L’Algérie consolide sa position sur le marché européen du gaz
Dans un paysage énergétique mondial en pleine mutation, l’Algérie émerge comme un acteur de plus en plus incontournable sur le marché du gaz naturel. Le dernier rapport mensuel du Forum des pays exportateurs de gaz (GECF) pour janvier 2025 met en lumière une reconfiguration significative des flux gaziers vers l’Europe, où l’Algérie se distingue par une performance remarquable, contrastant avec le recul général des autres fournisseurs traditionnels.
Selon les données du GECF, alors que les importations globales de gaz par pipeline vers l’Union européenne ont enregistré une baisse de 10% sur un an, l’Algérie fait figure d’exception notable. Le pays a réussi à augmenter significativement ses exportations, avec une croissance impressionnante de 32% vers l’Italie et de 12% vers l’Espagne par rapport à janvier 2024. Cette progression témoigne non seulement de la fiabilité des infrastructures algériennes mais aussi de la capacité du pays à répondre rapidement aux besoins fluctuants du marché européen. La réorientation des flux gaziers en Europe dessine une nouvelle carte des approvisionnements énergétiques du continent. La Norvège, traditionnellement un fournisseur majeur, a dû opérer des arbitrages stratégiques, réduisant notamment ses livraisons vers la France de 40% sur un mois, au profit d’une augmentation des flux vers le Royaume-Uni et l’Irlande. Cette reconfiguration s’inscrit dans un contexte plus large où la Russie, via le gazoduc Turkstream, a augmenté ses livraisons de 27% sur un an, bien que sa part de marché reste significativement inférieure à ses niveaux historiques. Le marché européen du gaz affiche une résilience notable, maintenant une consommation stable à 42 milliards de mètres cubes en janvier 2025, marquant ainsi un cinquième mois consécutif sans déclin après une longue période de contraction. Cette stabilisation de la demande s’explique par la conjonction de plusieurs facteurs : des températures plus froides que la moyenne saisonnière, une production éolienne et hydroélectrique en baisse, et une demande soutenue dans les secteurs résidentiel et électrique. Cette situation contraste avec d’autres marchés majeurs, comme la Chine, qui a connu en décembre 2024 sa première baisse de consommation en plus de 20 mois, atteignant 37,7 milliards de mètres cubes, soit une diminution de 1,3% sur un an.
Les prix en hausse
L’évolution des prix témoigne également des nouvelles dynamiques du marché. En janvier 2025, le TTF (Title Transfer Facility), référence européenne du prix du gaz, a atteint une moyenne de 14,76 dollars par MMBtu, en hausse de 7% sur un mois. Pour la première fois depuis juin 2023, le TTF s’est négocié à un niveau supérieur aux prix spot du GNL en Asie du Nord-Est, ces derniers s’établissant à 14,11 dollars par MMBtu. Cette prime du TTF a eu pour effet de réorienter les flux de GNL américain vers l’Europe, où les importations ont atteint leur plus haut niveau depuis avril 2023. La situation des stocks européens de gaz mérite une attention particulière. En janvier 2025, ils s’établissaient à 66 milliards de mètres cubes, représentant 63% de la capacité régionale, un niveau nettement inférieur aux 81 milliards de mètres cubes enregistrés l’année précédente. Cette baisse des réserves, combinée à une demande hivernale soutenue, renforce l’importance stratégique des fournisseurs fiables comme l’Algérie. Le marché mondial du GNL connaît également des évolutions significatives, avec des importations globales atteignant 38,9 millions de tonnes en janvier 2025, marquant un léger recul de 0,3% sur un an. Cette baisse, principalement due à un ralentissement de la demande en Asie-Pacifique et en Amérique du Nord, a été partiellement compensée par la hausse des importations en Europe et dans la région MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord).
Les perspectives pour le reste de l’année 2025 dépendront largement des conditions météorologiques et de leur impact sur la demande. Les analystes du GECF soulignent que les fluctuations des prix spot resteront fortement influencées par les variations climatiques.
Demande mondiale de gaz
Les dernières données du GECF révèlent aussi des tendances divergentes dans la consommation mondiale de gaz naturel. Les États-Unis, premier consommateur mondial, ont enregistré une hausse significative de 7% sur un an en janvier 2025, atteignant 111 milliards de mètres cubes. À l’opposé, le marché chinois, traditionnellement moteur de la croissance de la demande mondiale, montre des signes de ralentissement. En décembre 2024, la consommation chinoise a connu sa première baisse en plus de 20 mois, avec un recul de 1,3% pour s’établir à 37,7 milliards de mètres cubes.
Du côté de la production, les ajustements se poursuivent à l’échelle mondiale. Les États-Unis ont renoué avec la croissance en janvier 2025, affichant une progression modeste de 0,5% sur un an, une reprise stimulée par la hausse des prix sur le Henry Hub et la forte demande intérieure. En revanche, la production européenne poursuit son déclin, avec une baisse de 5% sur un an en décembre 2024, atteignant 16,7 milliards de mètres cubes, principalement due à la réduction de la production norvégienne et britannique. La région Asie-Pacifique maintient une croissance modérée de sa production, avec une augmentation de 0,5% sur un an, portée notamment par les efforts de la Chine pour développer ses ressources domestiques.
La divergence des tendances régionales de consommation souligne l’importance croissante de la flexibilité dans l’approvisionnement gazier mondial. Dans ce contexte, l’Algérie, avec ses capacités d’exportation par gazoduc vers l’Europe et ses installations de GNL, dispose d’atouts majeurs pour s’adapter aux évolutions du marché et consolider sa position d’acteur clé dans l’approvisionnement énergétique mondial.
Samira Ghrib