L’Algérie revoie sa politique des subventions en révisant les prix du gaz naturel pour les industriels
Par Abderrahmane Mebtoul
Professeur des universités, expert international, ancien directeur des études aux ministères de l’Énergie et de l’Industrie et président de la commission transition énergétique des 5+5+Allemangnee 2019/2020.
L’arrêté du 14 octobre 2024 publié dans le journal officiel numéro 74, concernant la nouvelle politique des prix du gaz applicables aux industriels précise que pour la période 2025-2026, les entreprises dont la consommation annuelle dépasse 200 millions de mètres cubes (m³) devront entrer dans des négociations pour fixer le prix du gaz qui leur sera cédé.
Dans un arrêté en date du 13 octobre 2024, publié dans le journal officiel, le ministère de l’Energie et des Mines annonce la fin des subventions généralisées sur le prix du gaz naturel pour les acteurs industriels nationaux et internationaux reprenant les recommandations de l’étude réalisée sous ma direction en 2008, soit 16 ans après (sous la direction du professeur Abderrahmane Mebtoul assisté des cadres de Sonatrach et du bureau d’études américain Ernst & Young 8 volume 890 pages, MEM Alger, pour une nouvelle politique des carburants, dossier présenté d dossier aux députés APN axée sur une politique des subventions ciblées pour les carburants)
Sonatrach dispose de cinq raffineries de pétrole brut, d’une capacité de traitement de 25 millions tonnes par an et d’une raffinerie de condensat d’une capacité de traitement de 05 millions tonnes par an, le plan de Sonatrach visant à augmenter la production de 500.000 tonnes. C’est dans ce cadre afin de couvrir la consommation locale et exporter que s’inscrit l’instruction du conseil des ministres en date du 07 janvier 2024 «de relancer la raffinerie de Hassi Messaoud » alors qu’en janvier 2020, le groupe Sonatrach avait signé un contrat avec un groupement composé de Tecnicas Reunidas (Espagne) et Samsung Engineering (Corée du Sud) pour la réalisation d’une raffinerie de pétrole au niveau de Haoud El Hamra à Hassi Messaoud. Ce contrat, d’un montant de 440 milliards de DA (quelque 3,3 milliards de dollars au cours de 137 dinars un dollar), porte sur la réalisation d’une raffinerie de pétrole brut à conversion profonde d’une capacité de 5 millions de tonnes/an. Le projet qui accuse un retard devait être exécuté en EPC dans un délai de 52 mois et la livraison du projet était prévue en mars 2024, avec deux ans de garantie, soit mars 2026 pour la réception finale. Cela devait permettre à l’Algérie de renforcer sa production nationale de carburants et lubrifiants et dégager des volumes éventuels pour l’export. Plus précisément, selon les données de Sonatrach, la raffinerie aura spécifiquement vocation à produire sept produits à la norme Euro 5: propane (127 000 tonnes par an), butane (180 000 tonnes/an), essence NO 95 (352 000 tonnes/an), essence NO 91 (1 373 000 tonnes/an), kérosène (228 000 tonnes/an), gasoil (2 659 000 tonnes/an) et bitume (134 000 tonnes/an). 52% des produits issus des raffineries sont destinés pour couvrir les besoins du marché national, notamment en GPL, Essence, Gasoil et Lubrifiants, le reste de la production des raffineries est destiné à l’export comme le Naphta, le Fuel-oil et les Aromatiques. La consommation nationale de carburant s’est élevée à près de 17,7 millions de tonnes en 2022, soit une hausse de 3% par rapport à l’année 2021, devant atteindre les 41 millions de tonnes en 2050, avec une hausse de 3 millions de tonnes par an. La consommation de diesel a atteint 10,1 millions de tonnes en 2022, soit une hausse de 4% par rapport à 2021 alors que la production de diesel est de 9 millions de tonnes par an, la production devant être portée à 12,5 millions de tonnes à l’horizon 2030. Avec l’entrée en production du projet de transformation du fioul en diesel à Skikda en 2028, la production devrait être de près de 4 millions de tonnes.Pour ce qui est de l’essence, la consommation a baissé de 2,26% à 3,3 millions de tonnes en 2022, contre 3,4 millions de tonnes en 2021 du fait de l’accroissement de la consommation du GPLc qui devrait atteindre 6,8 millions de tonnes d’ici 2050, la capacité de production de ce carburant étant estimée en 2022 à 4 millions de tonnes par an, la consommation du GPL, selon le président de l’ARH étant de 1,5 million de tonnes en 2022, contre 1,2 million de tonnes en 2021. S’agissant de la consommation du kérosène, elle a atteint 468.000 tonnes en 2022 contre 297.000 tonnes en 2021, soit une hausse de 58%, la consommation du carburant marin étant de 219.000 tonnes l’année dernière. La consommation du butane et du propane a été de 1,34 million de tonnes en 2022 et celle du bitume 619.000 tonnes en 2022, en baisse de 20%.
L’arrêté du 14 octobre 2024 publié dans le journal officiel numéro 74, concernant la nouvelle politique des subventions applicables aux industriels précise que pour la période 2025-2026, les entreprises dont la consommation annuelle dépasse 200 millions de mètres cubes (m³) devront entrer dans des négociations pour fixer le prix du gaz qui leur sera cédé, ce seuil étant ensuite abaissé à 100 millions de mètres cubes pour la période 2027-2028, puis à 40 millions de m³ à partir de 2029, cette nouvelle ayant pour objectif de stimuler la compétitivité du secteur industriel en permettant aux entreprises de négocier directement avec les fournisseurs et en espérant attirer des investisseurs étrangers en leur offrant un environnement de marché plus flexible et transparent, les ménages et les petites entreprises continuant de bénéficier des subventions existantes. Car la généralisation de subventions ciblées suppose de bien cerner le poids de la sphère informelle plus de 33% de la masse monétaire en circulation en 2023, et donc d’avoir un système d’information en temps réel de la répartition du revenu par couches sociales car le revenu moyen de l’Algérien étant environ 20% de celui de l’européen.( Abderrahmane Mebtoul Institut Français des Relations Internationales IFRI Paris octobre 2013- le poids de la sphère informelle au Maghreb Paris octobre 2013, réactualisé dans le revue Stratégie Ministère de la défense nationale- MDN Algérie – IMDEP Alger octobre 2019 ). En économie, la production étant production de marchandises par des marchandises, tableau d’échanges inter-industriel- il faudra analyser les impacts sur le processus inflationniste de la décision en date du 13 octobre 2024, du Ministère de l’Energie et des Mines qui annonce officiellement la fin des subventions généralisées sur le prix du gaz naturel pour les acteurs industriels nationaux et internationaux qui devrait s’accompagner d’une révision des marges commerciales. Cette politique des carburants implique à l’avenir tant aux opérateurs économiques, aux institutions de l’Etat central et local et aux citoyens de rationaliser leur consommation. Toujours dans le cadre de cette rationalisation, Sonatrach, dans le cadre du Mix énergétique, entend axer sa politique sur la diminution des gaz torchés, la réduction de l’empreinte carbone, être un acteur efficace au sein de la chaîne des valeurs internationales de l’ensemble des énergies. Les prévisions du ministère algérien de l’Énergie en cas de non révision de la politique des subventions des produits énergétiques concernant bon nombre de secteurs énergivores, (sidérurgie, cimenteries) annoncent 80 milliards de mètres cubes gazeux pour la consommation intérieure du fait de la forte pression démographique , plus de 50 millions d’habitants en 2030 , et 100 milliards de mètres cubes entre 2035/2040 remettant en cause le perspectives d’exportation où l’Algérie mise sur une production de 200 milliards de mètres cubes gazeux horizon 2030 , 80 consommation intérieure, 20 devant injecteur cette quantité dans les puits pour éviter leur épuisement et 100 milliards de mètres cubes gazeux d’exportation combinant les exportations par canalisation et le développement du GNL , le ratio étant respectivement de 65/35% où en 2023 , l’Algérie est devenue en 2023, le 2e fournisseur de gaz en Europe avec 19% en 2023 , ambitionnant de porter ce taux à 25/30% / horizon 2030/2035. Ces prévisions sont conditionnées par quatre facteurs. Premièrement, des investissements dans le pétrole/gaz traditionnel ; deuxièmement, la réalisation du gazoduc Nigeria -Algérie d’une capacité de 33 milliards de mètres cubes gazeux /an, toujours en gestation du fait de la position ambiguë du Nigeria, une fois dans les lettres d’intention qui ne sont pas des contrats définitifs, avec l’Algérie et de l’Europe principal client ; troisièmement, sous réserve de la protection de l’environnement de l’exploitation du gaz de schiste dont l’Algérie est le troisième réservoir mondial,une réserve de 19500 milliards de mètres nécessitent des partenariats avec des firmes de renom ; quatrièmement, une plus grande efficacité énergétique et le développement des énergies renouvelables où avec un ensoleillement de 3000 heures de soleil par an), l’objectif est d’ atteindre 35 % de la couverture des besoins intérieurs 2030/2035 avec une partie exportable de 10.000/11.000 MW ( source Ministère Energie ) grâce aux interconnexions ainsi que le développement hydrogène vert et bleu 15% de la couverture des besoins de l’Europe horizon 2035, mais n’oublions pas également l’hydrogène blanc, un montant d’investissement entre 25/30 milliards de dollars ayant été dégagé par le gouvernement algérien.
En conclusion l’objectif stratégique est d’éviter de dépendre d’une ressource éphémère ce qui suppose que les recettes des hydrocarbures permettent d’asseoir une économie diversifiée dans le cadre des avantages comparatifs mondiaux ce qui renvoie aux deux fondamentaux du développement du XXIème siècle, la bonne gouvernance et la valorisation du savoir.