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Biden annonce un embargo sur le pétrole et le gaz russes, Poutine riposte : Un baril à 300 dollars est-il possible ?

Les marchés pétroliers sont tendus et risquent de l’être encore plus au regard de l’évolution de la situation géopolitique. Hier, le président américain Joe Biden a annoncé une nouvelle série de sanctions contre Moscou. La décision la plus attendue a été actée. Biden a annoncé un embargo sur le pétrole et le gaz russes aux États-Unis. Une annonce qui a vite été suivie par une décision similaire de Londres qui évoque, pour sa part, une suspension des importations d’hydrocarbures russes d’ici la fin de l’année. De son côté, le Kremlin riposte. Russia Today a indiqué hier en fin de journée que le président russe Vladimir Poutine a signé un décret comprenant des mesures spécifiques dans le commerce extérieur dans l’objectif de préserver la sécurité nationale de la Russie. Il a en effet décrété un embargo russe sur les exportations et produits et matières premières  de et vers la Russie durant l’année 2022 selon une liste de pays qui sera déterminée par le conseil des ministres. Une décision qui laisse supposer un arrêt des exportations russes de gaz et de pétrole vers l’Europe.

 Il est vrai que les États-Unis sont les seuls à pouvoir se permettre de prendre une telle décision. Ils sont exportateurs nets de pétrole et de gaz et la Russie ne compte que pour 8% des importations et 4% de consommation US de produits pétroliers. Si Biden s’empresse d’avertir qu’avec cette décision il compte « porter un nouveau coup puissant à Poutine », la portée de cette décision sur les exportations d’hydrocarbures russes risquent d’être limitée, car le marché américain ne compte pas pour la Russie qui a des débouchés pour ses hydrocarbures dans d’autres pays, en Asie, en Chine notamment mais surtout en Europe pour laquelle le gaz russe compte pour 40% et le pétrole pour 30 % des approvisionnements. D’ailleurs, le président américain reconnaît qu’imposer un embargo sur le pétrole est une décision que les USA peuvent se permettre mais pas les autres. « Nous pouvons prendre cette décision, alors que d’autres ne le peuvent pas », a-t-il expliqué. « Mais nous travaillons étroitement avec l’Europe et nos partenaires pour mettre en place une stratégie de long terme afin de réduire leur dépendance vis-à-vis de l’énergie russe » a-t-il ajouté. L’Europe se refuse de décréter un embargo sur les importations russes. En attendant, la Grande-Bretagne annonce une réduction progressive des importations d’hydrocarbures russes. Le ministre britannique de l’Energie et de l’Industrie, Kwasi Kwarteng, a indiqué hier sur son compte Twitter que Londres compte réduire ces importations à néant d’ici la fin de l’année, le temps de trouver des alternatives au pétrole russe qui ne représente au final que 8% de la demande britannique.

Un embargo sur les exportations de gaz

Il est clair que les décisions de Washington et de Londres ont un impact marginal sur les exportations réelles des hydrocarbures russes. Par contre elles ont un impact non négligeable sur les marchés. Lundi, le baril de Brent avait tutoyer les 140 dollars à la simple évocation d’un embargo. Hier, les cours sont repartis à la hausse à l’annonce faite par la Maison-Blanche. Le prix du baril de Brent de mer du Nord a dépassé les 133 dollars, tandis que le baril de pétrole américain WTI a presque touché les 128 dollars, et les cours risquent de monter encore. Bloomberg a évoqué la possibilité d’atteindre les 200 dollars. Le vice-Premier ministre russe Alexander Novak parle du seuil des 300 dollars.  Ce dernier a déclaré qu’une interdiction du pétrole russe aura des conséquences catastrophiques pour le marché mondial, selon Interfax, et a prévenu que l’Europe poussait la Russie à décréter un embargo sur les livraisons de gaz par le Nord Stream 1, qui est actuellement rempli au maximum de sa capacité. Avertissant que « personne ne bénéficierait d’un embargo sur les livraisons de gaz par Nord Stream 1 », Novak a déclaré que le remplacement des livraisons de pétrole russe en Europe prendrait plus d’un an. Il a également averti qu’un embargo mondial sur le pétrole russe pourrait faire grimper les prix au-delà de 300 dollars le baril, bien qu’il ait déclaré que la Russie sait où elle réacheminerait le pétrole si l’Europe et les États-Unis le refusent.

En attendant, les Occidentaux cherchent à faire pression sur l’Opep afin d’augmenter l’offre de pétrole sur le marché. Le ministre allemand de l’Économie, Robert Habeck, a lancé hier à l’Opep un « appel urgent à augmenter le niveau de production pour soulager le marché ». Il ne faut cependant pas se leurrer. Aujourd’hui, rien ne peut se substituer au pétrole et au gaz russes. Et cela les producteurs de pétrole et de gaz l’ont souligné à plusieurs reprises. Lundi soir, le Secrétaire général de l’Opep, Mohamed Barkindo, a affirmé que l’alliance n’a aucun contrôle sur les événements en cours et que les facteurs géopolitiques ont pris le contrôle des marchés. « Tout ce que nous pouvons faire pour le moment et d’assurer le respect des engagements pris et d’implémenter pleinement les décisions prises », a-t-il assuré. Car il faut savoir qu’il y a un réel problème de capacités de production à prendre en compte, d’autant que de nombreux pays de l’Opep n’arrivent pas à assurer pleinement leurs quotas. La crise des marchés pétroliers et gaziers de 2020 a lourdement affecté les plans d’investissements dans la production qui peine aujourd’hui à suivre la demande.

Samira Ghrib

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