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Les bus sont-ils devenus un danger sur les routes ?

Les bus de transports en commun sont-ils devenus un véritable danger sur les routes. La question préoccupe dans la mesure où moins de 48 heures après le drame d’Oued El Harrach, un nouvel accident impliquant un bus a fait dimanche trois morts à Ain Defla.

Une série d’accidents tragiques impliquant des autobus de transport public relance avec acuité le débat sur la sécurité du transport collectif en Algérie. Dimanche matin, trois personnes ont trouvé la mort et trente et une autres ont été blessées dans une collision entre un bus et un camion sur l’autoroute Est-Ouest dans la wilaya d’Aïn Defla. Cet accident, survenu vers 4h40 au niveau de la région de Sidi Abed, commune d’Aïn Soltane, a mobilisé plus de cinquante agents de la Protection civile, huit ambulances, trois camions d’incendie et cinq véhicules de liaison pour secourir les victimes transportées vers l’hôpital de Khemis Miliana. Le même jour, un second accident s’est produit à Tizi-Ouzou où huit passagers d’un minibus ont été blessés lors d’un dérapage survenu à midi trente-cinq dans le village Tahachat, commune de Tizi Ghenif. Ces nouveaux drames s’ajoutent à une liste macabre qui ne cesse de s’allonger, ravivant les interrogations sur les causes structurelles de cette hécatombe routière. Les statistiques récentes dressent un panorama alarmant de l’insécurité routière dans le secteur du transport public, d’autant plus que plusieurs accidents mortels impliquant des moyens de transport en Commun ont été recensés ces dernières années et certains exemples sont marquants. En juillet 2023, trente-quatre personnes avaient perdu la vie près de Tamanrasset dans un accident suivi d’incendie impliquant un autocar. En août 2022, neuf passagers sont morts dans une collision entre un bus et un camion-citerne sur la route nationale reliant Ouargla à Illizi. Ces tragédies récurrentes témoignent d’une crise systémique qui dépasse les incidents isolés pour révéler des dysfonctionnements profonds du secteur.

Selon les données officielles de la Délégation Nationale à la Sécurité Routière, les accidents de la route ont causé la mort de 3740 personnes et fait 35556 blessés en 2024, soit une augmentation respective de 3% et 4% par rapport à 2023. Cette progression inquiétante s’explique par plusieurs facteurs interdépendants qui fragilisent la sécurité du transport collectif. Le facteur humain demeure la cause principale de ces accidents. Lahcène Boubeka, responsable par intérim de la DNSR, révélait en novembre dernier que le facteur humain est impliqué dans 96% des accidents de la route. Le ministre des Transports, Saïd Sayoud, confirme cette analyse en déclarant vendredi que « 90% des accidents de bus sont liés à l’excès de vitesse ». Cette prépondérance du comportement humain dans la genèse des accidents souligne l’importance des conditions de travail des conducteurs professionnels.

La fatigue constitue un fléau majeur dans ce secteur. Les conducteurs de bus subissent des horaires de travail longs et irréguliers qui diminuent leur vigilance, particulièrement lors des déplacements nocturnes. Les manœuvres dangereuses, l’excès de vitesse et le non-respect des règles de circulation résultent souvent de la pression exercée sur les chauffeurs pour respecter des délais serrés, au détriment de la sécurité des passagers. La vétusté du parc de véhicules aggrave considérablement les risques. La moyenne d’âge des autobus circulant en Algérie s’établit à quinze ans, avec des véhicules dont l’entretien souffre de pénuries récurrentes de pièces de rechange. Cette situation génère des défaillances mécaniques susceptibles de provoquer des accidents graves. Le gouvernement a annoncé le renouvellement de plus de 84000 bus par étapes, conformément aux instructions présidentielles ordonnant le retrait des véhicules âgés de plus de trente ans.

Quelles solutions

L’infrastructure routière constitue un autre facteur de risque. La DNSR a recensé 409 points noirs au niveau national en 2023, dont seulement 215 ont été traités. Les tronçons dangereux nécessitent des aménagements importants, mais leur résorption dépend de la volonté des walis d’inscrire les opérations nécessaires dans leurs programmes d’équipement. La gravité spécifique des accidents de bus tient à leur capacité de transport. Contrairement aux véhicules légers, un autobus transportant quatre-vingts personnes transforme chaque accident en drame collectif avec un nombre élevé de victimes. Cette réalité impose des mesures de prévention renforcées adaptées aux spécificités du transport public.

Les solutions préconisées par les experts convergent vers plusieurs axes prioritaires. L’équipement des véhicules de transport en commun avec des chronotachygraphes, appareils électroniques enregistrant la vitesse et les temps de conduite, représente une nécessité urgente. Ces « mouchards » permettraient un contrôle effectif du respect des réglementations.

L’obligation d’avoir deux chauffeurs à bord des autocars effectuant de longs trajets constitue une mesure indispensable pour lutter contre la fatigue. La mise en place de stations de pesage empêcherait la surcharge des véhicules, facteur aggravant des accidents. L’amélioration des conditions de travail des conducteurs, incluant des périodes de repos adéquates, s’impose également. La maintenance préventive des véhicules nécessite des investissements substantiels et une réorganisation du marché des pièces de rechange. Les entreprises de transport doivent prioritairement garantir la sécurité mécanique de leurs flottes plutôt que de privilégier la rentabilité à court terme. La sensibilisation à la sécurité routière doit cibler simultanément les conducteurs et les passagers. Des campagnes de formation spécialisées peuvent promouvoir une culture de la sécurité et réduire les comportements à risque. Le renforcement des sanctions pénales contre les chauffeurs récidivistes, prévu par le code pénal, doit s’accompagner d’une application rigoureuse de la réglementation.

Hocine Fadheli

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