Protection du patrimoine culturel :Vers une refonte majeure de la loi 98-04
La Commission nationale multisectorielle chargée de protéger le patrimoine culturel matériel et immatériel national a été installée mardi au Palais de la culture Moufdi-Zakaria à Alger.
Présidée par Soraya Mouloudji, ministre de la Culture et des Arts, cette commission a pour mission cruciale d’élaborer une feuille de route visant à prémunir le riche héritage algérien contre les menaces d’usurpation et d’appropriation illégale. Une initiative qui souligne l’engagement résolu des autorités à considérer le patrimoine culturel comme un élément fondamental de la sécurité nationale. La composition de cette commission témoigne de l’approche holistique adoptée par l’Algérie. Réunissant des représentants de ministères clés tels que les Affaires étrangères, l’Éducation, l’Enseignement supérieur, la Communication et le Tourisme, elle intègre également le Conseil supérieur de la jeunesse (CSJ) et l’Observatoire national de la société civile (ONSC). La présence des corps sécuritaires et militaires souligne par ailleurs la dimension stratégique accordée à la préservation du patrimoine culturel.
Au cœur de cette initiative se trouve la volonté de moderniser le cadre juridique existant. La ministre Mouloudji a annoncé que la loi 98-04, pilier de la protection du patrimoine culturel, fait l’objet d’une refonte majeure. « Le texte ayant été modifié à plus de 50%, nous allons sortir avec une nouvelle loi selon les normes législatives », a-t-elle déclaré, marquant ainsi une évolution significative dans l’approche légale de la protection patrimoniale. Cette réforme législative s’accompagne d’actions concrètes sur le terrain. La ministre a évoqué la préparation de plusieurs décrets exécutifs visant à renforcer la protection des biens culturels et la création de secteurs protégés. Un projet ambitieux de classification de 45 sites archéologiques et historiques est également en cours, témoignant de la volonté de l’Algérie de valoriser l’ensemble de son territoire. L’action de la commission ne se limitera pas aux frontières nationales. Une coordination étroite avec le ministère des Affaires étrangères est prévue pour mobiliser la diaspora algérienne dans la promotion du patrimoine culturel lors des fêtes religieuses, nationales et des événements culturels à l’étranger. Cette stratégie vise à faire rayonner la richesse culturelle algérienne au-delà de ses frontières et à renforcer son soft power sur la scène internationale.
10 dossiers de classements à déposer à l’Unesco
L’Algérie affiche également des ambitions importantes sur la scène internationale, notamment auprès de l’UNESCO. La ministre a rappelé le dépôt récent de deux dossiers par an auprès de cette organisation, soulignant que le dossier de la tenue traditionnelle de l’Est algérien sera examiné en décembre 2024, suivi de celui du zellige en 2025. Plus impressionnant encore, Mme Mouloudji a annoncé la préparation de plus de 10 dossiers concernant le patrimoine culturel immatériel pour la décennie à venir, démontrant une stratégie à long terme dans la reconnaissance internationale du patrimoine algérien. Parmi les projets en cours, on note le dépôt prévu en 2025 d’un dossier consacré à l’art de la confection de la tenue kabyle et de la fabrication des bijoux kabyles, soulignant l’importance accordée à la diversité culturelle au sein même du pays. La ministre a également mis l’accent sur l’urgence de rattraper le retard en matière d’inscription du patrimoine culturel matériel au niveau international. Dans cette optique, un atelier national est prévu le 30 septembre, qui verra l’installation d’équipes techniques chargées d’actualiser la liste indicative de l’UNESCO relative au patrimoine culturel matériel de l’Algérie. L’éducation et la recherche ne sont pas en reste dans cette stratégie globale. Une collaboration étroite est envisagée avec les ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur pour intégrer le patrimoine culturel dans les programmes scolaires, activer les laboratoires de recherche et ouvrir des instituts spécialisés au niveau des wilayas. Cette approche vise à sensibiliser les jeunes générations et à former des experts capables de contribuer à la préservation et à la valorisation du patrimoine national. La lutte contre le trafic illicite des biens culturels constitue un autre volet important de l’action de la commission. La collaboration avec les forces de sécurité a déjà porté ses fruits, comme en témoigne la récupération de plus de 30 000 biens culturels à l’intérieur de l’Algérie et de 11 biens à l’étranger au cours des quatre dernières années. Cette initiative ambitieuse de l’Algérie s’inscrit dans un contexte global où la protection du patrimoine culturel devient un enjeu majeur, tant sur le plan identitaire qu’économique. En renforçant son cadre juridique, en mobilisant l’ensemble des acteurs concernés et en s’engageant activement sur la scène internationale, l’Algérie se positionne comme un acteur clé dans la préservation de la diversité culturelle mondiale. La création de cette commission multisectorielle incarne la volonté du pays de protéger, valoriser et transmettre aux générations futures un héritage millénaire, tout en l’utilisant comme un levier de développement et de rayonnement international. L’Algérie démontre ainsi que la sauvegarde du patrimoine n’est pas seulement une question de préservation du passé, mais aussi un investissement crucial pour l’avenir et l’identité de la nation.
Mohamed Seghir