Culture

Patrimoine: La Saoura, une merveille sous protection nationale

Dans les vastes étendues sahariennes du sud-ouest algérien, un nouveau joyau vient d’être serti dans l’écrin du patrimoine culturel national.

L’inscription du parc culturel de la Saoura, au registre du patrimoine culturel national, marque une étape décisive dans la préservation d’un héritage millénaire aux multiples facettes. Cette reconnaissance officielle, fruit d’une volonté politique affirmée au plus haut niveau de l’État, vient couronner des années d’efforts pour sauvegarder l’un des patrimoines les plus riches et diversifiés du Grand Sud algérien. Sous la supervision attentive du ministre de la Culture et des Arts, Zouhir Ballalou, cette mesure de protection concerne désormais un territoire aux dimensions impressionnantes, s’étendant sur plus de 92.014 hectares. « Ce classement concerne des territoires allant de la région d’Oued-Lakhdar, au nord de Bechar, à celle de Ksabi, au sud de Béni-Abbès, » précise le Dr Lahcen Tourki, directeur de la Culture de la wilaya de Bechar, qui nous a accordé ces précisions en marge des célébrations du mois du patrimoine, période particulièrement symbolique s’étendant du 18 avril au 18 mai.

La richesse de ce nouveau parc culturel réside dans la profondeur temporelle de son patrimoine, qui traverse littéralement les âges. « La composante du parc s’étale de l’âge de pierre à l’architecture en terre traditionnelle ksourienne, » souligne le directeur, évoquant ainsi des millénaires d’histoire humaine condensés dans ce territoire saharien. Cette démarche de classement s’inscrit dans une « approche organique visant à protéger, conserver, valoriser et enrichir le patrimoine culturel matériel et immatériel et la biodiversité » de cette région aux multiples trésors.

Parmi les joyaux que recèle ce nouvel espace protégé figurent « une multitude de stations de gravures rupestres, » véritables témoignages de l’ingéniosité humaine préhistorique, dont les plus remarquables se trouvent à Marhouma dans la wilaya de Béni-Abbès, ainsi qu’à Taghit, Abadla et Rosf-Ettayba dans la wilaya de Bechar. Ces gravures, dont certaines remontent à plusieurs millénaires, constituent un témoignage inestimable sur les modes de vie, les croyances et l’environnement naturel des premières populations ayant habité ces contrées désertiques. Mais l’histoire plus récente n’est pas en reste dans ce conservatoire à ciel ouvert. Hamid Nougal, Conservateur du patrimoine culturel à la direction de la Culture et précédemment membre du comité chargé du projet de création de cet espace culturel, attire notre attention sur « la grotte millénaire de Laghrota, ayant servi comme cache et poste de commandement à l’Armée de libération nationale » durant la guerre d’indépendance. Ce lieu chargé d’histoire rappelle le rôle stratégique qu’ont joué ces régions sahariennes dans la lutte pour la souveraineté nationale.

Ce nouveau parc culturel vient enrichir un réseau déjà impressionnant d’espaces similaires qui couvrent désormais une superficie totale de 1.042.557 km², soit près de 44% du territoire national. Ce maillage patrimonial, regroupant 151 communes réparties sur dix wilayas du Sud algérien, comprend déjà les prestigieux parcs culturels de l’Ahhagar, du Tassili-N’Ajjer, de l’Atlas Saharien, de Tindouf et du Touat-Gourara-Tidikelt, faisant de l’Algérie l’un des pays les plus proactifs en matière de protection de son patrimoine saharien.

La dimension architecturale traditionnelle constitue un autre pilier majeur de ce patrimoine désormais protégé. Le parc culturel de la Saoura « comprend comme remarquable patrimoine matériel 76 Ksour, dont trois classés au registre national du patrimoine matériel, en l’occurrence ceux de Béni-Abbes, Taghit et Kenadza, » détaille Hamid Nougal. Ces citadelles de terre, chefs-d’œuvre d’adaptation à l’environnement désertique, témoignent du génie architectural des populations locales qui ont su développer des techniques de construction parfaitement adaptées aux contraintes climatiques extrêmes.

La biodiversité préservée

Au-delà de sa dimension culturelle et historique, ce classement représente également une avancée majeure pour la préservation de la biodiversité régionale. La Saoura abrite en effet « une flore considérable composée de plus de 200 espèces végétales, dont une vingtaine endémique à la région, » révèle M. Nougal. Cette richesse floristique exceptionnelle s’accompagne d’une faune non moins remarquable, spécifique aux zones arides et semi-arides, avec pas moins de « 107 espèces d’oiseaux » répertoriées, parmi lesquelles le Tadorne Casarca, l’Héron cendré, le Flamant rose, le Foulque Macroule, la Sterne Henzel, le Goéland Leucophée, la Pie Guereche, le Traquet à Tête Blanche et le Sirli du désert.

Le parc culturel nouvellement créé ne se limite pas à la préservation du patrimoine matériel et naturel. Il englobe également les trésors immatériels de la région, qui se déclinent en « une diversité de facettes, notamment poétique avec le Melhoun, musicale avec le Diwane, la Maya, les chants religieux traditionnels et autres chants populaires et traditionnels, chorégraphique et d’autres expressions corporelles, à l’exemple des danses Houbi, danse du Baroud, danse de Karkabou, » et bien d’autres expressions artistiques traditionnelles des régions de Bechar et Béni-Abbès, comme le soulignent les responsables de la direction de la Culture et des Arts.

Cette mesure de mise en place du parc culturel s’inscrit résolument « dans le cadre du souci permanent des hautes autorités de sauvegarde du patrimoine culturel national et ses différentes composantes, matérielles et immatérielles, » témoignant ainsi d’une vision intégrée de la préservation patrimoniale. À l’heure où les défis environnementaux et les mutations sociales menacent tant d’aspects de notre héritage commun, cette initiative apparaît comme un modèle de gestion durable des ressources culturelles et naturelles.

En définitive, le parc culturel de la Saoura est appelé à devenir, « de par son caractère exceptionnel, un outil efficace de protection et de préservation du patrimoine culturel des deux wilayas du Sud-ouest du pays. » Au-delà de sa mission conservatoire, il constituera également « un espace propice à la connaissance scientifique de ses composantes et un moyen pédagogique efficace pour la sensibilisation du public à l’intérêt de la sauvegarde et à la pérennisation du patrimoine culturel de la Saoura. » Une vocation éducative et scientifique qui promet de faire de ce territoire un laboratoire vivant pour les générations futures, conjuguant harmonieusement préservation du passé et construction de l’avenir.

Mohand Seghir

admin

admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *