Le texte de loi vient d’atterrir à l’APN : Zones franches : le vrai du faux
Le projet de création de zones franches, des zones d’activité économique bénéficiant des avantages de l’extraterritorialité fiscale et douanière, pourrait très prochainement aboutir. Un projet destiné à stimuler les investissements directs étrangers, capter les flux de capitaux et donner un coup d’accélérateur aux exportations hors-hydrocarbures, affirment les promoteurs du projet.
Le projet de loi fixant les règles générales applicables aux zones franches vient d’atterrir à l’Assemblée populaire nationale, laquelle se prépare d’ores et déjà à lancer les débats. Une réunion de la Commission des affaires économiques a d’ailleurs tenue une réunion hier après-midi afin de préparer l’examen du texte, d’autant que le projet revêt une importance particulière. Le texte, dont nous détenons une copie, fixe d’ailleurs le régime fiscal et douanier imposé aux activités économiques dans ces zones, les droits de concession, la nature des relations de travail avec les personnels algériens et étrangers, ainsi que les règles devant régir les transactions entre le marché national et ces zones, sans oublier leurs rapports avec les marchés internationaux, d’autant que ces zones sont créées dans une extraterritorialité douanière. Il est vrai que la question de la création des zones franches alimente déjà les discussions politiques. Bien que le recours aux zones franches semble s’inspirer de l’expérience d’autres pays, à l’image de la Chine, celui-ci suscite des appréhensions, d’autant que l’Algérie a déjà tenté l’expérience en 1997 avec la création de la zone franche de Bellara dans la wilaya de Jijel, projet qui n’a jamais vraiment abouti sur le terrain. Les débats politiques sont alimentés surtout par des craintes quant à la création de zones de non-droit, qui verrait le contournement de la réglementation sociale se greffer aux exonérations fiscales accordées aux entreprises privées, et où la souveraineté de l’État serait diluée.
Le texte répond à certaines de ces préoccupations. Ainsi, les promoteurs du projet soulignent le fait que la création des zones franches entre dans « le cadre des orientations des pouvoirs publics visant à renforcer I’investissement, la production et la diversification de l’économie nationale » et soulignent dans ce sens les expériences similaires en Afrique et au Moyen-Orient.
Selon l’exposé des motifs, il s’agit de faire de ces zones franches un outil de politique nationale de développement économique. Et d’ajouter que ces zones qui offrent un certain nombre d’incitations fiscales et douanières ainsi que des facilités administratives ciblent en Algérie les start-up et les entreprises étrangères dont la vocation est principalement I’exportation. Car l’objectif principal du projet est de stimuler les exportations et de profiter des opportunités et des synergies qu’offre la Zone de libre-échange continentale africaine.
Aussi, et si les activités dans ces zones bénéficient des avantages de l’extraterritorialité, il ne s’agit nullement d’en faire des zones de non-droit. Et c’est en ce sens que des règles ont été édictées afin de préserver le caractère souverain de certaines infrastructures, de contrôler les relations de travail au sein de ces zones, de garantir un suivi et un contrôle des flux des capitaux, sans oublier un suivi du flux des biens et services entrants et sortants.
Le texte en question spécifie ainsi les règles applicables à la gestion des zones franches. L’article 6 stipule ainsi que la gestion de la zone franche est concédée, moyennant une redevance qui doit être acquittée auprès de l’administration domaniale, tandis que l’article 7 stipule que l’opérateur chargé de la gestion de la zone franche est soumis à la
législation et à la réglementation en matière douanière, des changes, de
I’environnement ainsi que d’emploi et de sécurité sociale.
Conserver une certaine souveraineté
Aussi et si les zones franches sont dans une certaine extraterritorialité sur le plan juridique, l’État conserve ses prérogatives régaliennes et sa souveraineté sur les infrastructures stratégiques et les biens relevant du domaine privé de l’État. Ainsi le texte stipule que si la zone franche inclut, en totalité ou en partie, un port ou un aéroport, la législation et la réglementation en matière domaniale et d’activités portuaires ou aéroportuaires et de sécurité demeurent applicables aux ports et aéroports concernés, notamment celles relevant de I’exercice des prérogatives de puissance publique. Aussi, si la zone franche est réalisée sur une assiette foncière relevant du domaine privé de l’Etat ou des collectivités locales, l’ensemble des biens immeubles situés dans cette zone franche, sont classés dans le domaine public de I’Etat conformément aux dispositions de la loi domaniale
Le texte précise aussi l’étendue des exonérations fiscales et parafiscales très larges d’ailleurs excepté pour ce qui est du maintien des obligations de contribution et cotisation au régime légal de la sécurité sociale algérien et du versement des droits et taxes relatifs aux véhicules automobiles de tourisme à I’exception des véhicules liés à I’exploitation.
À propos d’emploi justement, le projet de loi est très prolixe sur la nature des relations de travail au sein de ces zones. Ainsi, est-il précisé, les relations de travail entre les salariés et les opérateurs sont régies par des contrats de travail librement conclu entre les parties. Cependant, la main-d’ouvre nationale reste régie par les dispositions de la législation nationale en matière de charges sociales et de sécurité sociale. Pour sa part, le personnel technique et d’encadrement de nationalité étrangère doit faire l’objet, lors de son recrutement, d’une déclaration par l’employeur auprès de l’exploitant de la zone, qui notifie à son tour cette déclaration aux services de I’emploi territorialement compétents.
Une orientation vers l’export
La circulation des biens et des capitaux, de et vers ces zones, est également étroitement réglementée, d’autant plus que les activités économiques à y implanter seront orientés vers l’export. C’est dans ce contexte que le texte stipule que les opérateurs activant dans ces zones ne peuvent orienter la commercialisation de leurs biens et services vers le marché national que dans la limite de 20% de leur production globale. Pour le reste, les transactions liées à l’importation d’intrants, l’exportation des produits et la commercialisation des produits et services sur le marché national, sont soumises à la réglementation en vigueur en matière douanière et des changes, insiste-on. Justement à propos de changes, la nouvelle loi instaure diverses dispositions afin de garantir un suivi permanent des flux de capitaux et de devises.
Le texte stipule que les investissements en capital réalisés, en zone franche doivent se faire au moyen de devises convertibles régulièrement cotées par la Banque d’Algérie et dontl’importation est dûment constatée par cette dernière ou par une banque commerciale agrée. Aussi, les transactions commerciales doivent se faire au moyen de devises convertibles selon les mêmes conditions. Enfin, « le mouvement de capitaux à I’intérieur de la zone franche, entre celle-ci et le territoire douanier, ou avec I’extérieur du territoire national, sont régis par la législation et la réglementation des changes en vigueur », est-il précisé.
Samira Ghrib