Nouvelle révision de la loi sur la monnaie et du crédit : Quelle autonomie pour la Banque d’Algérie ?
Le gouvernement planche actuellement sur un nouvel amendement de la loi sur la monnaie et le crédit. Une révision qui doit permettre à la Banque d’Algérie de retrouver de l’autonomie, au fil des ajustements du cadre réglementaire institué en 1990, et qui est considéré, à bien des égards, comme la mère des réformes lancées dans le sillage dans la libéralisation de l’économie nationale.
Le Premier ministre, AïmeneBenabderrahmane, a, une nouvelle fois, insisté mercredi soir sur la réforme du système bancaire et financier. Une refonte à la base de toute rénovation des politiques économiques. La démarche s’appuie principalement sur l’amélioration de la gouvernance du système bancaire, dominé par les banques publiques, afin de lui permettre de jouer pleinement son rôle dans le financement de l’économie, mais aussi et surtout une révision de la loi sur la monnaie et le crédit afin de réhabiliter le rôle de la Banque d’Algérie. Et c’est tout un programme !
Lors de son intervention au Conseil de la nation, le chef de l’Exécutif a précisé que le projet de révision de la loi sur la monnaie et le crédit, qui est d’ailleurs en voie de finalisation, « porte sur l’insertion du principe de mandat pour le gouverneur de la Banque d’Algérie en vue d’assurer une autonomie de la Banque centrale et de réhabiliter le rôle des outils de la politique monétaire dans la réalisation des grands objectifs économiques ».
Une autonomie qui va donc cadrer avec la démarche actuelle de réformes tendant à transformer les modes de fonctionnements de l’économie nationale. Une question demeure cependant. Bien que le Premier ministre évoque l’introduction du concept de mandat du gouverneur de la Banque centrale, il est utile de s’interroger sur l’étendue des changements qui seront opérés dans le texte. Seront-ils aussi ambitieux que ceux introduits dans le cadre de la loi sur la monnaie et le crédit du 14 avril 1990 et les dépasseront-ils ? Il est utile de rappeler que dans le contexte national cette loi demeure la référence en termes de réformes et d’autonomie de la Banque centrale qui avait alors été libérée de l’emprise du Trésor public et par conséquent de celle du pouvoir politique, par divers aspect, notamment en octroyant de larges prérogatives à l’Autorité monétaire dans la conduite de la politique monétaire et le contrôle de l’activité bancaire notamment, en interdisant les prêts de la Banque centrale au Trésor public (planche à billets) et en garantissant l’indépendance des organes de la Banque centrales à l’image de la commission bancaire, ainsi que du gouverneur et des vice-gouverneurs grâce à des mandats de plus de 5 années, renouvelables une seule fois et pendant lesquels le gouverneur, notamment, est inamovible, sauf cas exceptionnel. Ce fût une avancée majeure, dans la mesure où le mandat du gouverneur de la Banque centrale et son échelonnement est considéré par la Banque des règlements internationaux comme l’élément de base de l’indépendance de celle-ci et de sa préservation de toute influence politique.
Or, les amendements successifs apportés à cette loi entre 2003 et 2017 ont constitué un net recul par rapport aux réformes ambitieuses engagées grâce au texte initial et ont reflété la volonté manifeste de soumettre l’Autorité monétaire au pouvoir politique. Et c’est ainsi que dès la réforme de 2003 et dans le sillage de l’affaire Khalifa, la Banque d’Algérie a perdu une part de ses prérogatives en termes de contrôle de l’activité bancaire, notamment la possibilité de faire suivre les sanctions et mesures conservatoires dans le cas des infractions à la réglementation bancaire, par des actions en Justice. C’est aussi à ce moment-là que le mandat du gouverneur de la Banque d’Algérie, de ses vice-gouverneurs et des membres de la commission bancaire, disparaît du texte. L’amendement de 2010 constitue un nouveau recul sur registre en soumettant la Commission bancaire au jugement d’un représentant du ministère des Finances qui intègre ladite commission. Enfin, l’année 2017 signe le coup de grâce des réformes engagées en 1990, avec le retour de la planche à billets grâce à l’introduction en octobre d’un article 45 bis qui autorise de nouveau le Trésor public à s’endetter de manière illimitée auprès de la Banque d’Algérie.
Il est clair que le gouvernement affiche aujourd’hui sa volonté de réformer. Reste à savoir si cette réforme va permettre de revenir sur les reculs qui ont porté l’estocade à l’autonomie de la Banque d’Algérie. Et cette question est axiale aujourd’hui dans la mesure où l’on veut s’acheminer vers une économie libérale, bien régulée et qui prend en charge les priorités du développement solidaire et sociale. L’indépendance de la Banque centrale est d’abord essentielle pour la conduite du contrôle des activités bancaires, notamment dans un contexte où on veut lever les obstacles pour le développement des réseaux et des services bancaires, et qu’on cherche à ouvrir le marché bancaire à de nouvelles activités notamment celles de la finance islamique et des courtiers auxquels on projette d’ouvrir l’accès au marché monétaire interbancaire, entre autres. Sur le plan économique, le rôle de la Banque d’Algérie est central dans la gestion des politiques de change et de la conduite des politiques monétaires, ainsi que des marchés d’Open Market, notamment dans le contexte actuel de lancement d’un vaste plan de refinancement de 2.100 milliards de dinars. La finalité étant de garantir les conditions d’une croissance inclusive, tout en ayant à cœur de fixer des objectifs d’inflation réalistes à respecter.
Samira Ghrib