Culture

« Dune » : Culte sur papier, maudit au cinéma

Le réalisateur canadien Denis Villeneuve s’enlisera-t-il dans les sables d’Arrakis ? « Dune », dont une nouvelle version promet de faire événement à la Mostra de Venise, est un roman aussi culte pour ses millions de lecteurs que maudit pour les réalisateurs qui se risquent à l’adapter.

Des millénaires après notre ère, tribus et potentats s’affrontent pour le contrôle de l’épice, un mélange qui prolonge la vie et offre des pouvoirs prophétiques. Il se récolte sur une planète de sable brûlant, infestée de redoutables vers géants, baptisée Arrakis, ou Dune. Avec le premier des six volumes du cycle de « Dune », Frank Herbert a posé en 1965 les bases d’un « space opéra » qui deviendra une oeuvre majeure de la science-fiction, à l’influence considérable, dans Star Wars notamment.

Paul Atréides, jeune prince qui deviendra le prophète des Fremen, le peuple d’Arrakis, a fait écouler 20 millions d’exemplaires de ce qui reste « le roman de science-fiction le plus vendu et le plus lu » au monde, mais aussi « le plus commenté et le plus étudié, notamment dans le cadre de travaux universitaires », souligne auprès de l’AFP Renaud Guillemin, membre éminent de la communauté des « Duniens » de France (et par ailleurs chercheur au CNRS), qui a participé à la révision de la traduction de ce classique (réédité tome par tome d’ici la fin de l’année) chez Robert Laffont.Dune est « le prototype même du +livre univers+ », avec « sa propre cohérence, ses propres références, ses propres fondations », à l’image du Seigneur des Anneaux en fantasy, ajoute-t-il.Sans compter des « trouvailles qui ont fasciné des générations de lecteurs » comme les vers des sables, le distille, une combinaison qui recueille et recycle la sueur, ou le Bene Gesserit, un ordre de femmes combattantes capable d’influer par la pensée.Les mordus louent une oeuvre visionnaire, anticipant sur des questions allant du réchauffement climatique à la toute-puissance des Gafam, en passant par l’impact des technologies.

Tenant à la fois de la tragédie grecque, du mythe biblique et de l’épopée médiévale, « Dune » semble taillé pour le cinéma. Pourtant, il traîne la réputation de « film maudit par excellence », explique à l’AFP Lloyd Chéry, qui réédite son ouvrage de référence « Tout sur Dune », et a fondé le podcast « C’est plus que de la SF ».Figure de l’underground et auteur de films cultes dans les années 1970, le franco-chilien Alejandro Jodorowsky, s’y est cassé les dents. Le projet auquel le cinéaste se consacre de 1973 à 1977 est colossal. Jodorowsky compte embarquer dans l’aventure Salvador Dali, Alain Delon, Orson Welles, le dessinateur Moebius ou encore les Pink Floyd à la musique.Faute de moyens à la hauteur, l’échec de ce projet hors du commun est resté dans l’histoire du cinéma, et a fait l’objet d’un documentaire, « Jodorowsky’s Dune » (2013).Après avoir failli être adapté par Ridley Scott, le créateur d’Alien, l’idée de porter Dune à l’écran échoit ensuite à David Lynch. Après sept versions du scénario, le film nécessitera six mois d’un tournage particulièrement pénible, au Mexique. Les décors sont monumentaux, les costumes se comptent par milliers, mais la créativité du cinéaste se trouvera écrasée par la machinerie hollywoodienne.

Le film, avec Kyle MacLachlan, l’une des plus grosses productions de l’époque avec 40 millions de dollars mis sur la table, sera un flop commercial à sa sortie. De ce grand film raté, l’auteur aujourd’hui culte de « Mulholland Drive » gardera le souvenir d’un « cauchemar ».Villeneuve, lui même grand fan des romans de Frank Herbert, parviendra-t-il à séduire la fanbase dunienne et le grand public ?Réalisateur très prisé à Hollywood, il a prouvé sa capacité à s’attaquer aux mythes de la SF, avec « Blade Runner 2049 » (2017), suite du chef d’oeuvre de Ridley Scott. Pour son « Dune », il a réuni un casting de stars avec Oscar Isaac, Rebecca Ferguson et Timothée Chalamet côté Atréides, ou Javier Bardem et Zendaya chez les Fremen.Un test de taille pour les studios, essorés par la pandémie, le triomphe du streaming et l’essoufflement du modèle des super-héros, et qui rêvent que « Dune » devienne une nouvelle saga qui fasse venir et revenir les foules en salles.

AFP

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *