Crédit-Bail: Le constat accablant de la Cour des comptes
La Cour des comptes souligne que le marché de crédit-bail est encore à un stade relativement embryonnaire et à faible croissance. Cependant son potentiel de progression n’en reste pas moins important, si l’on tient compte des besoins d’investissement des entreprises.
La Cour des comptes mis en avant dans son rapport annuel 2024 des lacunes en ce qui concerne le dispositif de financement par leasing à travers le contrôle de l’activité de l’établissement El Djazair Idjar. L’organe de contrôle a posteriori des finances publiques, mais aussi des institutions, des établissements et entreprises publics a effectué un contrôle visant, principalement, l’appréciation des résultats réalisés par l’établissement, financier de crédit-bail « El Djazair Idjar (EDI) » au titre de la période 2020-2022, par référence aux objectifs fixés et aux moyens mis à sa disposition. Ce contrôle a permis, selon le rapport annuel, de relever que plus d’une décennie après sa création, ses activités demeurent réduites à un seul produit, à savoir le leasing financier mobilier, ce qui n’est pas de nature à assurer sa viabilité financière à long terme, indiquant que cette société par actions spécialisée dans le crédit-bail crée, en 2012, pour répondre notamment, aux besoins de financement des petites et moyennes entreprises (PME) qui, bien souvent, ne disposent pas des garanties nécessaires leur permettant d’accéder au crédit bancaire classique. Continuant dans le même sens, la Cour des comptes a relevé que faute d’une stratégie de développement tendant à mettre en œuvre les objectifs énoncés, la part de marché d’El Djazair Idjar, durant la période sous revue, n’a pas dépassé 5% du total des crédits-bails distribués par les établissements financiers.
Par ailleurs, le potentiel de financement considérable qu’offre l’augmentation du capital social de la société, au cours des années 2020 et 2021, devant lui permettre de mobiliser plus de crédits-bails et, pour l’essentiel, sous-utilisé. Ainsi, les faibles niveaux de financement en crédit-bail ont fortement affecté les résultats comptables et la rentabilité.
Cette situation risque, selon la même source, de s’amplifier avec la fin des mesures d’assouplissement temporaires prises par la Banque d’Algérie lors de la pandémie de la Covid-19, sous l’effet d’une montée des risques de crédit nécessitant une augmentation des provisions pour créances douteuses. Et d’ajouter : « les banques publiques ont créé des sociétés de leasing, ou ont pris des participations dans ces sociétés, à l’initiative des pouvoirs publiques, pour conforter leur présence sur le marché du crédit, où il existe une demande potentielle ou non satisfaite de financement des investissements des petites et moyennes entreprises (PME) qui, bien souvent, ne disposent pas des garanties nécessaires leur permettant d’accéder au crédit bancaire classique ».
Plus explicite, la Cour des comptes a soutenu que compte tenu du caractère restreint de ses activités, mesurées en termes de produit net bancaire et par le nombre de clients, la société ne génère pas suffisamment de revenus par elle-même et qu’elle dépend des fonds consentis par ses actionnaires, soulignant au passage que la Cour a constaté que les mesures appropriées n’avaient pas été prises pour la mise en œuvre d’actions concrètes visant à promouvoir les activités de crédit et à élargir la gamme des produits financiers.
Et pour cause, la société conserve un niveau relativement élevé de fonds propres et un excédent de liquidités substantiel, d’où un moindre rendement sur fonds propres et elle n’offre qu’un seul produit de crédit, depuis plus d’une décennie, l’étendue de ses activités est particulièrement restreinte, ce qui n’est pas de nature assurer sa viabilité financière à long terme.
Un marché du crédit-bail embryonnaire
Ce rapport a noté que l’encours total des crédits-bails accordés par les banques et les établissements financiers s’élève à 144,3 milliards de DA en 2021, en régression de 9,1% par rapport à l’année précédente (158,7 milliards DA), soit 0,65% du produit intérieur brut (PIB), 1,5% du montant total des prêts octroyés par le secteur bancaire et 2,3% de l’encours total des crédits à moyen et long terme, tout en soulignant que le marché de crédit-bail est encore à un stade relativement embryonnaire et à faible croissance, son potentiel de progression n’en reste pas moins important, si l’on tient compte des besoins d’investissement des entreprises. Ceci dit, les plans d’action annuels ne fixent pas de calendrier précis et manquent de clarté quant aux mécanismes à mettre en œuvre pour réaliser les objectifs énoncés alors que les programmes opérationnels ne sont pas établis en conformité avec les orientations stratégiques de développement, mais tiennent compte des perspectives commerciales actuelles et des tendances observées sur le marché du leasing.
Outre la faiblesse de l’activité de promotion commerciale, la réalisation de l’objectif commercial dépend du nombre de dossiers rejetés ou classés sans suite, celle de l’objectif relatif à l’approbation est impactée par l’indisponibilité du bien à financer, l’abandon du client, ou encore la suspension temporaire du financement en raison d’un éventuel problème de trésorerie. De plus, les comparaisons entre les prévisions et les réalisations ne fournissent pas d’informations pertinentes en raison du manque de rigueur qui caractérise les méthodes ou les données utilisées et le niveau de crédit-bail accordé aux entreprises demeure relativement faible, affirmant que ce niveau très faible d’activité ne permet pas de générer des profits suffisants, de conquérir des parts de marché et de protéger les investissements de l’établissement. Autrement dit, le volume annuel des crédits distribués à moyen terme, en 2022, a atteint 995 millions de DA, soit plus du double du volume de 2021, mais en deçà du niveau de 1 217 millions de DA atteint à la fin de 2020. Le nombre annuel de clients financés sur la période considérée, a nettement baissé pour passer de 27 clients en 2020 à 24 en 2022. Cette amélioration constatée en 2022 s’explique, selon ce rapport, à la fois par un stock de dossiers d’un montant de 321,8 millions de DA approuvé en 2021 et réalisé en 2022, mais également par l’augmentation significative des opérations d’importation.
Faible rentablilité
Enfin, la Cour des comptes a constaté que la faiblesse des bénéfices réalisés, au cours de la période considérée a impacté les taux de la rentabilité économique et de la rentabilité financière qui étaient extrêmement faibles (aux alentours de 1%), ce qui risque de mettre en péril le développement à moyen terme de la société. A ce titre, elle a invité les responsables de cette société à mettre en œuvre une stratégie de développement, à travers notamment la diversification de la gamme de produits et services de crédit-bail pour une meilleure rentabilité et une plus grande maîtrise du risque de crédit ainsi que la mise à profit du réseau commercial des banques actionnaires pour la promotion et la commercialisation des produits et services de la société.
En outre, les responsables de ladite société se sont engagés, selon ce rapport, à mettre en œuvre une stratégie de développement à travers la diversification de sa gamme de produits pour une meilleure rentabilité et une maîtrise accrue du risque de crédit ainsi que l’élargissement du réseau commercial de l’établissement par différentes initiatives qui incluent principalement une analyse actualisée des besoins du marché, un élargissement de la gamme de produits adaptés aux besoins identifiés, tels que le créditbail pour des équipements spécialisés, les solutions de financement des créations pour les petites entreprises, ou des produits de crédit-bail des technologies proposées dans le cadre des projets portés par les start-up.
A cela s’ajoute, une expansion géographique par l’identification des régions sous-exploitées avec un fort potentiel de croissance pour y établir des représentations régionales, une digitalisation des services en mettant en place des outils numériques pour faciliter l’accès aux représentants régionaux d’El Djazair Idjar au niveau des agences des actionnaires en les dotant des moyens nécessaires pour la bonne prise en charge de la clientèle et le développement de stratégies marketing et de communication avec des campagnes de sensibilisation et ce par l’utilisation des différents canaux des médias sociaux ainsi que des programmes de fidélisation des clients solvables.
Hakim Aomar