Spéculation et pénurie de produits de large consommation : Trouver des solutions réelles !
Le Conseil de la Nation a annoncé hier la création d’une commission d’enquête sur la pénurie de produits de large de consommation. Que ce soit la semoule, la farine, l’huile de table ou plus récemment le lait et ses dérivés, le problème des pénuries persiste et devient cyclique, ce qui nécessite de se pencher sur la racine du mal, et chercher des solutions définitives.
Pour le bureau du Conseil de la Nation, la pénurie est provoquée et aurait des motivations politiques. C’est du moins ce que l’on est tentés de comprendre du communiqué que la chambre haute du Parlement a publié hier. C’est à l’issue d’une réunion du bureau du Conseil de la Nation, sous la houlette de Salah Goudjil qu’un communiqué a annoncé la création d’une commission d’enquête parlementaire sur la pénurie de produits de large consommation en vue de contrer les manœuvres des spéculateurs. Et d’ajouter que la chambre haute du Parlement agira « en accord avec la politique pertinente du président de la République, Abdelmadjid Tebboune, au titre de ses efforts soutenus et de sa ferme volonté de lutter contre le fléau du monopole et de la spéculation illicite, qui prennent de nouvelles proportions qui menacent la stabilité, la cohésion et l’immunité sociétale de la nation, et au regard des développements survenus sur le marché des biens et marchandises dans plusieurs wilayas et des pratiques et comportements hostiles et honteux de certains spéculateurs qui s’en prennent à la subsistance des citoyens ». En fait, le conseil de la nation assure que cette commission « fera la lumière sur les causes de cette crise, ses instigateurs et les parties qui l’alimentent », et ce, en vue de « contrer les manœuvres et les comportements malveillants répétés des spéculateurs qui participent de leur égoïsme et de leur avidité aux dépens des producteurs et des consommateurs », rappelant à ceux qu’il qualifie de larbins de la cupidité et les provocateurs de troubles et des tentatives d’atteinte au pays » que le Parlement, avec ses deux chambres, avait adopté récemment une loi relative à la lutte contre la spéculation illicite qui prévoit des dispositions et des mesures répressives ».
D’ailleurs, le gouvernement s’est redéployé, ce week-end afin de donner des garanties aux citoyens et d’assurer d’une stricte application des lois de la République afin de mettre fin à la situation. Hier, le ministre du Commerce, Kamel Rezig, en première ligne dans cette crise et sujet à de multiples critiques, a assuré en marge de sa visite à Oran, que la loi sur la lutte contre la spéculation qui a d’ailleurs été publiée ce week-end sur le Journal officiel et est entrée en vigueur officiellement le 29 décembre, sera appliquée à la lettre. Auparavant c’était, le Premier ministre et ministre des Finances Aïmene Benabderrahamne qui assurait que la crise actuelle était conjoncturelle et que tout devrait rentrer dans l’ordre grâce aux mesures prises dans ce sens. À propos de mesures justement, le ministère du Commerce a annoncé jeudi une série de dispositions afin de mettre fin à la pénurie. Il s’agit entre autres de l’augmentation de la production d’huile de table notamment au niveau de l’unité Koutama à Alger qui produit l’huile Safia afin d’augmenter l’approvisionnement du marché, mais aussi le renforcement des contrôles sur les circuits de distribution.
Des défaillances réelles
Il n’en demeure pas moins que sur le terrain, la situation est inquiétante. Si la question de la récupération politique de la crise ne fait pas de doute, il faut dire la crise est également le produit de défaillances réelles et d’un manque de maîtrise des circuits commerciaux.
D’autant que les pénuries de certains produits engendrées par le phénomène surviennent toujours même sporadiquement et touchent des produits de large consommation comme l’huile, le sucre et la farine et aujourd’hui le lait. D’ailleurs, pour ce qui est de la crise actuelle de l’approvisionnement en lait, il est utile de noter que les producteurs de la Confédération des industriels et producteurs algériens (CIPA), avait lancé un véritable signal d’alarme sur les conséquences de la persistance du gel des dérogations sanitaires sur l’importation de poudre de lait et lequel n’a été levé que récemment.
Pour ce qui est de l’huile de table, de la farine et de la semoule, la réédition de la pénurie doit être prise avec sérieux, d’autant que pour de nombreux observateurs et acteurs, la problématique ne réside pas dans la production qui couvre largement les besoins du marché, mais dans la distribution. Approchés, les responsables de plusieurs organisations des consommateurs estiment que même si l’approche est positive, il n’en demeure que l’organisation du marché essentiellement dans son volet relatif à la distribution se fait plus que nécessaire. C’est en fait l’avis de M. Toumi, président exécutif de la Fédération des consommateurs qui a mis l’accent sur la nécessité d’organiser la distribution tout en préconisant de la fermeté envers les auteurs de ces rétentions de produits qui provoquent des pénuries. Pour M. Toumi, qui considère que ce phénomène n’est pas nouveau car il intervient à chaque approche du mois de Ramadan n’a ainsi pas hésité à spécifier une catégorie de personnes qui sont pour beaucoup dans les pénuries de l’huile et du sucre. « Certains marchands occasionnels de zalabia et des produits du même genre qui ne travaillent que le mois de Ramadhan commencent à stocker de grandes quantités de ces deux produits en prévision de ce mois qui représente l’unique occasion de remplir les caisses », indique-t-il. De son côté, M. Mustapha Zebdi président de l’Association de protection et d’orientation du consommateur et de son environnement, estime que la loi peut avoir de l’effet sur la spéculation mais pas lorsqu’il s’agit d’un problème d’organisation de la distribution. M. Zebdi affirme que la pénurie de l’huile constatée actuellement n’est pas due à la spéculation mais plutôt à une mauvaise organisation des circuits de distribution. Notre interlocuteur préconise en fait de retravailler la fiscalité des produits subventionnés qui doivent être imposés à la source afin d’éviter aux détaillant de supporter la taxe.
Kamel Beldjoud