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L’Algérie à l’avant-garde pour la stabilisation de l’Afrique: La lutte contre la désinformation est « existentielle »

L’Afrique fait face aujourd’hui à une nouvelle forme de menace qui transcende les frontières traditionnelles de la sécurité : la désinformation.  

La thématique a été au cœur des travaux de l’atelier régional du Bureau de liaison pour l’Afrique du Nord du Comité des Services de Renseignement et de Sécurité d’Afrique (CISSA), qui se sont ouverts hier au Centre international de conférences Abdelatif-Rahal à Alger. Placé sous le thème « Les répercussions des fake news et de la désinformation sur la sécurité et la stabilité des États », cet événement témoigne de l’importance croissante accordée par les États africains à cette problématique dans un contexte mondial marqué par la prolifération des informations fallacieuses et leur instrumentalisation à des fins de déstabilisation.

Dans son allocution d’ouverture, le général Rochdi Fethi Moussaoui, directeur général de la documentation et de la sécurité extérieure et responsable de la région Afrique du Nord du CISSA, a souligné la gravité de l’enjeu : « Notre lutte contre la désinformation n’est pas une simple question médiatique, mais une lutte existentielle pour préserver la stabilité de nos États africains », a-t-il indiqué. Le général Moussaoui a insisté sur la dimension collective de ce combat, affirmant qu' »il est de notre devoir à tous de poursuivre l’action commune pour assurer l’avenir de notre continent face à ces graves menaces. » La désinformation est désormais considérée comme une question de sécurité nationale et de souveraineté pour les pays africains. « Ce combat n’est pas un choix, mais une obligation dictée par notre responsabilité historique de protéger nos pays et nos peuples contre les tentatives de déstabilisation et de désintégration », a estimé le patron de la DGDSE, avant de réaffirmer l’engagement de l’Algérie dans cette lutte. « De par son ancrage africain profond, l’Algérie continuera d’être à l’avant-garde de ces efforts, œuvrant pour la stabilité du continent et faisant front uni avec ses frères face à toute menace portant atteinte à notre souveraineté collective », a-t-il souligné.

Se prémunir contre le colonialisme cognitif

Cette préoccupation a été reprise et approfondie par Mme Bakhta Selma Mansouri, secrétaire d’État auprès du ministre des Affaires étrangères, chargée des Affaires africaines. Dans son intervention, elle a dressé un parallèle historique saisissant : « L’Afrique, qui a résisté au colonialisme classique et qui fait face au terrorisme et à l’hégémonie économique, est aujourd’hui appelée à se prémunir contre une nouvelle forme de colonialisme : le colonialisme cognitif, l’aliénation numérique et la manipulation informationnelle. » Mme Mansouri a également souligné la transformation de la nature même de l’information à l’ère numérique : « D’un outil d’éclairage et de conscientisation, l’information s’est transformée, aujourd’hui, en une arme non conventionnelle, utilisée pour désagréger les sociétés, influencer la décision des États et orienter l’opinion publique vers des agendas tendancieux sous couvert de liberté d’expression et d’ouverture numérique. » Cette militarisation de l’information constitue un défi majeur pour les services de renseignement et de sécurité africains. La secrétaire d’État a par ailleurs mis en lumière l’impact concret de ces stratégies de désinformation sur les processus démocratiques du continent : « Ces dernières années, les élections ont été la cible privilégiée des campagnes de désinformation dans plus d’une vingtaine de pays africains. Ces campagnes sont utilisées pour saper la confiance des peuples dans les processus électoraux, semer le doute sur la légitimité des institutions et entraîner le chaos. » Elle a également alerté sur les méthodes employées : « L’expérience sur le terrain nous montre comment les plateformes numériques sont utilisées pour diffuser de fausses nouvelles et salir les symboles nationaux (…) comme cela s’est produit dans plusieurs pays du Sahel. » Face à ces menaces, Mme Mansouri a affirmé que « la bataille de l’information est une bataille pour la souveraineté, la légitimité de l’État et la cohésion des sociétés », ajoutant que « nous faisons face à ce qu’on pourrait qualifier de guerre cognitive, menée par des acteurs non gouvernementaux, parfois pour le compte de certains États, via des réseaux médiatiques, des robots intelligents ou par le biais de faux influenceurs. » Cette caractérisation de la désinformation comme une « guerre cognitive » illustre la gravité avec laquelle les États africains appréhendent désormais ce phénomène.

Pour contrer cette menace, la secrétaire d’État a proposé une stratégie à trois niveaux. Le premier concerne « la vigilance et la coordination informationnelle entre les corps de sécurité, à travers la création d’un mécanisme africain de détection des fake news, basé sur un système d’intelligence artificielle africain, développé par des compétences africaines. » Le deuxième niveau, d’ordre juridique et institutionnel, appelle à « la mise en place d’une charte africaine pour la lutte contre la désinformation à intégrer dans le système de sécurité cybernétique africain. » Enfin, le troisième niveau vise la prévention par « une nouvelle éducation médiatique » impliquant l’ensemble des acteurs sociétaux.

Enfin, le ministre de la Communication, Mohamed Meziane, a souligné que la lutte contre la désinformation « n’est pas la responsabilité d’un seul État, mais une bataille commune qui nécessite une coordination permanente et continue entre les pays africains et un échange efficace d’informations entre les organismes de sécurité spécialisés et les institutions médiatiques ». Dans cette perspective, Meziane a appelé à « renforcer les législations nationales et internationales pour lutter contre les fausses informations et garantir la responsabilisation des parties qui en sont à l’origine », ainsi qu’à « créer une plateforme africaine de lutte contre la désinformation comprenant des experts en médias sécuritaires et en technologie, travaillant à proposer des solutions pratiques pour faire face à ces dérives et ce phénomène ». Il a également exhorté à « investir dans la sensibilisation sociétale, particulièrement auprès des jeunes, pour faire face aux fausses informations sur les plateformes de réseaux sociaux, qui doivent être combattues sur le plan sécuritaire et médiatique, et à renforcer la culture de vérification et de confirmation des informations correctes ».

Salim Amokrane

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