Algérie-Biélorussie : Une dizaine d’accords pour consolider un partenariat stratégique 

La première visite officielle d’un président biélorusse en Algérie intervient trente ans après l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays et témoigne d’une volonté politique commune d’élever la coopération à un niveau supérieur.

Le président de la République Abdelmadjid Tebboune et son homologue biélorusse Alexandre Loukachenko ont coprésidé mercredi la signature d’une dizaine d’accords et mémorandums d’entente couvrant les domaines militaire, commercial, scientifique, agricole et industriel, marquant une étape décisive dans le renforcement des relations bilatérales entre Alger et Minsk. La cérémonie de signature s’est déroulée au siège de la présidence de la République, à l’issue d’entretiens bilatéraux approfondis entre les deux chefs d’État. Parmi les accords conclus figure un accord de coopération militaire et technique signé par le Général d’Armée Saïd Chanegriha, ministre délégué auprès du ministre de la Défense nationale et Chef d’État-Major de l’Armée nationale populaire, et son homologue biélorusse Dmitry Pantus, ministre d’État à l’Industrie militaire. Ce document traduit la dimension stratégique que les deux pays entendent donner à leur partenariat dans un contexte géopolitique marqué par de multiples tensions régionales et internationales.

Le ministre des Affaires étrangères Ahmed Attaf a pour sa part signé avec le ministre biélorusse du Commerce Artur Karpovich une feuille de route ambitieuse pour la promotion de la coopération commerciale, économique, scientifique et technique entre 2026 et 2027. Cette feuille de route constitue le cadre opérationnel qui devra permettre de concrétiser les ambitions affichées par les deux présidents en matière d’intensification des échanges et des investissements croisés.

Un partenariat multisectoriel aux perspectives encourageantes

Les secteurs de la justice, de l’enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l’innovation ont également été au cœur de cette dynamique de coopération renforcée. Le garde des Sceaux Lotfi Boudjemaa et le ministre biélorusse des Affaires étrangères Maxim Ryzhenkov ont signé un mémorandum d’entente entre les ministères de la Justice des deux pays, tandis que le ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique Kamel Baddari et son homologue biélorusse Andrei Ivanets ont paraphé deux documents importants : un accord de coopération dans les domaines de la recherche scientifique, du développement technologique et de l’innovation, ainsi qu’un mémorandum d’entente dans le domaine de l’enseignement supérieur. La dimension économique et industrielle n’a pas été en reste avec la signature par le ministre de l’Industrie Yahia Bachir de plusieurs accords stratégiques. Avec son homologue biélorusse Andrei Kuznetsov, il a signé un mémorandum d’entente portant sur la coopération industrielle, puis avec le ministre biélorusse de l’Agriculture Yuri Gorlov, un accord dans le domaine crucial de la santé animale. Ce dernier a également cosigné avec M. Bachir un mémorandum d’entente dans le domaine agricole au nom du ministère algérien de l’Agriculture, du Développement rural et de la Pêche. Le secteur de l’entrepreneuriat et de l’innovation a été consacré par la signature d’un mémorandum d’entente entre le ministre de l’Économie de la connaissance, des Start-up et des Micro-entreprises Noureddine Ouadah et le ministre biélorusse des Affaires étrangères. Enfin, un mémorandum de coopération entre l’Organisme algérien d’accréditation ALGERAC et le Centre gouvernemental biélorusse d’accréditation est venu compléter cet édifice institutionnel destiné à structurer durablement les relations entre les deux pays.

Positions convergentes sur les dossiers internationaux

Au-delà des aspects bilatéraux, le Président Tebboune a profité de cette rencontre pour réaffirmer les positions de principe de l’Algérie sur plusieurs dossiers régionaux et internationaux sensibles. Dans une déclaration conjointe à la presse aux côtés de son hôte, il a déclaré : « Nous avons passé en revue lors de ces discussions des questions internationales et régionales, et échangé nos points de vue à leur sujet. Concernant la question palestinienne, nous avons rappelé qu’il n’y aura pas de paix au Moyen-Orient sans une solution juste qui restitue au peuple palestinien ses droits sur la base de la légalité internationale, en établissant l’État palestinien indépendant avec Jérusalem pour capitale. »

Sur le dossier libyen, le chef de l’État a réitéré l’appel de l’Algérie à « la nécessité d’une solution pacifique par le consensus et le dialogue entre Libyens, l’organisation d’élections et le rejet de toute ingérence étrangère ». Quant à la question du Sahara occidental, il a souligné que l’Algérie demeure attachée à « une solution politique juste conforme à la légalité internationale, permettant au peuple sahraoui d’exercer son droit inaliénable à l’autodétermination, et au soutien de l’envoyé personnel du Secrétaire général des Nations unies ».

Concernant le conflit russo-ukrainien et ses répercussions régionales et internationales, le Président Tebboune a indiqué que sa vision converge avec celle du président Loukachenko sur « la nécessité de promouvoir le dialogue et les négociations comme moyen d’éviter l’escalade et de parvenir à une solution pacifique fondée sur la coopération internationale et la Charte des Nations unies ».

Se félicitant de cette première visite officielle de haut niveau, le président de la République a souligné qu’elle intervient après deux étapes fondamentales dans les relations entre les deux États : la célébration du 30e anniversaire de l’établissement des relations diplomatiques et la tenue de la première session de la commission gouvernementale mixte à Minsk avec des « résultats encourageants ». Il a révélé que la deuxième session de cette commission se tiendra « dans les prochaines semaines à Alger, offrant une opportunité importante pour élargir et renforcer les domaines de coopération et établir des mécanismes pour surmonter les difficultés, notamment le facteur de l’éloignement géographique ».

Exprimant sa « grande satisfaction » quant aux résultats des discussions, le président Tebboune a précisé : « Nous sommes convenus d’encourager les partenariats et les investissements dans les secteurs de l’agriculture, de la santé, de la santé animale, des industries mécaniques et pharmaceutiques, de l’énergie et de la recherche scientifique. » Il s’est dit « très satisfait » de la signature des nouveaux accords de coopération qui « placent le partenariat entre les deux pays sur une voie prometteuse dans un cadre institutionnel durable ».Le chef de l’État a également exprimé sa satisfaction concernant « les résultats de la rencontre des hommes d’affaires, propice à l’intensification des échanges commerciaux », tout en relevant que le volume des échanges entre les deux pays demeure encore faible et qu’il convient de « valoriser les opportunités d’investissement disponibles dans les deux pays ». Cette franchise témoigne de la volonté des deux parties de transformer rapidement les accords politiques en réalisations économiques concrètes, objectif central de la feuille de route 2026-2027 qui devrait guider l’action des opérateurs économiques et des administrations des deux pays dans les mois à venir.

Salim Amokrane