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Essais nucléaires français dans le Sahara algérien: Les exigences de l’Algérie de décontamination « sont légitimes »

Patrice Bouveret, cofondateur et directeur de l’Observatoire des armements, affirme sans ambiguïté que « la demande des autorités algériennes de nettoyer les sites est bien évidemment importante et tout à fait légitime. »

La responsabilité de la France dans la décontamination des sites nucléaires en Algérie

Plus de soixante ans après les premiers essais nucléaires français dans le Sahara algérien, la question de la décontamination des sites reste l’un des points de frictions majeurs des relations franco-algériennes et un défi environnemental considérable. Entre 1960 et 1966, la France a conduit une série d’explosions nucléaires dans le Sud algérien, laissant derrière elle des zones fortement contaminées dont les conséquences sanitaires et environnementales persistent jusqu’à aujourd’hui. Cette question sensible cristallise les tensions entre les deux pays, l’Algérie exigeant légitimement que la France assume ses responsabilités historiques en procédant à la décontamination des sites affectés. La position algérienne sur ce dossier a été clairement réaffirmée par le Président Abdelmadjid Tebboune lors d’un discours historique devant les deux chambres du Parlement en décembre 2024. Sa déclaration était sans équivoque : « Ne nous donnez pas d’argent, mais venez nettoyer les sites que vous avez contaminés. » Cette position a été renforcée par les propos de la ministre de l’Environnement et de la Qualité de la vie, Nadjiba Djilali, qui a explicitement appelé la France à « assumer pleinement ses responsabilités historiques, morales et juridiques dans l’élimination de ces déchets radioactifs. » L’expertise française elle-même, à travers la voix de Patrice Bouveret, cofondateur et directeur de l’Observatoire des armements, valide la légitimité de ces revendications. Dans un entretien accordé à l’APS, il affirme sans ambiguïté que « la demande des autorités algériennes de nettoyer les sites est bien évidemment importante et tout à fait légitime. » Son analyse va plus loin en pointant du doigt le véritable obstacle à la résolution de cette problématique : « Le principal blocage est l’absence de volonté politique des autorités françaises d’assumer concrètement les conséquences de leur politique nucléaire. » La volonté de Paris de se défaire de ses responsabilités se manifeste également dans le cadre juridique mis en place pour gérer les conséquences des essais nucléaires. La loi Morin de 2010, censée permettre l’indemnisation des victimes des explosions nucléaires françaises, s’est révélée être un dispositif particulièrement restrictif. Selon Bouveret, cette loi a « malheureusement parfaitement rempli son objectif, à savoir donner le sentiment d’une prise en compte des conséquences sanitaires des explosions nucléaires réalisées par la France, mais en limitant, autant que faire se peut, le nombre de bénéficiaires d’une indemnisation. » Les chiffres sont éloquents : en Algérie, seules deux personnes ont été indemnisées, un nombre dérisoire au regard de l’ampleur des dégâts causés. Face à cette situation, des solutions concrètes existent pourtant. L’expert français suggère que des avancées significatives pourraient être réalisées par simple décret gouvernemental, notamment en élargissant la liste des maladies ouvrant droit à une indemnisation et en modifiant les critères géographiques définissant les zones concernées au Sahara. Ces mesures administratives permettraient d’améliorer significativement la prise en charge des victimes sans nécessiter de longues procédures parlementaires.

Ouvrir l’accès aux archives

La question des archives constitue également un enjeu crucial dans ce dossier. Leur accès permettrait non seulement de mieux comprendre l’étendue des contaminations mais aussi de faciliter l’identification des zones nécessitant une intervention prioritaire. La transparence sur ces documents historiques représente donc un préalable indispensable à toute action de décontamination efficace. Dans ce sens, la militante des droits de l’Homme, Fatma Zohra Benbrahem, a expliqué dans une déclaration à l’APS que le dossier des explosions nucléaires françaises en Algérie « a évolué au cours des dernières années, car des efforts sont déployés pour lever le voile sur les vérités que la France cherche à dissimuler à travers des rapports fabriquéset falsifiés pour se disculper des crimes qu’elle a commis contre le peuple algérien ».

Elle a souligné l’importance de poursuivre les efforts pour amener les autorités françaises à dévoiler les sites des déchets nucléaires, et les obliger à payer les coûts des dommages causés par ces explosions, précisant qu’il s’agit avant tout de « nettoyer les sites contaminés, de remettre les cartes topographiques correspondantes et de fournir des mesures de soins et des compensations pour toutes les victimes des maladies causées par ces explosions ».

Mme Benbrahem a insisté sur la nécessité d’exiger que soit reconnu le 13 février comme « journée mondiale des victimes des explosions atomiques », outre la tenue d' »une conférence internationale pour obliger les pays pollueurs à dépolluer tous les sites des explosions ». Elle a ajouté qu’elle « poursuivra le combat, surtout face à la persistance de la France dans ses mensonges et les rapports fabriqués de toutes pièces qu’elle publie », soulignant que « tout le monde sait que c’est la France qui a effectué des explosions nucléaires dans le Sahara algérien et il ne s’agissait pas de simples essais ». Pour sa part, le chercheur en histoire, Mohamed Lahcen Zeghidi, a estimé qu’il « est temps que la France assume sa responsabilité pénale concernant ses explosions nucléaires dans le Sahara algérien, qui sont l’un des plus grands crimes contre l’humanité », du fait que la pollution radioactive qui en résulte « ne disparaît pas après un certain temps mais ses effets s’étendent sur des milliers d’années », a-t-il dit. De son côté, le chercheur en génie nucléaire, Amar Mansouri, a appelé à œuvrer à « réfuter les mensonges français concernant les dommages résultant des explosions nucléaires », appelant à poursuivre le combat pour exiger de la France de remettre les cartes topographiques des sites des explosions nucléaires dans le Sud algérien outre le nettoyage des sites pollués et l’indemnisation des victimes. La responsabilité de la France dans ce dossier est multiple : environnementale, sanitaire, mais aussi mémorielle. L’absence de réponse concrète de la part des autorités françaises aux demandes légitimes de l’Algérie continue de peser sur les relations bilatérales, alors même que des solutions techniques et administratives existent.

Amar Malki

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