Notre diaspora n’est pas une monnaie d’échange !
La lettre d’Emmanuel Macron adressée mercredi 6 août à son Premier ministre, annonçant la suspension des visas de type D pour tous les demandeurs algériens, suscite une vive réaction de la part des représentants de la communauté algérienne en France. Cette mesure, accompagnée de l’activation du mécanisme « Levier-Visa-Réadmission », marque une escalade préoccupante dans les relations franco-algériennes. Le député de l’émigration Abdelouahab Yagoubi exprime sa « profonde préoccupation » face à cette « escalade récente » qui touche particulièrement les dossiers de l’immigration et de la coopération consulaire. « Notre communauté n’est pas une monnaie d’échange », martèle-t-il, rappelant que les Algériens résidant légalement en France constituent « un pont humain et historique entre nos deux pays ». Le parlementaire dénonce fermement ces « sanctions collectives » qui instrumentalisent une population dans des tensions politiques qui la dépassent. Les mesures annoncées pénalisent particulièrement les étudiants et les familles en quête de regroupement, violant selon le député les accords bilatéraux et internationaux existants. Ces décisions renforcent un sentiment d’injustice au sein d’une communauté déjà fragilisée par les discours stigmatisants. L’activation du mécanisme de rétorsion sur les visas illustre une approche punitive qui privilégie la confrontation au dialogue constructif.
De son côté, le MOUDAF (Mouvement Dynamique des Algériens en France) dénonce une « dérive stigmatisante et unilatérale » dans un communiqué adopté suite à la publication de la lettre présidentielle. L’organisation pointe du doigt le caractère public de cette correspondance, qui « alimente dangereusement les amalgames et légitime les discours stigmatisants à l’encontre de millions de Franco-Algériens ». Cette stratégie de tension est jugée contraire à l’intérêt des deux peuples.
Le MOUDAF établit un lien direct entre les « sorties répétées du ministre de l’Intérieur contre l’Algérie » ces derniers mois et cette radicalisation assumée par l’Élysée. Loin d’être des dérapages isolés, ces déclarations trouvent aujourd’hui leur validation dans un geste politique assumé par le chef de l’État. Cette escalade verbale et administrative s’inscrit dans un climat électoral particulier, à l’approche des municipales de mars 2026 et de la présidentielle d’avril 2027, où l’immigration et l’Algérie sont utilisées comme arguments de campagne. Concernant les cas individuels de Boualem Sansal et Christophe Gleizes, invoqués pour justifier ces mesures, le MOUDAF rappelle que le respect de la souveraineté judiciaire constitue une règle élémentaire dans les relations entre États. Aucun pouvoir exécutif ne peut s’arroger le droit d’utiliser des cas particuliers comme levier diplomatique, transformant la justice en instrument de pression politique.
Les représentants de la communauté algérienne insistent sur la nécessité d’une « réciprocité constructive » de la part de l’Algérie, tout en appelant à l’association des députés de la communauté dans les décisions concernant les accords consulaires, les visas et la politique migratoire. Le MOUDAF tient à rappeler que la diaspora algérienne, forte de plusieurs millions de femmes et d’hommes, s’investit pleinement dans toutes les strates de la société française, de la santé à l’enseignement, du monde associatif à l’économie, des arts à la recherche. « Elle n’est ni un problème, ni une menace, mais une richesse commune », souligne l’organisation, qui appelle à « une coopération réciproque, lucide et respectueuse, loin des logiques de chantage ou d’intimidation ». Les deux convergent vers un appel à l’apaisement et au dialogue responsable, basé sur le respect mutuel et la résolution des différends par les voies diplomatiques. Car les liens humains et historiques entre les peuples algérien et français « ne peuvent être effacés du jour au lendemain », rappellent-ils avec force.
Chokri Hafed