Le projet d’institution de l’allocation chômage sur la table du gouvernement: Un « RMI » pour les chômeurs
Le président de la République, Abdelmadjid Tebboune, a récemment décidé de l’institution d’une nouvelle allocation chômage. Une allocation qui constitue une rupture avec les politiques sociales menées jusque-là par l’État, car il s’agit d’instituer un revenu minimal censé accompagner les chômeurs durant le processus de recherche d’emploi.
Un avant-projet de décret pour l’instauration d’une allocation chômage est sur la table du gouvernement et devrait très prochainement être examiné en Conseil des ministres avant son entrée en vigueur. Une allocation, proche par son esprit, du revenu minimum d’insertion déjà connu outre-mer, mais qui diffère par des spécificités qui lui permettent de mieux s’adapter au contexte social algérien. L’exposé des motifs du projet rappelle d’ailleurs que le nouveau texte « s’inscrit dans le cadre de la mise en œuvre de la décision du président de la République prise, lors de la réunion du Conseil des ministres du 22 août dernier, visant à instituer une allocation chômage en vue de soutenir et d’accompagner la frange des chômeurs primo demandeurs d’emplois sans revenu. » Et d’ajouter que « cette mesure permet d’assurer un revenu garantissant un minimum vital et une couverture sociale susceptible de subvenir aux besoins des chômeurs primo demandeurs d’emplois sans revenu durant la phase de recherche d’emploi ». Il s’agit d’un revenu proche d’un salaire variant de 12.000 à 15.000 DA et lequel est d’ailleurs soumis aux cotisations des caisses de sécurité sociale. Selon l’avant-projet de texte, le montant de l’allocation versée mensuellement variera selon les régions. Les chômeurs des régions percevront une allocation de 12.000 DA, ceux des Hauts-Plateaux 13.000 DA et ceux du Sud 15.000 DA. Un revenu qui sera d’ailleurs financé par le budget de l’État.
La nouvelle allocation est cependant soumise à un cadrage réglementaire précis afin de permettre aux nouvelles mesures d’atteindre les objectifs de réduction des inégalités, d’équité et de promotion de l’emploi, tout en évitant les dérives. Un cadrage qui cible d’ailleurs les bénéficiaires qui devront répondre à un certain nombre de conditions. Même si la nouvelle allocation concerne un large éventail de catégories et touche les chômeurs âgés entre 19 et 60 ans, celle-ci ne concerne que les primo-demandeurs d’emploi. Et dans l’esprit du législateur, il est entendu par primo-demandeur un chômeur qui s’inscrit pour la première fois au registre des demandeurs d’emploi de l’Agence nationale de l’emploi (Anem), qui a la charge de gérer le dossier, aux côtés éventuellement de la Caisse nationale d’assurance chômage (Cnac). Le bénéficiaire doit également répondre à certaines conditions, comme les plus évidentes, soit être de nationalité algérienne et résider en Algérie. Il ne doit cependant pas avoir déjà bénéficié des dispositifs de création d’activité Ansej, Anade ou Cnac et Angem, et des dispositifs d’aide sociale de l’État, à l’image des dispositifs d’insertion sociale, géré notamment par le Ministère de la solidarité nationale. Et afin d’éviter les dérives et les abus qui pourraient être induits par le dispositif, le cumul des bénéficiaires de l’allocation au sein d’une même famille est interdit. Aussi, le bénéficiaire ne doit pas avoir quitté un emploi précédent de manière volontaire. Il ne doit pas non plus refuser plus d’une offre d’emploi qui correspond à ses qualifications, car au second refus le versement de l’allocation sera suspendu. Une suspension qui intervient systématiquement lors du placement du demandeur dans un emploi, et évidemment en cas de décès.
Financer le dispositif
Selon l’exposé des motifs, « le texte vise à assurer une équité entre les usagers du service public de placement et de contribuer ainsi au maintien d’un climat social saint et serein ». Il est clair qu’à travers le nouveau dispositif les pouvoirs publics a pour finalité d’élargir les politiques sociales de l’État visant l’amélioration du pouvoir d’achat des ménages et l’accompagnement des chômeurs.
Au-delà, la nouvelle démarche s’inscrit dans la volonté le mieux maîtriser le marché de l’emploi, en permettant à l’Anem de mieux appréhender les données et les statistiques sur le marché de l’emploi et le chômage, au niveau national et au niveau des wilayas. Des données qui permettront de cibler le placement des demandeurs d’emploi selon leurs qualifications et leurs lieux de résidences, d’éviter les tensions sociales, comme ce fût le cas dans les wilayas du Sud. Il est utile de rappeler dans ce contexte que le taux de chômage en Algérie devrait s’établir en 2021, selon les institutions de Bretton Woods, à 13,9 %. Au-delà du chiffre global, il faut noter que le chômage et plus particulièrement le chômage de longue durée affecte les jeunes diplômés et les universitaires, notamment ceux issus des filières des sciences humaines. Selon ces estimations, les nouvelles dispositions devraient concerner quelques 2 millions de chômeurs. Au-delà, la question du financement à long terme du nouveau dispositif se pose avec acuité, d’autant plus qu’il devra se faire sur le budget de l’État. Si certains observateurs avancent l’option de mobilisation des ressources de certains comptes spéciaux du Trésor assainis ou à assainir pour le financement du dispositif, il est clair aussi que les mesures annoncées devront s’inscrire dans une démarche globale de réforme du système des transferts sociaux.
Samira Ghrib