Surenchère électoraliste autour de l’argent détourné
Belaid et Bengrina veulent négocier, Makri dit non
L’argent détourné et les hommes d’affaires emprisonnés sont employés comme arguments électoralistes par des chefs de partis en course pour l’APN. Certains poussent le bouchon un peu loin et se disent disposés à négocier avec les oligarques corrompus, l’essentiel étant de récupérer l’argent volé. Après le président du Front El Moustakbal, Abdelaziz Belaid, le tour, avant-hier, était à Abdelkader Bengrina, président du parti El Binaa El Watani, de plaider cette option. Au-delà du souci affiché de mettre la main sur des sommes astronomiques appartenant au contribuable, ces candidats ne se gênent, toutefois pas de verser dans la surenchère électoraliste. Et pour preuve, leurs propositions sont tout bonnement irréalisables et ne se basent sur aucune référence juridique. En fait, Bengrina s’exprimant, avant-hier, au forum « Algérie maintenant », a appelé à négocier avec les responsables et hommes d’affaires incarcérés pour corruption afin de récupérer l’argent détourné après que cette question soit soumise au parlement et à un référendum populaire. Il a proposé de leur infliger « des peines cumulatives allant jusqu’à 100 ans, ils restituent l’argent détourné, en contrepartie d’allègement des peines prononcées, tout en leur interdisant de voyager à leur sortie de prison ». Bengrina semble ignorer que les peines cumulatives ne figurent pas dans le code pénal algérien et que les procès de certaines affaires sont déjà clos. De son côté, Belaid a, à deux reprises, la dernière était au début avril dernier lors d’un rassemblement populaire à Bordj Bou Arreridj, proposé de négocier avec les oligarques emprisonnés dans le but de « récupérer l’argent du peuple en échange de leur libération ». Le président du Front El Moustakbal n’a pas pris la peine d’étayer ses propos et détailler sa démarche qui reste floue et juridiquement impossible. Pour sa part, le président du MSP, interrogé, hier à ce sujet, a déclaré qu’ouvrir les portes des négociations avec les responsables et hommes d’affaires emprisonnés va encourager le recyclage de la « maffia ». Selon lui, « l’Etat, actuellement, ne peut supporter les conséquences de cette action et risque de faire l’objet de chantage de la part des individus incarcérés pour leur implication dans la dilapidation de deniers publics ». Et de conclure en affirmant qu’ « une fois l’Etat sera fort, nous réfléchirons à cela ». Dans ce brouhaha électoraliste, ces chefs de partis préfèrent fermer les yeux sur les engagements fermes des autorités publiques, dont le président de la République, quant à la récupération de l’argent détourné et les difficultés objectives rencontrées pour ce faire. Le ministre de la Justice, Belkacem Zeghmati, au 14e Congrès des Nations Unies pour la prévention du crime et la justice pénale tenu à Kyoto (Japon), en mars dernier, avait déclaré qu’ »il est regrettable de voir encore des barrières se dresser devant le recouvrement d’avoirs ». Il avait réitéré l’appel lancé par l’Algérie en direction de « tous les états membres pour l’application de leurs engagements internationaux et à une intensification des efforts pour faciliter le recouvrement des avoirs ». C’est dire que l’Etat pèse de tout son poids dans ce dossier et que la récupération des fonds ne se résume pas à une simple promesse électorale. Tout compte fait, en versant dans des déclarations populistes, ces chefs de partis se présentent comme porteurs de solutions, tout en courtisant une assiette électorale, minime soit-elle, qui pourrait faire la différence au moment du dépouillement des urnes.
Khelifa Bouali