Révolution numérique et sécurité nationale : Des défis pour l’Afrique
Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités et expert international.
L’Afrique est confrontée au défi de la maitrise des nouvelles technologies fondement du développement au XXIème siècle.
Les menaces cybernétiques et la mise en œuvre des mécanismes de contrôle constituent aujourd’hui l’une des principales exigences prospectives pour garantir la sécurité nationale dans ses dimensions politique, militaire, économique et sociétale. Aujourd’hui, les menaces sur la sécurité ont pour nom terrorisme, prolifération des armes de destruction massive, crises régionales et délitement de certains Etats. Or, les défis collectifs nouveaux, sont une autre source de menace : ils concernent un monde bipolarisé avec l’accroissement des inégalités et la pauvreté, la raréfaction des ressources hydriques, les épidémies, et les défis liés à l’environnement.
Les NTIC sont un ensemble de technologies utilisées pour traiter, modifier et échanger de l’information, plus spécifiquement des données numérisées grâce à la convergence de l’informatique, des télécommunications et de l’audiovisuel et avec la révolution du nouveau système d’information, nous avons trop d’informations, exigeant à la fois la crédibilité de l’appareil statistique et d’autre part, la sélection opératoire de cette masse d’information, pour s’adapter à la nouvelle révolution mondiale du numérique. La maîtrise du temps étant le défi principal, en ce XXIe siècle, engageant la sécurité nationale et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays. Le développement d’Internet à haut débit, la démocratisation de l’ordinateur et des nouvelles technologies découlent d’une baisse des tarifs proposés par les fournisseurs d’accès et d’une demande de plus en plus présente de la clientèle. Le boom des blogs et des messageries électroniques donne aux TIC une place de plus en plus vaste dans notre société. Cette interaction de l’électronique et de l’informatique explique que les applications des NTIC puissent répondre aux besoins aussi bien des entreprises et de l’Etat que des ménages et des individus. Désormais soumises aux mêmes lois du marché que n’importe quelle autre activité de production marchande, les NTIC constituent, en outre, un secteur où la concurrence se joue directement à l’échelle mondiale. La globalisation des entreprises, des marchés et des circuits de la finance n’a pas seulement impliqué un remodelage des structures économiques et des flux d’échange, elle a aussi conduit à la professionnalisation de la communication et de l’information, ainsi qu’à une intégration de plus en plus poussée des phases de la conception, de la création et de la consommation des produits, parallèlement à la fusion de sphères d’activités jadis séparées, voire opposées. Plus qu’une ouverture vers le grand public les TIC révolutionnent l’organisation interne de l’entreprise, les logiciels de gestion appelés les ERP (Entreprise Ressource Planning) gèrent différentes tâches comme les stocks ou la trésorerie, le travail collaboratif est simplifié grâce à l’utilisation de l’intranet et de la messagerie, le système «wireless» ou «sans fil» maintient un lien permanent avec des collaborateurs en déplacement tout comme la vidéoconférence, tout cela génère un meilleur partage ainsi qu’une meilleure circulation de l’information interne. L’infrastructure de l’Internet s’est répandue autour du monde et a créé un large réseau mondial qui permet aujourd’hui de numériser les informations et de gérer de nouveaux systèmes. L’intégration des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel a donné naissance à la Société de l’information qui fait l’objet d’une attention particulière de la part des Etats et des organisations internationales. Cet intérêt s’est trouvé accru depuis plus d’une décennie en raison des retombées socio-économiques et culturelles des nouvelles technologies de l’information de la communication (NTIC) : la fracture numérique transcende en effet les clivages géographiques et traverse de part en part toutes les sociétés humaines. Tout cela entraîne de nouvelles représentations mentales et sociales. Cela est plus patent au niveau multimédia (TV, vidéo à la demande, GPS, musique…) sur les téléphones portables. Sur le plan macroéconomique, les nouveaux processus mis en place grâce aux TIC ont des conséquences sur l’analyse de la valeur des produits et services, que l’on effectue davantage sur le cycle de vie, lequel a tendance à se raccourcir et influe sur les gains de productivité et la croissance liée à l’introduction des TIC. Les TIC influencent également la recherche scientifique et technique et permettent indirectement de réaliser de nouvelles découvertes qui ont à nouveau un effet macroéconomique. Enfin, les TIC ont un impact dans de nombreux autres domaines comme les loisirs, la culture, la santé, la gestion du temps, les comportements en société. Ainsi, le monde est devenu une grande maison de verre et un acquis pour une plus grande démocratisation et une participation citoyenne à la gestion de la Cité dans la mesure où l’information n’est plus le quatrième pouvoir mais le pouvoir lui-même. Elle a un impact sur le comportement des citoyens, sur la gestion des institutions et des entreprises. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) ont des implications au niveau de la gouvernance politique, la gestion des entreprises et des administrations et a un impact également sur notre nouveau mode de vie renvoyant au savoir et à l’innovation permanente. Politiques, entrepreneurs, citoyens, nous vivons tous aujourd’hui dans une société de la communication électronique, plurielle et immédiate qui nous contraint à prendre des décisions en temps réel. Internet a pratiquement mis en demeure l’entreprise – de quelque importance qu’elle soit – de s’adapter et d’en faire l’usage le plus judicieux et le plus productif. La compétitivité l’obligeant à obtenir ou à donner l’information en temps réel, l’entreprise va en effet investir la Toile et recourir à l’électronique pour faire face à la concurrence et développer ses activités. Les NTIC permettent de mettre en place des modèles d’organisation du travail dont les principales caractéristiques sont la décentralisation et la flexibilité. Le phénomène de délocalisation de l’emploi tient largement de la recherche des gains de productivité et des possibilités offertes par les NTIC aux entreprises, particulièrement à celles qui sont d’une grande envergure : télé-saisie, télétraitement et télémaintenance informatique sont maintenant une réalité de tous les jours.
Intelligence économique
Un des facteurs stratégique , qui façonnera le monde de demain, sera la maîtrise de l’Intelligence économique dont sa gestion est devenue pour une Nation et l’entreprise, avec des incidences sur le comportement du citoyen, l’un des moteurs essentiels de sa performance globale et de sécurité. En pratique, l’intelligence économique est un processus découlant du cycle du Renseignement intégrant deux dimensions supplémentaires par rapport à la veille : la prise de décision et la connaissance de l’information. Le modèle d’Intelligence Économique couvre trois concepts. Nous avons d’abord les données qui sont des nombres, des mots, des événements existants en dehors d’un cadre conceptuel de référence. Ensuite nous avons l’information qui est l’accumulation de données, traitées et transformées qui deviennent des informations, validées et confrontées, qui commencent à avoir un sens. Enfin nous avons la connaissance qui est l’ensemble d’informations interprétées qui permet de prendre des décisions. Les passages par ces trois concepts se font de la manière suivante. Je veux avoir de bonnes informations au bon moment. Pour cela il faut définir des objectifs ; rechercher et collecter des données ; trier et stocker les données et enfin disposer d’informations pertinentes. Comment puis-je rendre l’information utile ? Une fois les objectifs globaux en matière d’information arrêtés, et les missions de recherche, collecte, tri et stockage validées, il faut analyser l’information, exploiter les résultats de manière à faire ressortir les aspects aidant à la prise de décision, impliquant de faire évoluer la gouvernance dans des domaines inextricablement liés , politique, militaire, sécuritaire, social, culturel et économiques pour la prise de décision , le système n’ étant pas figé mais s’adaptant et évoluant dans le temps en fonction des contraintes externes et internes . Pour cela il faut partager l’information, évaluer la qualité et la pertinence des décisions et se remettre en question. Pour faire de l’intelligence économique un véritable avantage concurrentiel, il est indispensable de l’intégrer aux fonctions des différentes institutions l’administration et des entreprises, l’approche processus permettant une meilleure coordination des étapes pour profiter au maximum du gisement informationnel en vue d’actions efficaces du fait d’interactions complexes, une Nation ou une entreprise sera meilleure que ses concurrents si elle possède, avant les autres, les bonnes informations au bon moment afin de créer une asymétrie d’information à son avantage. D’où l’appui pour l’accès aux volumes importants d’informations sur le commerce international détenu par les départements et agences ministériels, les Services de renseignement et de contre-espionnage, mettant en place un service d’information économique au profit des entreprises engagées dans le commerce extérieur. Concernant les retombées technologiques, dans un contexte de mutations complexes influencés tant par des facteurs géostratégiques qu’économiques dans un environnement mondial concurrentiel, beaucoup d’entreprises tentent de soutirer à leurs concurrents des technologies, des fichiers de clients, des secrets commerciaux, des structures de coûts de produits, des spécifications et procédures de fabrication de produits et des plans de développement. Depuis l’apparition des intranets et des extranets, l’information se diffuse plus rapidement et plus largement hors des frontières, acquérant ainsi une telle valeur stratégique que l’enjeu est désormais de se l’approprier. Au-delà des risques techniques qu’imposent les TIC, la sécurisation des données informatiques commence par la sécurisation et la sensibilisation des ressources humaines. Les interceptions de communications ont aussi évolué. Des écoutes téléphoniques ; nous sommes passées aux interceptions des messages électroniques. Lorsqu’un mail est envoyé de façon habituelle, il n’est pas crypté et peut transiter par une dizaine de proxies qui jalonnent le parcours vers sa destination. Or, ces derniers conservent, pour des raisons techniques mais aussi légales, une copie des messages reçus. Les informations contenues dans le corps du message et dans les fichiers joints peuvent donc être lues par autant de responsables de proxies que nécessite le trajet. Les vols de documents ne se produisent pas seulement en accédant, à distance ou non, à un ordinateur ou un serveur, mais également de la façon la plus inattendue par les photocopieuses. Chaque fois que l’on copie un document sur un copieur moderne, une copie est enregistrée sur le disque dur de la machine, étant devenues de véritables centres de stockage. Les copieurs et les machines multifonctions les plus modernes stockent les informations avant de les imprimer, des experts en informatique peuvent récupérer ces informations, d’autant plus que la plupart d’entre elles sont généralement connectées à un réseau, soit via un PC (imprimante partagée), soit grâce à une adresse IP propre.
Quelle conclusion tirer pour l’Afrique ?
Il s’agit donc de repenser tant les relations internationales avec un monde s’orientant vers la multipolarité, que les systèmes d’information pour une Nation, la révolution du numérique étant appelée à modifier le nouveau pouvoir mondial, souvent avec les réseau sociaux qui tendent à façonner les comportements nécessitant une législation mondiale pour lutter contre la désinformation . Pour un outil statistique efficace et crédible, il est souhaitable que les institutions de statistiques ne dépendent pas de l’Exécutif ( étant juge et partie) et comme dans la plupart des pays européens ou aux USA et donc qu’elles soient indépendantes, devant être au service tant du pouvoir, de l’opposition, des entreprises et des centre de recherches et des citoyens, idem pour les institutions de contrôle des deniers publics (voir l’American Herald Tribune du 11 août 2018 (USA) «Dr Abderrahmane Mebtoul : «Algeria Still Faces Significant Challenges» ). Selon la loi de Pareto 80% d’actions mal ciblées que l’on voile par de l’activisme ministériel ont un impact de 20% sur la société ; 20% d’actions bien ciblées ont un impact de 80% et devant tenir compte du facteur temps combinant les paramètres et les variables pour atteindre l’optimum global. Ce qui est paramètres à court terme peut devenir variable à moyen terme, et ce qui est secteur stratégique aujourd’hui peut ne pas l’être demain. Ces centres de recueil des statistiques n’ont pas vocation à évaluer les politiques publiques en cours et que toute latitude est offerte aux autres d’interpréter les chiffres en reconnaissant qu’il serait souhaitable d’une meilleure coordination interinstitutionnelle, entre les diverses et abondantes sources administratives pour plus de cohérence. C’est que tout appareil statistique part des données micro-économiques des administrations et des entreprises en les consolidant au niveau macro-économique. Si l’information de base est biaisée, cela donne des résultats au niveau global certes juste sur le plan du calcul mais qui ne reflète pas la réalité. Et c’est ce que l’on constate malheureusement avec l’effritement du système d’information dans la plupart des pays d’Afrique ou la sphère informelle représente selon les pays entre 50 et 80% du produit intérieur brut (PIB), où en plus les comparaisons sont difficiles car les bases de sondage sont différentes d’un organisme à un autre aboutissant à des données contradictoires devant donc uniformiser les méthodes d’enquêtes qu’elles soient exhaustives ou par sondage. Or, des erreurs de politique économique peuvent se chiffrer à des pertes de plusieurs dizaines de milliards de dollars favorisées par un système de prix incohérent où l’on additionne les prix administrés et les prix du marché, ce qui ne permet pas de cerner la sincérité des comptes et peut donner lieu à la mauvaise gestion, voire à la corruption. Je rappelle pour cas Algérie qu’en tant que directeur général des études économiques et haut magistrat premier conseiller à la cour des comptes, j’avais été chargé par la présidence de l’époque entre 1980/1983 à diriger le dossier surestaries, j’avais suggéré, en relation avec les services des ministères du Commerce, des Finances et de différents départements ministériels concernés, l’urgence de la numérisation pour lutter les surfacturations par l’établissement d’un tableau de la valeur, un système d’information en réseaux et en temps réel entre les entreprises, les ports, la douane, les banques , les services de la fiscalité et reliés aux réseaux internationaux afin de connaître la qualité et les prix en temps réel des marchandises importés produit par produit. En bref, l’Afrique, continent à fortes potentialités, convoitises des grandes puissances a besoin, de sous intégrations régionales et d’une gouvernance globale rénovée, ayant toutes les potentialités pour un développement multidimensionnel mais devant avoir d’une stratégie d’adaptation 2024/2030/2035 face à l’avènement de la quatrième révolution économique mondiale qui se fondera sur le numérique avec le développement de l‘intelligence artificielle et les industries écologiques (la nécessaire transition énergétique) afin de lutter le chômage et les effets néfastes du réchauffement climatique.
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