Algérie-Mauritanie : un axe stratégique
Le Forum économique algéro-mauritanien qui s’est tenu vendredi à Nouakchott a confirmé l’ambition des deux pays de transformer leurs relations économiques en véritable partenariat stratégique continental. Organisé en marge de la 7e édition de la Foire des produits algériens, cet événement a réuni plus de 200 entreprises algériennes et leurs homologues mauritaniennes, témoignant d’une dynamique économique bilatérale en pleine expansion.
Le ministre du Commerce intérieur et de la Régulation du marché national, Tayeb Zitouni, envoyé spécial du président Abdelmadjid Tebboune, a posé les bases conceptuelles de cette nouvelle approche lors de son intervention. « La coopération avec la Mauritanie n’est pas une option conjoncturelle, mais plutôt un enjeu stratégique », a-t-il déclaré, précisant que cette collaboration constitue « un maillon essentiel de la nouvelle vision de l’Algérie pour la refonte de ses relations économiques afro-maghrébines sur des bases plus équitables et réalistes ». Cette vision s’inscrit dans la stratégie algérienne de diversification économique et d’ouverture vers l’Afrique atlantique et la région du Sahel, dont la Mauritanie représente « un portail important ».
L’audience accordée par le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani au ministre du Commerce a d’ailleurs permis de concrétiser cette volonté politique commune. Le chef d’État mauritanien a exprimé « sa fierté des relations stratégiques et privilégiées qui unissent les deux pays voisins » et son souhait de voir les relations économiques s’élever au niveau des relations politiques distinguées. Cette rencontre a souligné la convergence des deux pays sur la nécessité d’intensifier la coordination entre leurs ministères du Commerce, notamment dans les domaines de la protection du consommateur et de l’organisation des registres de commerce.
Le Forum a aussi été l’occasion de concrétiser cette ambition à travers la signature de plusieurs accords stratégiques. Trois partenariats d’envergure ont été conclus entre opérateurs des deux pays, illustrant la diversification sectorielle recherchée. Le groupe Saidal a signé un accord avec le groupe mauritanien Chinguitty Pharma pour l’exportation et la distribution de médicaments algériens en Mauritanie et dans les pays d’Afrique de l’Ouest, ouvrant des perspectives prometteuses pour l’établissement d’un véritable partenariat dans la fabrication de médicaments destinés à la région. La Compagnie nationale de navigation maritime CNAN Algérie a conclu un partenariat avec l’entreprise mauritanienne Manu-Port pour développer les services maritimes entre les deux pays, tandis que la société Faderco a signé un accord de distribution de produits d’hygiène avec l’entreprise Ibdaâ.
Ces accords commerciaux ont été complétés par la signature de deux mémorandums d’entente officiels entre les ministères du Commerce des deux pays. Le premier porte sur le renforcement de la coopération dans les domaines de la protection du consommateur, de la lutte contre la fraude et du contrôle de la qualité des produits. Le second concerne la modernisation et la mise à jour du système du registre du commerce, témoignant de la volonté d’harmonisation des pratiques commerciales.
Zitouni a souligné, dans ce sens, la nécessité de développer « la complémentarité économique entre l’Algérie et la Mauritanie, notamment dans les domaines des industries agroalimentaires et pharmaceutiques, des matériaux de construction, des énergies renouvelables et des services logistiques ». Cette approche vise à dépasser la simple logique d’échanges commerciaux pour s’orienter vers la création de valeur ajoutée commune, comme l’a souligné le vice-président du Conseil du renouveau économique algérien, Mohamed Daas, qui a insisté sur l’importance de « s’orienter vers la production et l’investissement conjoints, au-delà de l’échange commercial, afin de créer des emplois et d’accéder à de nouveaux marchés ».
Zitouni a également invité les Mauritaniens à développer le tourisme vers l’Algérie, notamment le tourisme médical, appelant à augmenter le nombre de vols entre les deux pays. Il a réitéré « l’engagement de l’Algérie à accompagner les opérateurs économiques algériens et mauritaniens à aplanir les difficultés, et à élargir les perspectives vers une véritable intégration Maghreb-Afrique ».
Cette dynamique s’inscrit dans une transformation plus large de la diplomatie économique algérienne. Zitouni a précisé que « cette étape témoignait de la transformation de la volonté de coopération en projets concrets, avec des indicateurs mesurables, constituant ainsi un terrain fertile pour un nouveau modèle de partenariat Maghreb-Afrique mutuellement bénéfique ». La Foire des produits algériens à Nouakchott est devenue, selon lui, « une tradition stratégique ancrée, exprimant une vision politique et économique qui va au-delà de la simple forme de la Foire, pour s’étendre vers un fond effectif consacrant les fondements de la coopération et conférant à l’action économique sa dimension souveraine ».
Les perspectives tracées lors de ce Forum dessinent les contours d’un axe économique algéro-mauritanien appelé à jouer un rôle moteur dans l’intégration régionale africaine et maghrébine, confirmant la volonté des deux pays de faire de leur partenariat un modèle de coopération Sud-Sud efficace et durable.
Salim Amokrane