’un code de conduite pour tous les candidats.
S’agissant du processus de réconciliation en Libye, le Représentant spécial de l’ONU a salué le ferme soutien de l’Union africaine et a appelé à la tenue d’une conférence inclusive à cette fin. « La réconciliation est un processus à long terme qui devrait être inclusif. Il est centré sur les victimes et est fondé sur les droits et les principes de la justice transitionnelle », a-t-il déclaré. Pour ce qui est du cessez-le-feu, Abdoulaye Bathily a fait savoir que celui-ci continue de tenir – sans violation enregistrée depuis son dernier briefing, en décembre. Il a néanmoins averti que la situation sécuritaire de la Libye reste fragile et que les avancées récentes doivent être protégées. Parmi ceux-ci, il a déclaré que la Commission militaire mixte libyenne « 5+5 », qui travaille sur le volet militaire des négociations intra-libyennes depuis plusieurs années, a récemment approuvé les termes de référence de son sous-comité technique mixte sur le désarmement, la démobilisation et la réintégration, un élément clé de l’accord de cessez-le-feu. Il est à signaler par ailleurs que les participants à une récente réunion des voisins de la Libye – à laquelle ont pris part le Soudan et le Niger -, ont convenu de créer un comité de coordination et de partage d’informations, visant à faciliter le retrait des mercenaires et des combattants étrangers du pays.
Réactions contrastées
S’exprimant la semaine dernière lors d’une réunion du Comité de haut niveau de l’Union africaine sur la Libye, à Addis-Abeba, le secrétaire général de l’ONU António Guterres a souligné que l’ingérence extérieure avait alimenté le conflit en Libye. Il a salué la création de ce comité de coordination comme « une étape importante vers plus de stabilité et de paix en Libye et dans la région au sens large », tout en soulignant qu’il n’y a « pas d’alternative aux élections » sur le plan politique.
La Libye est aux prises avec de multiples crises depuis le renversement par les Occidentaux de Mouammar Kadhafi il y a plus d’une décennie. L’ONU s’emploie depuis à soutenir une résolution pacifique de la crise, mais sans y parvenir. En décembre 2021, la Libye a reporté puis annulé des élections présidentielles et parlementaires cruciales, suscitant la déception à l’intérieur et à l’extérieur des frontières du pays. Cette annulation est essentiellement due à l’incapacité des deux principaux camps rivaux qui se disputent le pouvoir à s’entendre sur les moutures finales des différents textes juridiques qui doivent permettre l’organisation d’élections.
À noter que Washington a organisé jeudi dernier une réunion du groupe de contact pour la Libye en présence de l’émissaire onusien. Des représentants de l’Égypte, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Qatar, des Émirats et de la Turquie étaient présents. Le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, avait alors estimé qu’il est important d’organiser le scrutin le plus tôt possible. L’Égypte s’est quant à elle montrée réticente à l’initiative de M. Bathily. Son représentant à l’ONU a estimé que toute proposition doit passer par le Parlement et le Conseil suprême de l’État libyen. Quant à la Russie, elle a mis en garde contre toute précipitation à organiser les élections. Ces réactions contrastées ont pour effet de fragiliser la position du représentant spécial de l’ONU. Dès lors, il n’y a pas à s’étonner si sa proposition tombe très vite à l’eau.
Khider Larbi