Annulation des accords commerciaux UE-Maroc: Le Parlement européen exhorté à « garantir le respect strict » de la décision
La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) a rendu un arrêt historique invalidant définitivement deux accords commerciaux conclus en 2019 entre l’Union européenne et le Maroc concernant la pêche et l’agriculture. Cette décision marque un tournant décisif dans la longue bataille juridique menée par le Front Polisario, représentant légitime du peuple sahraoui, pour la reconnaissance de ses droits et la protection de ses ressources naturelles.
Dans son jugement, la CJUE a conclu que ces accords ont été « conclus en méconnaissance des principes de l’autodétermination et de l’effet relatif des traités », soulignant l’absence de consentement du peuple du Sahara occidental. Cette décision réaffirme le statut distinct et le droit à l’autodétermination du Sahara occidental, territoire non autonome selon les Nations Unies. L’arrêt de la Cour européenne a suscité des réactions immédiates de la part des organisations de défense des droits du peuple sahraoui. L’Observatoire international Western Sahara Resource Watch (WSRW) a exhorté le Parlement européen à garantir le respect strict de cette décision. L’ONG appelle à une surveillance étroite de la mise en œuvre de l’arrêt par la Commission européenne et les États membres, proposant un processus annuel de révision.
WSRW recommande également au Parlement européen de prendre plusieurs mesures concrètes, notamment , organiser des auditions immédiates dans les commissions compétentes pour évaluer les conséquences pratiques de la décision; demander une évaluation des implications financières de l’arrêt, y compris d’éventuelles demandes d’indemnisation par le peuple sahraoui et les opérateurs économiques de l’UE; exiger un rapport sur les frais de justice encourus par l’UE au cours des années de procédures judiciaires, ouvrir une enquête sur l’impact du « Moroccogate » dans le traitement des dossiers liés au Sahara occidental par le Parlement et investiguer sur les manquements juridiques répétés de la Commission dans la gestion des relations commerciales de l’UE applicables au Sahara occidental.
L’Observatoire insiste également sur la nécessité de tenir la Commission européenne responsable d’avoir « sciemment induit en erreur le Parlement européen et les États membres » sur les accords désormais annulés. WSRW propose en outre l’organisation de missions parlementaires au Sahara occidental et dans les camps de réfugiés sahraouis pour évaluer la situation sur le terrain et les besoins humanitaires. Juan Soroeta Liceras, expert en droit international, qualifie cette décision de « victoire importante » pour le Front Polisario. Il souligne l’importance de la voie judiciaire pour empêcher l’exploitation illégale des ressources naturelles sahraouies, tout en reconnaissant que cette bataille juridique dure depuis 12 ans et pourrait se prolonger encore. Liceras met en avant les progrès réalisés, notamment la reconnaissance par la CJUE du droit du Front Polisario à contester les décisions de l’UE « dans l’intérêt du peuple sahraoui ». Cette reconnaissance juridique renforce la légitimité du Front Polisario en tant que représentant du peuple sahraoui et lui permet de s’opposer à tout accord futur concernant l’exploitation des ressources naturelles sans son consentement. L’expert souligne également l’importance de la distinction faite par la Cour entre le « peuple du Sahara occidental » et la « population » actuelle du territoire, dont une majorité ne serait pas d’origine sahraouie. Cette clarification juridique pourrait avoir des implications significatives pour les futures négociations et accords concernant le territoire. Cependant, Liceras regrette que le référendum d’autodétermination, prévu depuis longtemps, n’ait toujours pas eu lieu, malgré l’achèvement du recensement par la MINURSO il y a près de 15 ans. Il attribue ce retard à la « mauvaise volonté de certains membres permanents du Conseil de sécurité, la France en particulier ». Cette décision de la CJUE s’inscrit dans un contexte plus large de lutte pour la reconnaissance des droits du peuple sahraoui et la résolution du conflit au Sahara occidental.
Pour le Front Polisario et le peuple sahraoui, cette décision représente une étape cruciale dans leur quête de reconnaissance et d’autodétermination. Elle offre un levier juridique important pour contester l’exploitation des ressources naturelles du Sahara occidental et pourrait potentiellement ouvrir la voie à des demandes de compensation pour les années d’exploitation passées.
Lyes Saïdi