Traque des biens mal-acquis : Les élus dans le collimateur !
La chausse aux biens mal-acquis est ouverte. Le président de la République a donné des instructions au Gouvernement, il y a quelques jours, pour engager des investigations quant aux signes extérieurs de richesses des agents publics. Et les élus des dernières mandatures parlementaires et locales sont les premiers concernés. En attendant, l’installation de la Haute Autorité et de transparence et de lutte contre la corruption, les élus qui ont vu leur mandat s’achever, sont sommés de se conformer aux dispositions de la loi n°06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption et de déposer leur déclaration de patrimoine.
Selon des sources locales, les walis ont été instruits par les services du ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire de mettre en œuvre les dispositions de la loi n°06-01 du 20 février 2006 relative à la prévention et à la lutte contre la corruption en incitant les élus locaux et les parlementaires à remplir et déposer leurs déclarations de patrimoine dans des délais fixés. Bien que l’obligation de déclaration de patrimoine est obligatoire pour les agents publics et les élus au début et à la fin de chaque mandat, l’instruction en question semble surtout concerner les anciens parlementaires et les ex-élus locaux de la mandature 2017/2021.
L’annonce a fait l’effet d’un séisme au sein des parlementaires, des élus locaux disposant actuellement d’un mandat et suscite de l’inquiétude chez leurs prédécesseurs. Selon nos sources, les chefs de daïras, supervisés par les walis, ont adressé des mémorandums aux P/APC, leurs adjoints et tous les membres des Assemblées populaires communales, de l’actuelle mandature, les obligeant à faire part de leur déclaration de patrimoine. Les présidents d’APC et l’ensemble des élus sont appelé à se rapprocher le plutôt possible des secrétariats généraux des daïras du pays, afin de retirer les formulaires de déclaration de patrimoine qui doivent être remplis et renvoyés dans un délai déterminé, et ce en application de l’instruction du ministre de l’Intérieur et des Collectivité locale et l’Aménagement du territoire, n° 2822 en date du 10/ 03/2022. Une instruction qui vient en application des dispositions de l’article 24 de la Constitution et des articles 36/6/5/4 de la loi 01/06 relative à la prévention et la lutte contre la corruption. Les chefs de daïra ont justifié cette procédure par le fait qu’elle est venue actualiser l’arsenal juridique relatif à la lutte contre la corruption. Selon nos sources, la mesures vise à protéger les élus et parlementaires actuels de la mandature en cours, et les préserver de la tentation de la corruption, tandis qu’il s’agit pour les élus des anciennes mandatures de justifier l’origine de leurs biens.
Il faut dire cependant que l’obligation de déclaration du patrimoine n’est pas soumise aux seuls élus, mais biens les agents publics exposés aux risques de corruption.
Opération mains propres
Le premier cadre légal instituant la déclaration de patrimoine a été promulgué en 1997, en stipulant que cette-ci doit faire l’inventaire des biens meubles et immeubles de l’agent public et de ses enfants mineurs en Algérie et à l’étranger. En 2006, la disposition a été précisée et concerne depuis outre les élus locaux, les membres de l’Assemblée populaire nationale et du Conseil de la Nation pour le pouvoir législatif. En ce qui concerne l’Exécutif, elle est obligatoire pour le président de la République, le Premier ministre ou chef du Gouvernement ainsi que les membres du Gouvernement, ainsi que les walis, les ambassadeurs et les consuls. La déclaration du patrimoine est imposée aux magistrats, au président de la Cour des comptes, ainsi que le président et membres du Conseil constitutionnel, aujourd’hui remplacé par une Cour constitutionnel. Elle concerne aussi le Gouverneur de la Banque d’Algérie, les agents publics occupants les fonctions supérieures de l’État, et l’ensemble des agents publics clairement spécifié par la Direction générale de la Fonction publique.
Des mesures qui font suite également à l’annonce par Organe de prévention et de lutte contre la corruption (ONPLC), de la mise en place d’une plateforme numérique pour la réception des déclarations du patrimoine. Un processus qui entre dans le cadre de la mise à niveau de l’arsenal destiné à soutenir la moralisation de la vie politique et publique et à consolider la lutte contre la corruption. Des mesures qui laisse entrevoir le lancement prochain d’une nouvelle opération mains propres, d’autant que l’on nous confie que les walis dans plusieurs wilayas du pays, ont amorcé des enquêtes sur les signes d’enrichissement illicite conformément. Les élus de la dernière mandature ont d’ores et déjà été sommés par voie de notification à faire leur déclaration de leur patrimoine au titre de la fin de la mandature électorale.
Préparer le terrain à la Haute Autorité de transparence
Les mesures prises semblent surtout préparer le terrain à l’activation de la Haute Autorité de transparence et de prévention contre la corruption. Une instance indépendante chargé d’assurer la veille en matière de lutte contre la corruption, mais aussi d’assurer les investigations sur les signes d’enrichissement illicite des agents publics, et qui devrait bientôt être installé, maintenant que le processus de débat et de validation parlementaire du cadre juridique encadrant son fonction a pris fin hier.
À ce propos, le ministre de la Justice et Garde des Sceaux, Abderrachid Tabi avait expliqué lors de la présentation du texte à l’APN que cette nouvelle autorité est « instance d’enquête » sur les signes d’enrichissement illicite chez les fonctionnaires publics, et ce, dans le cadre de la mise en œuvre des recommandations du Conseil des ministres du 2 janvier dernier, portant création d’une instance d’enquête sur les signes d’enrichissement illicite des fonctionnaires publics. Les nouvelles dispositions introduites proposent la création d’un « mécanisme opérationnel et d’application » pour vérifier les déclarations de patrimoine, en ce sens que la Haute autorité de transparence, de prévention et de lutte contre la corruption sera dotée d’une « structure spécialisée habilitée à mener des enquêtes financières et administratives sur l’enrichissement illicite des fonctionnaires publics qui ne seront pas en mesure de justifier la source de l’augmentation de ses revenus et avoirs », a expliqué le ministre. Et d’ajouter que « les enquêtes peuvent toucher toute personne potentiellement impliquée dans la dissimulation d’une richesse injustifiée d’un fonctionnaire public, surtout s’il s’avère que ce dernier en est le véritable bénéficiaire ».
L’instance peut demander des explications écrites ou orales à l’employé ou à la personne concernée, de même qu’elle est autorisée, dans le but de protéger les biens et conformément aux nouvelles dispositions, à demander au procureur de la République près le tribunal de Sidi M’hamed d’émettre des mesures conservatoires de saisie de biens ou de gel des comptes bancaires par décisions de justice rendues par le président du même tribunal, une décision susceptible d’appel dans le cadre de la consécration du droit de la défense.
Sofia Chahine