Pénuries d’huile de table : Les producteurs au banc des accusés !
Le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les causes de la pénurie d’huile de table a été publié hier et fait des révélations fracassantes, quant aux défaillances du marché et aux racines de la spéculation. Si l’on a pris l’habitude de vite pointer un doigt accusateur envers les marchands de gros et les détaillants, les parlementaires balayent ces préjugés. Ils accusent, et c’est un fait inédit, les producteurs ou plutôt les transformateurs d’huile, d’entretenir les tensions sur le marché, en sus de recourir à divers subterfuges dont les instruments de change afin de tirer profit des subventions.
«Des vérités accablantes». Tel est l’intitulé du rapport de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée populaire nationale guidée par son président, Ismaïl Kouadria. L’enjeu est d’autant plus important que les membres de la Commission ont enquêté sur la question de la pénurie de l’huile de table et la spéculation qui affecte ce marchéprovoquant des pénuries cycliques. Ismaïl Kouadria a fait état d’une «douzaine d’anomalies qui ont été relevées et qui ont été à l’origine de la pénurie de l’huile de table» constatées sur le terrain, après s’être rendu dans les usines et des unités de production, en plus de l’enquête qui a abordé le volet lié à la production, la chaine de distribution, allant du grossiste jusqu’au commerçant détaillant. De prime à bord, l’enjeu commence à la source, l’usine. Et à ce propos la Commission accuse. Manipulation des factures et des domiciliations bancaires, pratiques anticoncurrentielles, constitutions de stocks importants et perturbations de l’approvisionnement, les griefs sont nombreux. Elle affirme que des producteurs optent pour la « manipulation des domiciliations bancaires en jouant sur la valeur de la monnaie nationale ». « Cela permet aux producteurs d’engranger d’importants dividendes », dévoile le rapport de la commission. Autre mécanisme permettant de jouer sur les subventions, celui de la manipulation des factures. Selon la commission parlementaire, «les quantités déclarées dans les factures ne cadre pas avec les données relevées chez les distributeurs ». À cela s’ajoute, révèle le rapport, le refus de certains producteurs d’augmenter la production en raison de non versement des subventions qui constitue la compensation prise en charge par l’État de la différence entre le coût de production de l’huile et son prix de vente qui est fixé par l’État. Une situation qui provoque des perturbations de l’approvisionnement. En ce sens, le rapport de six pages pointe d’un doigt accusateur les usines et leurs pratiques anticoncurrentielles, estimant que celles-ci privilégient «les distributeurs exclusifs» alors que les «grossistes et les commerçants détaillants sont approvisionnés de manière perturbée, entrecoupée et non régulière», ce qui contribue grandement à créer des tensions sur le marché. Les distributeurs, eux, ce sont, selon le document de la commission économique parlementaire, retrouvés dans un dilemme en commercialisant l’huile de table avec une faible marge bénéficiaire de l’ordre de 15 dinars pour chaque bouteille de 05 litres. Cette petite marge est, par contre, soumiseimposition fiscale et notamment à la Taxe sur l’activité professionnelle de 2% sur le chiffre d’affaires, ce qui explique selon eux le refus des commerçants de la facture. «Les bénéfices sont égaux aux impositions fiscales», dévoile le rapport d’enquête, détaillé par le président de la commission économique parlementaire, Kouadria Smail. Le rapport met également à l’index l’inefficacité des contrôle des services de répression des fraudes relevant du ministère du Commerce, de même qu’elle estime que le comportement des consommateurs qui cèdent à la panique à chaque fois qu’une fakenews est publiée sur les réseaux sociaux contribue également à entretenir la tension.
Plaidoyer pour la révision des subventions
La Commission parlementaire met surtout à l’index le système actuel des subventions indirects « qui ne répond pas à la réalité sur le terrain » a d’ailleurs souligné son président Ismail Koudria hier. Le rapport produit met en avant le fait que ce système contribue à alimenter l’inflation et ne bénéficie pas réellement aux ménages ciblés.
Le ministère du commerce n’a pas été épargné par les «acerbes» grief lui ayant été attribuées par les membres de la commission lui imputant la responsabilité de la défaillance de contrôle. Il s’agit des fausses statistiques et bilans qui ont été fournis, la prise des décisions à base irréfléchies, l’interdiction de vente de l’huile de table aux personnes âgées de moins de 18 ans». Le président de la commission déplore «le défaut flagrant de moyens de contrôle relevé chez les brigades d’inspection». La commission parlementaire recommande «la mise en place d’un système numérique sécurisé pour cataloguer et répertorier toutes les marchandises, et ce a fin de d’assurer la traçabilité des produits dans toutes les étapes qui suivent le processus de la commercialisation». Selon Ismail Kouadria, ce « système permet la protection du consommateur et du producteur, tout en faisant barrage aux pratiques anticoncurrentielles, lutte contre le phénomène de la contrebande, du trafic», plaidant pour «la modernisation de l’économie nationale en mettant en place le système de la numérisation fiscale ». Smail Kouadria exhorte « le Centre nationale du registre de commerce à actualiser les registres de commerce des importateurs», et se prémunir de «mesures fermes et implacables» à prendre par le ministère du Commerce en délivrant des autorisations, en plus de la réactualisation du fichier national des commerçants de gros, et ce dans le but de contrecarrer le phénomène du trafic». Selon la commission parlementaire, la facturation est d’autant plus obligatoire qu’elle ne laisse rien au hasard en permettant le suivi de la traçabilité des produits soutenus, et l’élaboration, avec exactitude, des bilans des quantités produites en vue de lutter contre le phénomène de la surfacturation». Plusieurs autres recommandations ont été contenues dans le rapport de la commission, comme la mise en place d’une agence nationale de la sécurité alimentaire et lui confier l’autorité de régulation des différents Offices interprofessionnels. Et d’appeler à l’application rigoureuse de la loi 03/03, daté du 19 juillet 2003, ayant trait à la concurrence, en plus de la mise en œuvre de la réglementation régissantl’activité commerciale», appelant «à l’élargissement de la répression aux différents secteurs et autres offices rattachés à l’Etat».
Salim Abdenour