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Blanchiment d’argent : L’immobilier sous la loupe !

L’Algérie resserre l’étau autour des transactions immobilières suspectes avec la publication d’un nouveau règlement au Journal officiel qui place les agents immobiliers en première ligne de la lutte contre le blanchiment d’argent. Cette mesure, approuvée par le ministre de l’Habitat Mohamed Tarek Belaribi le 21 mai dernier, s’inscrit dans une stratégie nationale ambitieuse visant à sortir le pays de la liste grise du Groupe d’action financière internationale (GAFI).

Le secteur immobilier, longtemps considéré comme l’un des principaux vecteurs de recyclage des capitaux illicites en raison de la valeur élevée des biens et de l’opacité de certaines transactions, fait désormais l’objet d’une surveillance renforcée. Les nouvelles dispositions transforment radicalement le rôle des professionnels de l’immobilier, qui deviennent de véritables sentinelles dans la détection des flux financiers suspects. Cette responsabilisation constitue un tournant majeur dans l’approche algérienne de la lutte contre la criminalité financière.

Concrètement, les agents immobiliers doivent désormais procéder à une évaluation approfondie des risques de blanchiment en analysant systématiquement le profil de leurs clients, la nature des opérations proposées et les zones géographiques concernées. Cette démarche d’évaluation, qui doit s’appuyer sur les rapports nationaux et les analyses de l’État, constitue un préalable obligatoire à toute relation d’affaires. Les résultats de ces évaluations doivent être documentés, régulièrement mis à jour et tenus à la disposition du ministère de l’Habitat ainsi que des autorités compétentes.

La réglementation impose également l’élaboration d’un programme écrit de prévention comprenant des politiques strictes, des procédures détaillées et un système de contrôle interne robuste. Ce programme, qui doit être révisé annuellement, vise à créer une culture de vigilance au sein des agences immobilières, tout comme c’est le cas dans les institutions financières.

Les comptes anonymes interdits

L’interdiction formelle des comptes anonymes ou fictifs accompagne ces mesures préventives, obligeant les professionnels à mettre en place des mécanismes efficaces d’identification et de vérification de l’identité de leurs clients avant tout engagement commercial.

Cette évolution réglementaire s’inscrit dans un contexte plus large de modernisation du dispositif anti-blanchiment algérien. Depuis octobre 2024, les autorités ont accéléré leurs efforts pour se conformer aux recommandations du GAFI, organisation qui surveille les juridictions présentant des défaillances stratégiques dans leurs systèmes de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Le Premier ministre Nadir Larbaoui a récemment examiné un avant-projet de loi visant à renforcer l’arsenal juridique national, témoignant de la priorité accordée à ce dossier au plus haut niveau de l’État. La stratégie nationale 2024-2026, élaborée avec l’ensemble des secteurs concernés, prévoit une approche coordonnée impliquant tous les acteurs économiques. Les institutions financières ont déjà été mobilisées avec le règlement de la Banque d’Algérie imposant des programmes écrits de prévention adaptés aux risques spécifiques de chaque établissement. La Commission d’observation et de surveillance des opérations de la Bourse a également publié ses propres directives, validées par la Cellule de traitement du renseignement financier.

L’immobilier bénéficie d’une attention particulière en raison de sa vulnérabilité aux opérations de blanchiment. L’application de l’article 207 de la loi de finances, qui impose le passage obligatoire par les canaux bancaires pour toutes les transactions immobilières, complète le dispositif en éliminant l’usage des espèces dans ce secteur sensible. Cette mesure, combinée au plafonnement des exportations de devises à 7500 euros par an et à l’interdiction des paiements en liquide pour l’achat de yachts et véhicules neufs, dessine les contours d’une économie plus transparente.

Les notaires, également mobilisés dans cette lutte, ont l’obligation de signaler directement à la Cellule de traitement du renseignement financier toute opération suspecte, créant un maillage de surveillance étendu autour des transactions immobilières. Cette approche globale, qui responsabilise chaque maillon de la chaîne immobilière, vise à dissuader les tentatives de recyclage des capitaux illicites tout en préservant la dynamique du secteur. Hocine Fadheli

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