Culture

« La locomotive du savoir » s’installe dans les tramways : Faire du livre un compagnon du quotidien des Algériens

La ministre de la Culture et des Arts, Malika Bendouda, a lancé mardi à Alger un appel aux associations et clubs de lecture pour qu’ils s’engagent davantage dans la démocratisation de l’accès au livre.

Lors de la rencontre nationale de ces acteurs à la Bibliothèque nationale d’Algérie, elle a annoncé deux projets inédits : « La locomotive du savoir », qui installera des bibliothèques dans les rames de tramway, et « Les lecteurs », un programme télévisé compétitif destiné à former de jeunes champions de la lecture. C’est dans l’enceinte prestigieuse de la Bibliothèque nationale d’Alger que Malika Bendouda a réuni mardi les représentants des associations et clubs de lecture du pays. Face à cette assemblée d’acteurs culturels de terrain, la ministre a dressé un constat lucide sur l’état de la lecture en Algérie, reconnaissant les contradictions d’une politique publique volontariste mais confrontée à des obstacles persistants. Si l’État a déployé des moyens importants pour ériger un réseau de bibliothèques moderne censé séduire tous les publics, force est de constater que le livre peine encore à trouver son chemin jusqu’au lecteur. Dans son allocution d’ouverture, la ministre a rappelé la dimension fondamentale de la lecture dans « la construction de la personnalité et de l’identité socioculturelle », la qualifiant d' »acte civilisationnel lié à l’être humain, et aux facteurs de progrès et de la civilisation ». Au-delà de cette affirmation de principe, Malika Bendouda a pointé du doigt une anomalie structurelle : « malgré le budget conséquent alloué par l’État au livre, les canaux de diffusion restent inefficaces ». Un aveu qui témoigne de la volonté du ministère de rompre avec une approche uniquement institutionnelle pour privilégier désormais l’innovation et la proximité. C’est précisément dans cette perspective que s’inscrit le projet « La locomotive du savoir », dévoilé lors de cette rencontre. Cette initiative originale propose d’équiper les rames de tramway de sept wilayas couvertes par le réseau de livres et publications édités par le ministère de la Culture et des Arts. Une convention a été signée sur place entre la Bibliothèque nationale d’Algérie, représentée par son directeur général Mounir Behadi, et la société d’exploitation des tramways (SETRAM), dont le directeur général Mustapha Bachir Lahmar a paraphé l’accord. Dans une première phase, mille cinquante ouvrages seront mis à disposition des usagers des transports en commun, transformant ainsi le temps du trajet quotidien en opportunité de lecture. L’idée est audacieuse : aller chercher le lecteur là où il se trouve, dans son quotidien, plutôt que d’attendre qu’il franchisse le seuil d’une bibliothèque.

Mais la ministre n’entend pas s’arrêter là. Elle a également annoncé la préparation du lancement du programme « Les lecteurs », une émission télévisée conçue en collaboration avec la Télévision algérienne. Ce format compétitif ambitionne de « créer un cadre de compétition et stimuler la motivation chez les jeunes, pour former des champions de la lecture et des influenceurs actifs ». En misant sur l’attractivité du petit écran et la dynamique du jeu, le ministère espère susciter un engouement populaire autour du livre, particulièrement auprès d’une jeunesse plus familière des écrans que des pages imprimées.

Au cœur de la stratégie ministérielle figure également la reconquête de l’espace public. Malika Bendouda a martelé que « le moment est venu d’aménager l’espace public pour qu’il soit un lieu qui valorise le savoir et la connaissance », invitant les associations et clubs de lecture à « adhérer à cette orientation, avec l’accompagnement du ministère ». Cette vision d’une culture qui sort des murs pour investir la rue, les parcs, les transports, répond à une ambition plus large : faire du livre un objet familier, désacralisé, accessible à tous les instants de la vie sociale.

La rencontre a également permis de mettre en lumière des expériences locales réussies. Des exposés ont présenté le travail du Club de lecture Mohamed Dib de Tlemcen et du Club Enfance heureuse de Ghardaïa, deux initiatives citées en exemple pour leur capacité à animer la vie culturelle de leur région. La ministre a réaffirmé « l’engagement constant du ministère à soutenir la lecture et les acteurs dans ce domaine, tout en appuyant la distribution des livres, et en encourageant la pratique de la lecture dans les espaces publics ». Un soutien qui devrait se traduire par des moyens concrets, même si les modalités pratiques restent à préciser. La cérémonie s’est achevée par la distinction de cinq enfants particulièrement assidus dans les bibliothèques publiques du pays, une manière symbolique de célébrer ces jeunes lecteurs qui incarnent l’avenir de la lecture en Algérie. Au-delà des annonces et des signatures de conventions, c’est bien la question de la transmission qui demeure centrale : comment faire naître et entretenir le désir de lire dans une société où les sollicitations numériques fragmentent l’attention et concurrencent le livre traditionnel.

Mohand Seghir

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