Pedro Sanchez espionné à l’aide du logiciel Pegasus : L’ombre du Makhzen
Le scandale Pegasus connaît un nouveau rebondissement. Les autorités espagnoles ont annoncé lundi que les téléphones portables du premier ministre Pedro Sanchez et de la ministre de la défense Margarita Robles ont fait l’objet d’intrusions à l’aide du Logiciel espion de l’israélien NSO, Pegasus.
Une annonce qui laisse à penser implicitement, à une fort probable responsabilité du Makhzen, lequel est impliqué dans le ciblage de 50.000 numéros de téléphone appartenant à des militants des droits de l’Homme marocains, sahraouis, algériens, espagnoles et Français, en sus du ciblage de chefs d’États, don notamment le président français Emmanuel Macron.
Le ministre de la Présidence espagnole, Félix Bolaños a tenu une conférence de presse en urgence à Madrid à travers laquelle il a dénoncé «des faits d’une énorme gravité», soulignant que «le gouvernement n’avait pas simplement des soupçons mais des certitudes». Il a expliqué que «les téléphones portables de Pedro Sanchez et de Margarita Robles avaient été infectés l’an dernier par ce logiciel conçu par la société israélienne NSO et qui fait déjà l’objet de multiples enquêtes dans le monde». La même source a ajouté que «deux intrusions ont eu lieu dans le portable de Pedro Sanchez en mai 2021 et une dans celui de Margarita Robles en juin 2021 », selon Félix Bolaños, soulignant que ces intrusion «permis d’extraire un volume déterminé de données». «Nous avons la certitude absolue qu’il s’agit d’une attaque externe, parce qu’en Espagne, dans une démocratie comme la nôtre, toutes les interventions sont effectuées par des organismes officiels et avec une autorisation judiciaire», a-t-il expliqué. Et d’ajouter que «dans le cas présent, aucune de ces deux circonstances ne s’est produite», poursuivant que «nous n’avons pas le moindre doute qu’il s’agit d’une intervention externe». Afin que toute la lumière soit faite sur cette affaire, le Gouvernement se remet à l’Audience nationale, a-t-il précisé, annonçant le dépôt de plainte auprès de cette juridiction chargée des dossiers d’importance nationale ou internationale, comme les affaires de terrorisme. «Les vérifications se poursuivent pour savoir si d’autres membres du gouvernement espagnol ont également été espionnés avec Pegasus», a annoncé Félix Bolaños. Le quotidien espagnol, El Pais, a révélé qu’à l’aide du logiciel Pegasus, «les hackers ont extrait 2,6 gigas de données du téléphone de Pedro Sanchez et neuf mégas de celui de Margarita Robles». «Le gouvernement ignore encore la nature de l’information volée et son degré de sensibilité. Il s’agit de leurs téléphones officiels, mis à leur disposition par l’État, et non privés », a poursuivi le quotidien. Si certains médias mainstream affidés au Makhzen tentent de détourner les regards vers les indépendantistes catalans, il est difficile de ne pas penser à la fort probable implication du régime marocain dans cette affaire, d’autant que les autorités espagnoles ont évoqué une « intervention externe ». Ceci d’autant plus que ces intrusions ont eu lieu au plus haut de la crise diplomatique entre Rabat et Madrid. Une crise que le Makhzen avait provoqué en lâchant 10.000 migrants à la mi-mai 2021 sur les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla, après que l’Espagne ait reçu le président Sahraoui Brahim Ghali pour des soins. Le président sahraoui était d’ailleurs arrivé en Espagne le 18 avril 2021 avant de la quitter en juin.
L’implication du Makhzen est d’autant plus plausible qu’Amnesty international avait mis à nu, l’été dernier, la compromission du Makhzen dans l’affaire de l’espionnage à grande échelle de 50.000 numéros de téléphones appartenant non seulement à des militants des droits de l’Homme, mais aussi des hommes politiques et des chefs d’État, en Algérie, en Espagne et en France. En France d’ailleurs, les numéros du président français Emmanuel Macron et de l’ancien premier ministre Edouard Phillipe s’est retrouvé sur la liste des numéros sélectionnés « par un service de sécurité marocain utilisateur de Pegasus » pour espionnage. Une question demeure cependant. Dans quelle mesure cette affaire d’espionnage risque-t-elle d’affecter la nouvelle lune de miel entre Rabat et Madrid. Pour l’heure, le gouvernement Sanchez hésite à fâcher son allié et refuse de citer l’hypothèse Makhzen. Or, Sanchez, déjà en mauvaise posture en raison d’une abdication caractérisée face au régime marocain et vertement critiquée en Espagne, ne peut ignorer cette possibilité longtemps.
Salim Abdenour